Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le maire de Mortrée a interdit la circulation en transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la route départementale 958 dans les deux sens de circulation.
Par un jugement n° 1600791 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2017, l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie, représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 du maire de Mortrée ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mortrée une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une irrégularité car les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de ce que l'arrêté du maire de Mortrée méconnaît les dispositions de l'article L. 110-3 du code de la route dès lors que les nuisances invoquées ne justifient pas la mesure d'interdiction de circulation et de ce que les restrictions apportées à la circulation des véhicules dans la commune de Mortrée sont disproportionnées ;
- le maire était incompétent pour prendre cet arrêté ;
- l'arrêté du 29 février 2016 est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 110-3 du code de la route ;
- la mesure d'interdiction de circulation des véhicules de plus de 7,5 tonnes est disproportionnée et excessive ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté porte atteinte à la liberté de circulation et à la liberté du commerce et de l'industrie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, la commune de Mortrée, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association FNTR - FNTV et du syndicat UNICEM Normandie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie n'ont pas de qualité pour agir ;
- les moyens soulevés par l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 février 2016, le maire de la commune de Mortrée (Orne) a interdit la circulation de transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la route départementale (RD) 958 située dans l'agglomération de Mortrée. L'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie relèvent appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la route, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Les règles relatives aux pouvoirs de police de la circulation routière dévolus au maire dans la commune (...) sont fixées par les articles L. 2213-1 à L. 2213-6 (...) ". Par ailleurs, l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) / Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / Par dérogation aux dispositions des deux alinéas précédents et à celles des articles L. 2213-2 et L. 2213-3, des décrets peuvent transférer, dans les attributions du représentant de l'Etat dans le département, la police de la circulation sur certaines sections des routes à grande circulation ", et l'article L. 2213-4 de ce même code que : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) ". Enfin, l'article L. 3221-4 du même code dispose : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf le cas de section de route à grande circulation pour laquelle un décret a transféré cette compétence au représentant de l'Etat dans le département, il appartient au maire d'exercer, à l'intérieur de l'agglomération communale, la police de la circulation sur les portions de routes nationales et départementales, y compris celles classées, par décret, comme route à grande circulation.
3. En premier lieu et d'une part, l'arrêté du 29 février 2016 du maire de Mortrée a pour objet d'interdire, sauf dérogations qu'il prévoit expressément en son article 2, la circulation de transit, dans les deux sens de circulation, des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la RD 958 classée route à grande circulation, située dans la partie agglomérée du territoire communal. Il n'est ni établi ni allégué qu'un décret aurait transféré au préfet de l'Orne la compétence pour y exercer la police de la circulation. Si la commune de Mortrée est membre de la communauté de communes des sources de l'Orne, compétente notamment en matière de voirie, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 1er septembre 2014, notifié au président de la communauté de communes le 11 septembre 2014 et au préfet de l'Orne le 1er septembre 2014, le maire de Mortrée, signataire de cet arrêté, s'est opposé au transfert de droit du pouvoir de police de la circulation sur le fondement du III de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun texte législatif ou règlementaire que le maire de Mortrée, qui était compétent pour édicter la mesure d'interdiction de circulation en litige, aurait été tenu de consulter au préalable, pour avis, le préfet de l'Orne, qui au demeurant a émis un avis favorable le 10 février 2016, ou le président du conseil départemental.
4. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les véhicules visés par la mesure d'interdiction de circuler au sein de la commune de Mortrée sont contraints, pour rejoindre Argentan ou Sées, de traverser les communes de Montmerrei, Belfonds, Macé ou Boischampré, les itinéraires alternatifs par l'autoroute A88 et la route départementale 238 ne passant pas par ces communes. Il en résulte que le maire de Mortrée n'était pas tenu de prendre un arrêté de police de la circulation concordant avec les maires de ces communes.
5. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut être qu'écarté, ainsi que le moyen tiré de ce que le maire était tenu de recueillir les avis du président du conseil départemental de l'Orne et du préfet du département avant d'édicter l'arrêté du 29 février 2016.
