Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tereos France a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire émis par l'agence de l'eau Loire Bretagne pour le recouvrement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique de l'année 2014 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 190 632 euros et d'annuler la décision du président de l'agence de l'eau Loire-Bretagne du 6 juin 2016 rejetant sa réclamation préalable et d'enjoindre à l'agence de l'eau Loire Bretagne de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1602585 du 23 mai 2017 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juillet 2017 et 29 janvier 2018, la société Tereos France, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2017 ;
2°) d'annuler l'état exécutoire qui lui a été notifié s'agissant de la redevance pour pollution de l'eau au titre de l'année 2014 et de prononcer la décharge de cette redevance ;
3°) d'enjoindre à l'agence de l'eau Loire-Bretagne de suspendre le recouvrement de la créance jusqu'à la décision à intervenir et de réexaminer la situation du site d'Artenay de la société Tereos France sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau Loire-Bretagne une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'état exécutoire n'était pas suffisamment motivé ;
- l'équilibre hydrique, au sens de l'arrêté du 21 décembre 2007, a été respecté ;
- la règle appliquée par l'agence de l'eau allait au-delà des exigences de cet arrêté, méconnait le principe de sécurité juridique et est inappropriée, le calcul de l'agence de l'eau étant donc erroné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, l'agence de l'eau Loire-Bretagne, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Tereos France ;
2°) qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'agence de l'eau fait valoir que les moyens d'annulation soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour la pollution de l'eau et pour la modernisation des réseaux de collecte ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la société Tereos France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Tereos France exploite sur son site d'Artenay, une activité saisonnière de production de sucres et de séchage des pulpes, ainsi qu'une activité de production d'alcool et de conditionnement des sucres de bouche tout au long de l'année. Dans le cadre de ses activités, elle a recours à la valorisation agronomique pour l'épuration de ses effluents et est, en conséquence, assujettie à la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Elle s'est vue notifier un titre exécutoire d'un montant de 190 632 euros, émis par l'agence de l'eau Loire Bretagne pour le recouvrement de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique au titre de l'année 2014. Elle relève appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ce titre exécutoire et de prononcer la décharge de cette redevance.
Sur le bien fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement : " (...) II. - L'assiette de la redevance est la pollution annuelle rejetée dans le milieu naturel égale à douze fois la moyenne de la pollution moyenne mensuelle et de la pollution mensuelle rejetée la plus forte (...) Elle est déterminée directement à partir des résultats du suivi régulier de l'ensemble des rejets (...) La pollution évitée est déterminée à partir de mesures effectuées chaque année, le dispositif de suivi étant agréé par l'agence de l'eau (...) III. - Sur demande du redevable, le suivi régulier des rejets visé au II a pour objet de mesurer la pollution annuelle ajoutée par l'activité. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-11-8 du code de l'environnement : " Un ordre de recette émis par le directeur de l'agence et pris en charge par l'agent comptable est notifié au contribuable pour le recouvrement des redevances ainsi que des intérêts de retard et des majorations dont elles sont le cas échéant assorties. Cet ordre de recette mentionne la somme à acquitter au titre de chaque redevance, la date de mise en recouvrement, la date d'exigibilité et la date limite de paiement. ". En vertu du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique applicable à l'agence de l'eau Loire-Bretagne, un titre exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation.
3. Le titre exécutoire en litige comporte les éléments mentionnés à l'article L. 213-11-8 du code de l'environnement ainsi que les assiettes de la redevance, composées de la pollution annuelle produite, avec l'indication du mois de la pollution rejetée la plus forte, la pollution évitée par l'établissement et la pollution rejetée dans le milieu, ces dernières rubriques devant implicitement mais nécessairement être entendues comme calculées sur l'année, comme la première rubrique. Ainsi, le titre mentionne les bases de la liquidation au regard de l'article L. 213-10-2 du même code. La société Tereos France ne saurait utilement soutenir que l'état exécutoire devait mentionner les résultats du suivi régulier des rejets alors qu'elle a elle-même transmis ces résultats à l'agence de l'eau. Le titre exécutoire n'avait pas à mentionner les modalités d'évaluation des bases de la liquidation, tel que le calcul de la pollution annuelle, le coefficient d'élimination de la pollution appliqué à la quantité de pollution mesurée pour déterminer la quantité de pollution évitée ou les règles d'établissement de l'équilibre hydrique prises en compte pour l'attribution de ce coefficient. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre exécutoire doit être écarté.
