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10/01/2019 | FRANCE | N°17NT03086

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 janvier 2019, 17NT03086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place depuis le 14 décembre 2009, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui verser en conséquence la somme de 13 446,39 euros, de procéder au versement des cotisations de retraite correspondantes et d'enjoindre à la société de pro

céder à son inscription sur la liste d'aptitude au grade d'inspecteur au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place depuis le 14 décembre 2009, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière et de lui verser en conséquence la somme de 13 446,39 euros, de procéder au versement des cotisations de retraite correspondantes et d'enjoindre à la société de procéder à son inscription sur la liste d'aptitude au grade d'inspecteur au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1501643 du 26 juillet 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné La Poste à verser à Mme E...la somme de 1 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 octobre 2017 et 5 novembre 2018, La Poste, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2017 en tant qu'il a fait partiellement droit aux demandes de Mme E...;

2°) de rejeter en totalité la demande de Mme E...devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont retenu un moyen irrecevable, dès lors que la prétendue faute liée à l'absence de concours interne n'a été invoquée par Mme E...que postérieurement à l'expiration du délai de recours ;

- l'absence d'organisation de concours interne ne constitue pas une faute ;

- le tribunal administratif a accepté d'indemniser un préjudice moral en réalité inexistant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2018 MmeE..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que La Poste soit condamnée à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009. Elle conclut en outre à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- qu'elle est bien fondée à voir engager la responsabilité de La Poste à raison des dysfonctionnements et retards observés dans la mise en oeuvre d'un dispositif de promotion interne qui lui ont occasionné des préjudices de carrière ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, que les premiers juges ont inexactement appréciés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1958 modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes, télégraphes et téléphones ;

- le décret n° 64-953 du 11 septembre 1964 modifié, relatif au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications ;

- le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 modifié, portant statut particulier du corps des contrôleurs des postes et télécommunications ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant La Poste S.A.

Une note en délibéré, présentée pour La Poste, a été enregistrée le 18 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

Les faits, la procédure :

1. Il résulte de l'instruction que Mme E..., fonctionnaire de La Poste depuis le 26 février 1980 dans le grade de contrôleur, a été titularisée le 26 février 1981 dans le grade de contrôleur du service général. Elle a refusé, lors du changement de statut de son employeur, d'intégrer les corps dits de " reclassification ", et a opté en faveur de la conservation de son grade. Par un arrêt du 20 janvier 2011 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que La Poste a commis des illégalités fautives en ne faisant pas application avant le 1er janvier 2002 des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement, puis en faisant application de décrets illégaux, et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires. Elle a considéré que Mme E... avait été privée d'une chance sérieuse d'accéder au grade hiérarchiquement supérieur de contrôleur divisionnaire si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993, mais qu'il n'était pas établi qu'elle aurait eu une chance sérieuse d'accéder au grade d'inspecteur. Le préjudice professionnel et financier de Mme E..., son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence ont été évalués à la somme globale de 16 000 euros, dont 3 200 euros mis à la charge de La Poste, compte tenu des illégalités fautives également commises par l'Etat.

2. Mme E...a été promue dans le corps des contrôleurs divisionnaires le 30 décembre 2013. Toutefois, estimant toujours subir un préjudice elle a, par lettre du 19 décembre 2014, adressé au président de La Poste une réclamation tendant, d'une part, à la reconstitution de sa carrière et au versement par son employeur de la somme de 9 107,80 euros à parfaire au titre de sa perte de traitements et accessoires, ainsi que des cotisations correspondantes au service des pensions de retraites, et, d'autre part, au versement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant du retard dans la reconstitution de sa carrière et de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place depuis le 14 décembre 2009, et, enfin, à son inscription sur la liste d'aptitude au grade d'inspecteur. L'absence de réponse à sa demande a fait naître une décision implicite de rejet, dont Mme E...a saisi le tribunal administratif de Rennes.

3. Ce dernier a partiellement fait droit à sa demande en condamnant La Poste à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral. La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation. Mme E...demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le même jugement en ce qu'il a pour partie rejeté les conclusions de sa demande et de faire droit à ces mêmes conclusions.

Sur la requête de La Poste :

4. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient La Poste, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en estimant que les dispositions du décret du 14 décembre 2009, visé ci-dessus, n'emportent pas en elles-mêmes de dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et ne font pas obstacle à l'application des décrets statutaires régissant les différents corps énumérés en annexe à ce décret, dont celui des contrôleurs de La Poste, en relevant qu'il revenait à La Poste d'appliquer les dispositions du décret du 11 septembre 1964 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications, lequel ne comporte aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 janvier 1984, et de procéder au recrutement dans ce corps dans le respect des proportions fixées entre les différentes voies d'accès que constituent le concours interne et la liste d'aptitude, et en déduisant qu'en refusant d'organiser un concours interne, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, La Poste avait commis une illégalité fautive. Ils ont ainsi expressément écarté le moyen soulevé en défense selon lequel les dispositions du décret du 14 décembre 2009 et de l'article 22 de la loi du 11 janvier 1984 permettaient à La Poste de rétablir la promotion interne par la voie de la seule liste d'aptitude, à l'exclusion de tout concours interne.