6. En deuxième lieu, l'arrêté du 29 février 2016, d'une part, vise le code général des collectivités territoriales, le code de la route, notamment ses articles L. 110-3, L. 411-1, R. 411-1 et R 411-2, ainsi que le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 modifié, fixant la liste des routes à grande circulation dont fait partie la RD 958 entre Sées et Nécy, et d'autre part, fait état de l'importance du trafic de poids lourds au départ et à destination de l'agglomération de Caen et du terminal ferry de Ouistreham, empruntant la RD 958 et transitant par l'agglomération de Mortrée, des nuisances sonores et des vibrations générées par ce trafic de transit qui affecte la sécurité des riverains dans le centre bourg de Mortrée, de la nécessité d'améliorer la sécurité et la tranquillité publique tout le long de la traversée de l'agglomération, de l'existence d'itinéraires de substitution, ainsi que d'un projet d'aménagement à caractère urbain dans le centre bourg dont il convient de garantir la pérennité. Ainsi cet arrêté, qui comporte la mention des considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement, satisfait aux exigences de motivation résultant de l'article L. 2213-4 précité du code général des collectivités territoriales.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 110-3 du code de la route : " Les routes à grande circulation, quelle que soit leur appartenance domaniale, sont les routes qui permettent d'assurer la continuité des itinéraires principaux et, notamment, le délestage du trafic, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire, et justifient, à ce titre, des règles particulières en matière de police de la circulation. La liste des routes à grande circulation est fixée par décret, après avis des collectivités et des groupements propriétaires des voies ". Il ressort des pièces du dossier que, si la RD 958, classée route à grande circulation, a notamment, à ce titre, vocation à permettre d'assurer le délestage du trafic de l'autoroute A 88 qui relie, avec une portion de l'autoroute A 28, les villes de Caen et Alençon, l'arrêté du maire de Mortrée prévoit expressément que, par dérogation à l'interdiction de circulation qu'il édicte, sont autorisés à emprunter la RD 958 dans l'agglomération communale les transports exceptionnels et les transports d'une hauteur supérieure à 4,75 m, les véhicules affectés aux transports de marchandises de plus de 7,5 tonnes utilisés pour faire face à une situation d'urgence ou de crise, ainsi que les véhicules affectés aux transports de marchandises de plus de 7,5 tonnes dont le siège d'entreprise ou le point de livraison se situent sur les communes avoisinantes. Ce même arrêté prévoit en outre, en son article 5, la levée temporaire de l'interdiction " lorsque les conditions d'exploitation de l'A88 ou des routes départementales avoisinantes requerront la mise en place d'une déviation passant par la route départementale 958 à Mortrée ". Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'arrêté contesté, en ce qu'il interdit la circulation dans les limites précitées aux seuls poids-lourds de plus de 7,5 tonnes, n'est de nature à faire obstacle ni à la vocation d'itinéraire de délestage de l'autoroute A 88 qui s'attache à la RD 958, ni à la desserte économique du territoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le maire de Mortrée des dispositions de l'article L. 110-3 du code de la route doit être écarté.
8. En quatrième lieu, l'interdiction édictée par l'arrêté du 29 février 2016 est limitée à la circulation des poids-lourds de plus de 7,5 tonnes et en sont exemptés les véhicules de secours et affectés à un service public urgent ainsi que, comme il a été dit au point précédent, les convois exceptionnels et les véhicules dont le siège social de l'entreprise ou les clients à livrer se trouvent à proximité de Mortrée, les contraignant à y passer. Il ressort des pièces du dossier qu'entre Argentan et Sées, des itinéraires alternatifs équivalents à la RD 958 existent à proximité, à savoir l'autoroute A88 et la RD 238. Contrairement à ce que soutiennent l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie, il ressort également des pièces du dossier que, compte tenu du trafic journalier au sein de la commune et du nombre de poids lourds qui traversent quotidiennement l'agglomération, la présence de véhicules de fort tonnage, de par leur nombre et leur dangerosité, porte atteinte à la tranquillité et à la sécurité des habitants de Mortrée. Dans ces conditions, l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté du maire de Mortrée procèderait d'une erreur dans l'appréciation des conséquences de l'interdiction de circulation qu'il édicte. Pour les mêmes motifs, et alors qu'il n'est pas établi que l'interdiction édictée par le maire de Mortrée contraindrait les véhicules de plus de 7,5 tonnes à traverser six autres communes sur des routes inadaptées dans des conditions de sécurité insatisfaisantes, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit également être écarté.
9. En cinquième lieu, la circonstance que la mesure d'interdiction de circulation pour les poids-lourds rendrait plus long leur trajet n'est pas de nature à porter une atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la liberté de circulation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée en défense, l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le maire de Mortrée a interdit la circulation de transit des véhicules affectés au transport de marchandises de plus de 7,5 tonnes sur la portion de la RD 958 située dans l'agglomération communale.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mortrée, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent l'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association FNTR - FNTV et du syndicat UNICEM Normandie, sur ce même fondement, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Mortrée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association FNTR - FNTV et du syndicat UNICEM Normandie est rejetée.
Article 2 : L'association FNTR - FNTV et le syndicat UNICEM Normandie verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Mortrée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association FNTR - FNTV, au syndicat UNICEM Normandie et à la commune de Mortrée
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de l'Orne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02390