Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des routes et chemins du pays courvillois a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du président du conseil départemental d'Eure-et-Loir du 11 juillet 2016 portant suppression de sections de routes départementales sur les communes de Billancelles, Landelles et Pontgouin avec extension sur la commune de Digny.
Par un jugement n° 1602467 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017, l'association des routes et chemins du pays courvillois, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 octobre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du président du Conseil départemental d'Eure-et-Loir du 11 juillet 2016 portant suppression de sections de routes départementales sur les communes de Billancelles, Landelles et Pontgouin avec extension sur la commune de Digny ;
3°) de mettre à la charge du département d'Eure-et-Loir le versement à son profit d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en ce que, d'une part, les procès-verbaux établis par les services du département à l'issue des réunions des commissions communales d'aménagement foncier sont des faux, et que, d'autre part, la délibération de la commission permanente du 4 mars 2016 n'a pas été précédée d'une enquête publique ;
- le président du conseil départemental s'est à tort cru en situation de compétence liée par la proposition de la commission d'aménagement foncier ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'annexe 2-5 du règlement départemental de voirie du 23 juin 2014 et les articles L. 3112-1, L. 3112-2 et L. 3112-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 121-21 du code rural et de la pêche maritime dès lors que le plan d'aménagement foncier agricole et forestier n'a pas été déposé en mairie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, le département d'Eure-et-Loir, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association des routes et chemins du pays courvillois une somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département soutient à titre principal que la requête est irrecevable faute pour l'association requérante de justifier d'une habilitation régulière de son président pour ester en justice au nom et pour le compte de l'association, et subsidiairement, qu'aucun des moyens soulevés par l'association n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse ;
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour l'association des routes et chemins du pays courvillois a été enregistrée le 10 décembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier portant sur les communes de Pontgouin, Landelles, Billancelles, Digny, Saint-Arnoult-des-Bois, Mittainvilliers et Dangers, la commission intercommunale d'aménagement foncier a proposé au conseil départemental d'Eure-et-Loir des modifications de la voirie départementale, et notamment la suppression de quinze sections de routes départementales en vue de les interdire définitivement à la circulation et de les remettre en état de culture. Par une délibération n° 2-4 du 4 mars 2016, la commission permanente du conseil départemental a décidé la suppression de ces quinze sections de routes départementales et autorisé le président du conseil départemental à poursuivre les procédures de déclassement de ces mêmes sections. Par un arrêté du 11 juillet 2016, le président du conseil départemental a fixé au 28 juillet 2016 la date de suppression de sections de routes départementales sur les communes de Billancelles, Landelles et Pontgouin avec extension sur la commune de Digny. Par une délibération n° 2-5 du 7 octobre 2016, la commission permanente du conseil départemental a décidé de déclasser les quinze sections de routes départementales en cause. L'association des routes et chemins du pays courvillois, qui s'est fixé pour objet social " la valorisation et la sauvegarde du patrimoine que constituent les routes et les chemins du pays courvilllois " a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2016 du président du conseil départemental. Elle relève appel du jugement n° 1602471 du 24 octobre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 juillet 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 121-18 du code rural et de la pêche maritime : " La commission communale d'aménagement foncier peut proposer au conseil départemental les modifications de tracé et d'emprise qu'il conviendrait d'apporter au réseau des chemins départementaux. / Ces modifications de tracé et d'emprise sont prononcées sans enquête spécifique après délibération du conseil départemental. L'emprise nécessaire à la modification de tracé ou d'emprise des routes départementales peut être attribuée au conseil départemental, à sa demande, en contrepartie de ses apports dans le périmètre d'aménagement foncier, à la condition que ceux-ci couvrent l'ensemble des apports nécessaires à cette modification et que la surface des emprises nécessaires ne dépasse pas 5 % de la surface du périmètre ".