4. En second lieu, le III de l'article R. 213-48-9 du Code de l'environnement dispose que : " Le ministre chargé de l'environnement détermine par arrêté, pour chaque élément constitutif de la pollution, le niveau de pollution évitée à prendre en compte en cas d'épandage direct d'effluents sur des terres agricoles, en tenant compte de la qualité des méthodes de récupération au regard des caractéristiques des terres et des pratiques agricoles ". Pour l'application de ces dispositions, l'annexe VI à l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d'établissement des redevances pour la pollution de l'eau et pour la modernisation des réseaux de collecte précise que la quantité de pollution évitée à prendre en compte est déterminée, en cas de suivi régulier des rejets, par application, à la quantité de pollution mesurée, d'un coefficient d'élimination de la pollution défini au tableau 4 de l'annexe et fonction du niveau du professionnel taxé. Le tableau 4 répertorie sept niveaux allant du niveau " mauvais " au niveau " excellent 2 ". L'un des critères d'attribution du niveau " bon " est le suivant : " Les sols sont constamment en équilibre hydrique, les volumes apportés ne dépassant jamais les possibilités d'évapotranspiration et d'absorption des sols sans saturation de leur couche superficielle ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces derniers termes, qui définissent de manière suffisante l'équilibre hydrique, ne contreviennent pas aux objectifs de clarté et d'intelligibilité de la loi.
5. Il résulte de l'instruction qu'après la mise en place par la société Tereos France, d'un dispositif agréé de suivi régulier des rejets, celle-ci s'est vue attribuer un coefficient d'élimination de la pollution " moyen " par l'agence de l'eau Loire-Bretagne et non plus " bon " comme les années précédentes, ce qui a donné lieu à une forte augmentation du montant de sa redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique. Le bilan hydrique établi par le cabinet GES pour la société Tereos mentionne que les sols ne sont pas constamment en équilibre hydrique ce qui nécessite une appréciation mensuelle. De plus, seul un calcul mensuel des apports hydriques permet de s'assurer de l'absence de saturation en eau des sols pour éviter des ruissellements, en rapportant le volume d'effluents épandu sur la surface ayant réellement reçu ces doses. Ainsi la circonstance que le bilan hydrique de la société tient compte des précipitations et de l'évapotranspiration potentielle et conclut à un " très bon respect de l'aptitude des sols à l'épandage ", ne suffit pas à établir que les conditions précitées fixées pour l'obtention d'un coefficient " bon ", qui ne peuvent, de par leurs termes, être appréciées annuellement, seraient respectées. Ce bilan mentionne en effet trois mois en excédent hydrique climatique, une dose d'effluents moyenne seulement annuelle de 91 mm rapportée à la surface totale du périmètre et non pas à la surface ayant réellement reçu ces doses et ne contient aucune préconisation concernant la limite des volumes d'effluents à épandre. Si l'agence de l'eau a utilisé des indices d'appréciation non précisés par les textes précités pour déterminer la présence d'un équilibre hydrique, en retenant 30 mm en période d'excédent hydrique et 120 mm en période de déficit hydrique, c'est uniquement en raison de l'insuffisance des données produites à cet égard par la société Tereos France et il n'est pas établi que la seule absence de distinction entre les cultures rendrait cette méthode d'évaluation non pertinente.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Tereos France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation et de décharge de la société Tereos France, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tereos France la somme de 1 000 euros au bénéfice de l'agence de l'eau Loire-Bretagne à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Tereos France est rejetée.
Article 2 : La société Tereos France versera la somme de 1 000 euros à l'agence de l'eau Loire-Bretagne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tereos France et à l'agence de l'eau Loire-Bretagne.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02203