Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 avril 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de rejet de sa demande de naturalisation prise par le préfet de Police de Paris le 4 juin 2015 et a substitué à cette dernière une décision d'ajournement à deux ans de sa demande.
Par un jugement n° 1509656 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 19 avril 2016 et a enjoint au ministre de réexaminer la demande de naturalisation présentée par M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2018 et le 5 juin 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 décembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
la décision litigieuse n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits reprochés à M.B..., ne sont pas anciens et présentent une particulière gravité ;
les moyens développés en première instance par M. B...seront écartés pour les motifs développés dans ses écritures dans le cadre de cette instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2018, M. D...B..., représenté par la SCP d'avocats " Ipso Facto ", conclut :
1°) au rejet de la requête;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de faire droit à sa demande de naturalisation ou de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé ;
la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
elle est insuffisamment motivée ;
il remplit l'ensemble des conditions prévues par le code civil pour prétendre à être naturalisé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code civil ;
le décret n° 93-1362 du 30 décembre modifié ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A... 'hirondel,
et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., sa décision du 19 avril 2016 ajournant à deux ans la demande de naturalisation de ce dernier ;
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de M. B..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur le motif tiré de ce que le requérant a été l'auteur de " violences volontaires sur conjoint ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à 8 jours entre le 14 août 2005 et le 12 septembre 2005 à Noisy-le-Grand (93) ", plus précisément de trois jours d'I.T.T. ainsi qu'il ressort de la décision du préfet de police de Paris du 4 juin 2015 ;
4. Considérant que la matérialité de ces faits, qui a été prise en compte par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bobigny dans son jugement du 20 novembre 2006 pour prononcer le divorce aux torts de M. B..., n'est pas contestée ; que s'ils présentent certes un caractère de gravité, le ministre a, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en ajournant la demande de naturalisation de M. B... pour le seul motif tiré de ces faits, compte tenu de leur ancienneté et de l'absence non contestée de toute nouvelle infraction commise par le requérant qui était présent depuis plus de vingt-cinq ans, à la date de la décision contestée, sur le territoire français où il a des attaches particulières du fait de son mariage avec une ressortissante française et de la présence de ses enfants qui ont la nationalité française et de son parcours professionnel ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 19 avril 2015 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant que par la voie de l'appel incident, M. B...demande qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre, de faire droit à sa demande de naturalisation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à tout le moins, qu'il réexamine cette demande ; que, toutefois, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur d'accorder au requérant la nationalité française ; qu'il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au ministre de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à une nouvelle instruction de la demande de naturalisation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D...B....
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 01er octobre 2018.
Le rapporteur,
M. C...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00065