5. En deuxième lieu le moyen soulevé par Mme E...devant le tribunal administratif, tiré de l'absence de concours interne dans les dispositifs de promotion et d'avancement mis en place par La Poste à la suite de l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009, met en cause la responsabilité de cet opérateur à raison de fautes commises dans la mise en place de ce dispositif. Contrairement à ce que soutient La Poste, ce moyen se rattache à la même cause juridique que ceux invoqués dans la demande introductive d'instance devant le tribunal administratif. La Poste ne saurait utilement faire valoir qu'il n'a pas été invoqué dans la réclamation de Mme E...en date du 19 décembre 2014. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement aurait à tort accueilli un moyen irrecevable.

6. En troisième lieu, ainsi que l'ont apprécié les premiers juges, les dispositions de l'article 1er du décret du 14 décembre 2009 susvisé n'emportent pas en elles-mêmes de dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et ne font pas obstacle à l'application des décrets statutaires régissant les différents corps énumérés en annexe, dont celui des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications qu'il n'abroge pas. Le statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications prévoit au nombre des modalités de promotion interne la voie du concours interne et celle de la liste d'aptitude. Alors même que La Poste fait valoir qu'elle a fait le choix de privilégier la voie de la liste d'aptitude, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer ces dispositions du statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires régi par le décret susvisé du 11 septembre 1964 et de procéder au recrutement dans ce corps dans le respect des proportions fixées entre les différentes voies d'accès que constituent le concours interne et la liste d'aptitude. Contrairement à ce que soutient La Poste, le Conseil d'Etat, en refusant de faire droit aux conclusions à fin d'astreinte liées à l'exécution de sa décision n° 304438-304439 du 11 décembre 2008 n'a pas statué sur la légalité du dispositif de promotion qu'elle a mis en place à la suite du décret du 14 décembre 2009, laquelle constitue un litige distinct de celui tranché par ladite décision du 11 décembre 2008. Par suite, en s'abstenant d'organiser un concours interne d'accès au corps des contrôleurs divisionnaires, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, La Poste a commis une illégalité fautive.

7. De même il résulte des dispositions des articles 2 bis et 3 du décret n° 58-777 du 25 août 1958, portant statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste, tel que modifié par le décret n° 2009-1555, que ces inspecteurs sont recrutés, soit par inscription sur une liste d'aptitude, soit après réussite à un concours interne. La Poste admet ne pas avoir organisé des concours internes en vue d'assurer la promotion des agents reclassés depuis janvier 2010, indiquant cependant avoir mis en oeuvre le processus de promotion de ces agents par inscription sur liste d'aptitude dès janvier 2010 aux motifs que ce dispositif est plus simple et plus rapide à mettre en place et répondrait mieux aux aspirations des agents reclassés. Toutefois de telles circonstances ne dispensaient pas l'opérateur d'appliquer les dispositions précitées des décrets du 25 août 1958 portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes, télégraphes et téléphones.

8. En s'abstenant d'appliquer celles de ces dispositions qui prévoient l'organisation d'un concours interne et sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, en méconnaissance des dispositions de l'article 26 de la loi n° 84-16 La Poste a également commis une faute, sans qu'ait d'incidence sur ce point la référence erronée faite par le tribunal administratif au décret n° 2011-1679, relatif au seul statut des inspecteurs de France Télécom, lesquels constituaient alors un corps distinct de celui des inspecteurs de La Poste.

9. En quatrième et dernier lieu, La Poste ne fournit à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle les premiers juges se sont livrés en évaluant à 1 000 euros le préjudice moral subi par Mme E...en raison de l'atteinte portée à ses droits statutaires du fait des fautes commises par La Poste dans l'application des dispositifs de promotion interne, telles qu'elles ont été qualifiées ci-dessus.

10. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à Mme E...une somme de 1 000 euros.

Sur les conclusions d'appel incident de Mme E...:

11. D'une part il y a lieu par adoption des motifs du jugement attaqué, de rejeter les conclusions d'appel incident de Mme E...tendant à l'indemnisation de la perte de traitements et de rémunérations accessoires induite par l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009.

12. D'autre part Mme E...ne fournit à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle les premiers juges se sont livrés en évaluant à 1 000 euros le préjudice moral subi par elle en raison de la faute rappelée ci-dessus.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a pour partie rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que La Poste d'une part et Mme E...d'autre part présentent sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de Mme E...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste S.A. et à Mme B...E....

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le président-rapporteur,

J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,

V. GELARD

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03086
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP HERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-10;17nt03086 ?
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