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil départemental peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15. (...) ". D'autre part, l'article L. 3221-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Le président du conseil départemental est l'organe exécutif du département. / Il prépare et exécute les délibérations du conseil départemental ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 2 avril 2015, le conseil départemental a donné délégation à la commission permanente pour exercer l'ensemble des attributions du conseil départemental, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, par un arrêté du 14 janvier 2016, le président du conseil départemental d'Eure-et-Loir a donné délégation de signature à M. C... B..., directeur général adjoint des investissements, " en toutes matières et dans le cadre des attributions de sa direction générale adjointe, à l'exception : - des rapports soumis à l'assemblée départementale ; - des rapports soumis à la commission permanente ; - des délibérations et décisions correspondantes ; - des arrêtés de délégation et de signature ... ". En dépit de sa rédaction maladroite, cet arrêté du 14 janvier 2016, s'il exclut du périmètre de la délégation ainsi consentie la signature des délibérations et décisions prises par la commission permanente, ne saurait être considéré comme excluant les décisions prises par le président du conseil départemental en exécution des délibérations de la commission permanente. Dès lors, M.B..., dont la fonction recouvre la direction des routes, bénéficiait d'une délégation régulière pour signer l'arrêté en litige du 11 juillet 2016 pris en exécution de la délibération de la commission permanente du conseil départemental du 4 mars 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'arrêté litigieux a eu pour seul objet de fixer au 28 juillet 2016 la date de la suppression, dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier, des sections de routes départementales sur les communes de Billancelles, Landelles et Pontgouin avec extension sur la commune de Digny, dont le principe a été décidé par délibération de la commission permanente du conseil départemental d'Eure-et-Loir, seule compétente pour ce faire en vertu de la délégation de compétence dont elle disposait. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 11 juillet 2016 ne serait pas motivé conformément à l'exigence posée par l'article L. 3213-2 du code général des collectivités territoriales qui vise les délibérations portant cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par un département, doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, l'association des routes et chemins du pays courvillois n'apporte aucun élément de nature à étayer son allégation selon laquelle le procès-verbal établi par les services du département à l'issue de la réunion de la commission communale d'aménagement foncier serait un faux. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, l'association excipe de l'illégalité de la délibération de la commission permanente n° 2.4 du 4 mars 2016, en exécution de laquelle a été édicté l'arrêté du 11 juillet 2016, en ce que cette délibération n'a pas été précédée de l'enquête publique prévue par l'article R. 131-4 du code de la voirie routière, aux termes duquel " Le classement et le déclassement des routes départementales relèvent du conseil départemental. (...) / Les délibérations du conseil départemental concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque l'opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie. / A défaut d'enquête relevant d'une autre réglementation et ayant porté sur ce classement ou déclassement, l'enquête rendue nécessaire en vertu du deuxième alinéa est ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale (...) propriétaire de la voie (...) ". Toutefois, d'une part, la délibération du 4 mars 2016 de la commission permanente du conseil départemental a eu pour seul objet de supprimer quinze sections de routes départementales en application des dispositions précitées de l'article L. 121-18 du code rural et de la pêche maritime, qui ne prévoient pas l'organisation d'une enquête spécifique portant sur les modifications de tracé et d'emprise du réseau des chemins départementaux proposées dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier, et non de procéder à leur déclassement en application de l'article R. 131-4 du code de la voirie routière. D'autre part, et en toute hypothèse, ce déclassement a été décidé par une délibération de la commission permanente du 7 octobre 2016 postérieure à l'enquête publique qui s'est tenue, dans le cadre de la procédure d'aménagement foncier, du 30 mars au 2 mai 2016, et qui a notamment porté, ainsi que le révèlent les pièces du dossier, sur la suppression de portions de chemins départementaux et sur le déclassement de portions de voirie départementale. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la délibération de la commission permanente n° 2.4 du 4 mars 2016 ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni de la circonstance que la commission permanente a décidé de réserver une suite favorable aux propositions des commissions d'aménagement foncier visant à la suppression puis au déclassement de sections de routes départementales, que le département d'Eure-et-Loir se serait estimé lié par ces propositions.
9. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, l'arrêté litigieux du 11 juillet 2016 a eu pour seul objet de fixer au 28 juillet 2016 la date de la suppression de sections de routes départementales sur les communes de Billancelles, Landelles et Pontgouin avec extension sur la commune de Digny, dont le principe a été décidé par délibération de la commission permanente du conseil départemental d'Eure-et-Loir. Par suite, l'association requérante ne peut utilement soutenir que cet arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 3112-1, L. 3112-2 et L. 3112-3 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi que celles de l'annexe 2-5 du règlement départemental de voirie adopté le 23 juin 2014, qui ne trouvent respectivement à s'appliquer qu'en cas de cession ou d'échange, par dérogation au principe d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité des biens relevant du domaine public, ou d'aliénation d'une route départementale. Il en est de même s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-21 du code rural et de la pêche maritime, qui ne trouve à s'appliquer que dans l'hypothèse, qui n'est pas celle de l'espèce, où un aménagement foncier agricole et forestier ou une opération d'échanges et cessions de parcelles dans le cadre d'un périmètre d'aménagement foncier a été décidé dans les conditions prévues à l'article L. 121-14 du même code.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le département d'Eure-et-Loir, que l'association des routes et chemins du pays courvillois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département d'Eure-et-Loir, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'association des routes et chemins du pays courvillois au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association des routes et chemins du pays courvillois, sur ce même fondement, une somme de 100 euros à verser au département d'Eure-et-Loir.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association des routes et chemins du pays courvillois est rejetée.
Article 2 : L'association des routes et chemins du pays courvillois versera au département d'Eure-et-Loir la somme de 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des routes et chemins du pays courvillois et au département d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 17NT03952