Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint-Herblain a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement les sociétés Tetrarc, Pacteau, aux droits de laquelle est venue la SCP Dolley-Collet, et SERDB à lui payer les sommes de 232 311,19 euros au titre des préjudices liés aux dysfonctionnements et aux troubles de jouissance consécutifs aux désordres constatés au sein de la " Maison des arts ", 10 000 euros au titre du préjudice lié à la perte d'usage d'une salle de pratique instrumentale, 10 000 euros au titre du préjudice d'image, et 30 000 euros HT au titre des frais d'assistance et de conseil, à titre principal sur le fondement des fautes commises par les sociétés assimilables au dol, à titre subsidiaire sur le fondement de leur responsabilité contractuelle pour manquement à leur devoir de conseil lors de la réception et, à titre infiniment subsidiaire, au titre de la garantie décennale.
Par un jugement n° 1402841 du 31 août 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné les sociétés Tetrarc, Michel Pacteau, aux droits de laquelle est venue la SCP Dolley-Collet, et SERDB à verser solidairement la somme de 53 113,07 euros à la commune de Saint-Herblain sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.
Procédure devant la cour :
I. - Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2017 sous le n° 17NT03320, et des mémoires enregistrés les 14 juin 2018 et 12 avril 2019, la SARL Tetrarc et la société SERDB, représentées par Me C..., demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2017 en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'appels en garantie ;
2°) de condamner solidairement la société Drouin Cattoni, la société Sols Liquides Atlantique (SLA), la société Sisteo Atlantique, la société Rossi Carrelages et le bureau de contrôle Socotec à les garantir intégralement, ou subsidiairement partiellement, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre en première instance au profit de la commune de Saint-Herblain, soit à hauteur de 53 113,07 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du CJA ;
3°) de mettre à la charge solidaire des mêmes sociétés le versement à leur profit d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que s'il n'y a pas lieu de contester la nature décennale des désordres acoustiques constatés, ne permettant pas d'assurer à l'ouvrage un usage conforme à sa destination d'école de musique, ni le montant des dommages et intérêts accordés par le tribunal à la commune de Saint-Herblain, il y a lieu de faire droit à leurs conclusions d'appel en garantie des sociétés Drouin Cattoni, Sols Liquides Atlantique (SLA), Sisteo Atlantique aux droits de laquelle vient désormais la société Sogéa Atlantique BTP, Rossi carrelages et Socotec, au titre de leurs fautes respectives et sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle.
Par des mémoires, enregistrés les 5 janvier 2018 et 17 juillet 2018, la société Sols Liquides Atlantique (SLA), représentée par le cabinet d'avocats André Saliou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés Tetrarc et SERDB une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2018, la société Rossi carrelages, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des sociétés Tetrarc et SERDB une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 16 avril 2018, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 24 avril 2018, les sociétés Sogéa Atlantique BTP et Sisteo Atlantique, représentées par Me J..., concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la part de responsabilité de la société Sogéa Atlantique BTP venant aux droits et obligations de la société Sisteo Atlantique soit limitée à 10,89 % et à ce que les sociétés Tetrarc, SERDB, Drouin Cattoni, Sols Liquides Atlantique (SLA), Rossi Carrelages et Socotec soient condamnées in solidum à garantir la société Sogéa Atlantique BTP de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, tant en principal, frais et intérêts qu'au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens, et à ce que soit mise à la charge des sociétés Tetrarc et SERDB une somme de 1 500 euros, au profit de la société Sogéa Atlantique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2018, la commune de Saint-Herblain, représentée par MeI..., conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 14 mai 2018, la société Drouin Cattoni, représentée par MeB..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sommes mises à sa charge soit limitées à 1,53 % et à ce que soit mise à la charge des sociétés Tetrarc et SERDB une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
Par des mémoires, enregistrés les 27 juin 2018 et 19 avril 2019, la société Socotec France, représentée par MeK..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sommes mises à sa charge soit limitée à 5 % des travaux de reprise, à titre infiniment subsidiaire, à ce que les sociétés Drouin Cattoni, Sols Liquides Atlantique (SLA), Sogea Atlantique BTP, Rossi carrelages, Tetrarc et SERDB soient condamnées à la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des sociétés Tetrarc et SERDB une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les sociétés requérantes n'est fondé.
II. - Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2017 sous le n° 17NT03348, et des mémoires enregistrés les 24 novembre 2018, 22 mars 2019 et 19 avril 2019, la commune de Saint-Herblain, représentée par Me I..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2017 en tant en qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité des constructeurs pour faute assimilable au dol ou à la fraude ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2017 en tant en qu'il a rejeté ses conclusions à fins d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil au moment de la réception ;
3°) en tout état de cause, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2017 en ce qu'il a limité à 53 113,07 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée ;
4°) de condamner solidairement les sociétés Tetrarc, SERDB et Pacteau, cette dernière étant représentée par la SCP Dolley ès qualités d'administrateur judiciaire, à lui verser la somme de 109 810,47 euros HT en réparation des préjudices qu'elle a subis, soit 42 162, 33 euros au titre de la rémunération des agents de la collectivité, 47 648,14 euros au titre de la période de chômage technique des enseignants, 10 000 euros au titre du préjudice d'image et 10 000 euros au titre de la perte d'une salle de pratique instrumentale ;
5°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Tetrarc et SERDB le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- à titre principal, les désordres liés au défaut d'isolation acoustique résultent d'un manquement grave du maître d'oeuvre à ses obligations contractuelles, constitutif d'une faute dolosive ou frauduleuse ;
- à titre subsidiaire, le maître d'oeuvre a manqué à son devoir de conseil lors de la réception des travaux ;
- les préjudices invoqués et leur lien de causalité avec les désordres constatés sont établis.
Par des mémoires, enregistrés les 14 juin 2018 et 12 avril 2019, la société Tetrarc et la société SERDB, représentées par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Herblain une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir qu'aucun des moyens soulevés par la commune de Saint-Herblain n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me I...pour la commune de Saint-Herblain, de Me D...pour la société Sols Liquides Atlantique (SLA), de Me F...pour la société Rossi carrelages, de Me H... pour les sociétés Sogéa Atlantique BTP et Sisteo Atlantique et de Me B...pour la société Drouin Cattoni.
Considérant ce qui suit :
1. En 2006, la commune de Saint-Herblain a entrepris de construire un équipement dénommé la " Maison des arts ", destiné à accueillir une école de musique, un auditorium, une bibliothèque, une médiathèque, des salles dédiées aux arts plastiques et un espace d'exposition. À cette fin, un marché de maîtrise d'oeuvre a été attribué le 9 mars 2007 à un groupement conjoint d'entreprises ayant pour mandataire solidaire la société Tetrarc, architecte, et comprenant la société Michel Pacteau, architecte associé, l'agence Dumont Dursent, scénographe, et les sociétés AREA, bureau d'études techniques fluides, EXAM, bureau d'études techniques haute qualité environnementale, IBA, bureau d'études techniques structure, SERDB, acousticien et M. G...A..., concepteur lumière. Les marchés de travaux ont été répartis en vingt-sept lots, parmi lesquels le lot gros oeuvre confié à la société Drouin Cattoni qui a sous-traité la réalisation de la chape à la société Sols Liquides Atlantique (SLA), le lot cloisons qui a été confié à la société Sisteo Atlantique, devenue Sogea Atlantique BTP, et le lot revêtement de sols qui a été confié à la société Rossi Carrelages. Une convention de contrôle technique a par ailleurs été conclue par acte d'engagement du 8 mars 2007 avec le bureau d'études Socotec France. Les travaux ont été réceptionnés le 26 août 2010 avec des réserves qui ont été levées ultérieurement. À la suite de la mise en service de l'équipement le 4 novembre 2010, des défauts portant sur le niveau de performances acoustiques du bâtiment, généralisés dans les salles de cours de l'école de musique, la médiathèque, le hall du bâtiment et la salle d'orchestre, ont été rapidement constatés et ont persisté à l'issue de travaux dont la réalisation a été décidée par la maîtrise d'oeuvre dans le cadre de la garantie de parfait achèvement de l'ouvrage. À la suite d'une expertise réalisée dans le cadre du contrat de garantie " dommage-ouvrage " souscrit par