Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 9 septembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, MmeB..., et de lui accorder la jouissance du regroupement familial en faveur de son épouse.
Par un jugement n° 1503089 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2016, régularisée le 2 février 2017, M. G... E..., représenté par le cabinet d'avocats Avo4, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 octobre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 9 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loiret de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, qu'il réexamine sa demande à l'intérieur de ce même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 74 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
les premiers juges ont commis une erreur de droit en ne le considérant pas comme de nationalité française ;
la décision du ministre est entachée d'une erreur d'appréciation en retenant qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes puisque celles-ci, calculées sur une année, ne sont que très infiniment inférieures au SMIC et qu'il se trouve dans une situation de handicap l'empêchant de trouver un emploi adapté et stable ;
la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié avec Mme B...depuis plus de dix ans et qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
le moyen tiré de ce que le requérant serait de nationalité française est inopérant ;
les autres moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
le rapport de M.A...'hirondel,
et les observations de MeC..., représentant M.E....
1. Considérant que M. G...E..., né le 30 juin 1967 à Brazzaville (Congo), a présenté, le 18 juin 2014 auprès des services de la préfecture du Loiret, une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B...; que par décisions des 17 février et 24 mars 2015, le préfet du Loiret a rejeté sa demande ; que le 3 juin 2015, il a formé un recours hiérarchique à l'encontre de ces décisions auprès du ministre de l'intérieur ; que, par une décision du 9 septembre 2015, le ministre a rejeté ce recours ; que M. E...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 octobre 2016 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; que l'article L. 411-5 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des énonciations de la décision en litige qui ne sont pas sur ce point contestées, que M. E...est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 janvier 2002 et qu'il était titulaire, à la date de cette décision, d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour temporaire expirant le 21 octobre 2015 ; qu'il a formé, le 18 juin 2014, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de regroupement familial au profit de son épouse, Mme D...B..., en mentionnant être de nationalité congolaise ; que si le requérant fait désormais valoir qu'il serait, en réalité, de nationalité française, cette allégation n'est en tout état de cause pas assortie de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet du Loiret a refusé d'autoriser le regroupement familial sollicité par M. E...en faveur de son épouse au motif que le montant de ses ressources, calculé sur la période de référence, soit de juin 2013 à mai 2014, était insuffisant et qu'il ne justifiait pas, également, de ressources stables dès lors, d'une part, que son activité professionnelle était récente et que, placé en arrêt de travail pour maladie, il avait indiqué avoir engagé une procédure de rupture conventionnelle avec son employeur ;
5. Considérant que l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, ne dispense le demandeur de justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille que s'il est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ; que si par une décision du 15 juin 2015, la commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu à M. E..., à compter du 22 février 2015 et jusqu'au 21 février 2018, la qualité de travailleur handicapé, elle a, en revanche, rejeté ses demandes tendant à obtenir un complément de ressources et l'allocation aux adultes handicapés dès lors que le taux d'incapacité qui lui a été reconnu était inférieur à 50 % ; que cette décision invitait l'intéressé à s'orienter vers le marché du travail en contactant les services de l'emploi ; que l'intéressé n'étant pas titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, il n'était pas, par suite dispensé de justifier disposer de ressources stables et suffisantes ;
6. Considérant que le décret n° 2013-1190 du 19 décembre 2013 a porté, à compter du 1er janvier 2014, le montant du salaire minimum de croissance (SMIC) à 9,53 euros brut de l'heure, soit un SMIC brut mensuel de 1 445,38 euros et annuel de 17 344,56 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des bulletins de salaire de M. E...que, durant la période de référence telle que définie à l'article R.421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dernier a été employé entre juin 2013 et août 2013, par la société " Voyages Querard " et de septembre 2013 à mai 2014, par la société " Autocars Planche " ; que durant cette période d'un an, il a perçu un salaire annuel brut de 14 651,13 euros ; qu'il a, en outre, perçu durant cette même période, des indemnités journalières pour un montant total de 1 370,63 euros ; que le revenu annuel brut perçu par M. E...pendant la période de référence s'élève ainsi à 16 447,58 euros, soit 1 370,63 euros par mois ; que, par suite, ce montant étant inférieur au minimum légal requis par les dispositions précitées de l'article R. 411-4 du même code, et alors même que l'écart serait faible, le ministre a pu, sans erreur d'appréciation, rejeter pour ce premier motif, qui est à lui seul suffisant, la demande de regroupement familial présentée par M.E... ;
7. Considérant, par ailleurs, qu'il ressort des mêmes pièces du dossier, en particulier du rapport d'instruction de sa demande de regroupement familial, que si M. E...a indiqué avoir travaillé depuis janvier 2009, il n'a déclaré au titre de l'impôt sur le revenu que 1 641 euros en 2011 et 275 euros en 2012 ; que le premier contrat de travail à durée indéterminée qu'il a pu présenter est celui qu'il a conclu à compter de septembre 2013 avec la société " Autocars Planche " ; que toutefois, il avait indiqué, lors de l'instruction de sa demande, avoir engagé une procédure de rupture conventionnelle avec son employeur ; que placé en arrêt de maladie à compter du 29 mars 2015, il a été ensuite licencié le 4 avril 2015 ; qu'il était, depuis, inscrit à pôle emploi, à la recherche d'un emploi compatible avec son handicap et s'il percevait l'allocation d'aide au retour à l'emploi, le montant de ses revenus était devenu toutefois nettement inférieur à celui du SMIC ; que, dans ces conditions, le ministre a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, retenir également le second motif tiré de l'absence de stabilité de ses ressources pour rejeter la demande de M. E... ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.E..., qui est entré en France en 2002, n'était titulaire à la date de la décision litigieuse que d'une carte de séjour temporaire d'un an ; que s'il a épousé au Congo le 30 décembre 2006, Mme D...B..., il n'a déposé une demande de regroupement familial à son profit que le 18 juin 2014 ; que, par ailleurs, à la date de la décision contestée, le requérant vivait éloigné de son épouse depuis plus de huit ans ; que dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.E..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent être accueillies ;
Sur les frais liés au litige :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. E...de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
M. F...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03621