la commune de Saint-Herblain auprès de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), et concluant au caractère décennal des désordres, la commune a été indemnisée par son assureur, au titre de ses préjudices matériels, à hauteur de 792 000 euros. Des travaux de réhabilitation ont alors été réalisés entre les mois de juin 2014 et de janvier 2015, à l'issue desquels la " Maison des Arts " a rouvert le 4 février 2015. La commune de Saint-Herblain a cependant demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement les sociétés Tetrarc, Michel Pacteau, aux droits de laquelle est venue la SCP Dolley-Collet, et SERDB à lui verser une indemnité de 282 311,19 euros au titre des préjudices qu'elle estime non couverts par la somme qui lui a été allouée par son assureur au titre de la garantie " dommage-ouvrage ", résultant des dysfonctionnements et des troubles de jouissance consécutifs aux désordres constatés, de la perte d'usage d'une salle de pratique instrumentale, ainsi qu'au titre du préjudice d'image subi et des frais d'assistance et de conseil exposés par la commune. Par un jugement du 31 août 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné les sociétés Tetrarc, Michel Pacteau, aux droits de laquelle est venue la SCP Dolley-Collet, et SERDB, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, à verser solidairement à la commune de Saint-Herblain la somme de 53 113,07 euros, et rejeté les conclusions d'appel en garantie des sociétés Tetrarc et SERDB dirigés contre la société Drouin Cattoni et son assureur, la SMABTP, la SARL Sols Liquides Atlantiques (SLA), la société Sisteo Atlantique, devenue Sogea Atlantique BTP, et son assureur, la compagnie Sagena, devenue SMA SA, la société Rossi Carrelages et son assureur, Generali IARD, et la société Socotec France et son assureur, la compagnie Axa France IARD.
2. Par la requête n° 17NT03348, la commune de Saint-Herblain relève appel du jugement du 31 août 2017, dont elle demande à titre principal, l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité des constructeurs pour faute assimilable à un dol ou une fraude, à titre subsidiaire, l'annulation en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil lors de la réception, à titre plus subsidiaire, la réformation en ce qu'il a limité à 53 113,07 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, et demande à la Cour de condamner solidairement les sociétés Tetrarc, SERDB et Pacteau, représentée par la SCP Dolley ès qualités d'administrateur judiciaire, à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, une indemnité de 109 810,47 euros HT en réparation des préjudices que le tribunal n'a pas retenus comme ouvrant droit à réparation.
3. Par la requête n° 17NT03320, la SARL Tetrarc et la société SERDB relèvent appel de ce même jugement en demandant sa réformation en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'appels en garantie, et que la société Drouin Cattoni, la société Sols Liquides Atlantique (SLA), la société Sisteo Atlantique, la société Rossi Carrelages et le bureau de contrôle Socotec soient solidairement condamnés à les garantir intégralement, ou au moins partiellement, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre en première instance, y compris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
4. Les requêtes nos 17NT03320 et 17NT03348 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer pas un même arrêt.
Sur la responsabilité des sociétés Tetrarc, SERDB et Pacteau :
5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise daté du 30 août 2013 établi par M.E..., expert acousticien désigné dans le cadre de l'expertise d'assurance dommages ouvrage, qu'une douzaine de salles de répétition et la salle d'orchestre de la " maison des arts " présentaient des défauts d'isolation acoustique au bruit aérien ne permettant pas de satisfaire aux objectifs acoustiques assignés à l'équipe de maîtrise d'oeuvre. En particulier, la transmission de bruits d'impacts n'était pas conforme aux objectifs dans sept salles de répétition et la régie, la salle d'orchestre présentait des temps de réverbération trop longs dans les basses fréquences, l'espace d'accueil était trop réverbérant. Ces désordres ont ainsi fait obstacle à l'utilisation de l'équipement dans des conditions normales pendant quatre années et ont nécessité des travaux de réhabilitation qui ont entrainé la fermeture de la maison des arts de fin juin 2014 à février 2015.
6. En premier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, applicable à compter du 19 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Il résulte de ces dispositions que, même en l'absence d'intention de nuire, la responsabilité quinquennale des constructeurs peut être engagée en cas de faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commise volontairement et sans qu'ils puissent en ignorer les conséquences.
7. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que, comme l'ont relevé les premiers juges, le groupement de maîtrise d'oeuvre du projet, ayant pour mandataire solidaire la société Tetrarc, architecte, et comprenant en outre, notamment, la société Michel Pacteau, architecte associé et économiste et la société SERDB, acousticien, a décidé, sans en informer la commune de Saint-Herblain, de réduire le niveau d'exigences techniques prévu au programme en matière acoustique en limitant l'objectif d'isolement aux bruits aériens pour les salles de pratique musicale et les salles mitoyennes à 55 décibels au lieu de 60 ainsi que cela était prévu par le cahier des prescriptions techniques. Si un tel manquement à ses obligations contractuelles, commis volontairement par le maître d'oeuvre, a nécessairement contribué aux désordres rappelés au point 5, il résulte cependant de l'instruction que l'ampleur des désordres constatés, empêchant d'atteindre les objectifs fixés par le maître d'ouvrage sur le plan acoustique, a également procédé de nombreuses malfaçons constatées dans la réalisation des travaux, révélées notamment par une étanchéité insuffisante entre certaines têtes de cloisons et la sous-face de la couverture en bac acier, au niveau des traversées des cloisons par des tuyaux et poutres métalliques mal étanchées et au niveau des blocs-portes intégrés dans certaines cloisons séparatives non étanches à l'air, par l'utilisation d'un seul matériau pour le traitement de la correction acoustique dans la salle d'orchestre, par un niveau de chape insuffisant ou un réglage altimétrique inadapté de portes au droit des seuils dans différentes salles, ainsi que par des défauts de calfeutrement au niveau des pots électriques dans les cloisons de séparation, des rebouchages de ces pots, des bacs acier, des cloisons séparatives et au droit de certains profils traversant ou entrant dans les cloisons. Ainsi, le maître d'oeuvre ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être considéré comme n'ayant pu ignorer l'ampleur des conséquences de sa faute, qui ne peut dès lors être assimilable à une fraude ou à un dol.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Herblain n'est pas fondée à soutenir, à titre principal, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté la responsabilité pour fraude ou dol des sociétés Tetrarc, Pacteau et SERDB.
9. En second lieu, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, le groupement de maîtrise d'oeuvre du projet de " maison des arts ", ayant pour mandataire solidaire la société Tetrarc, architecte, et comprenant en outre, notamment, la société Michel Pacteau, architecte associé et économiste et la société SERDB, acousticien, a décidé, sans en informer la commune de Saint-Herblain, de réduire le niveau d'exigences techniques prévu au programme en matière acoustique en limitant l'objectif d'isolement aux bruits aériens pour les salles de pratique et les salles mitoyennes à 55 décibels au lieu de 60 comme le prévoyait le cahier des prescriptions techniques. Ainsi, lors des opérations de réception de l'ouvrage, les sociétés Tetrarc, Pacteau et SERDB ne pouvaient ignorer, même seulement pour partie, les vices affectant le niveau des performances acoustiques du bâtiment. Par suite, en ne signalant pas à la commune de Saint-Herblain que le niveau d'exigences techniques en matière acoustique avait été réduit, s'agissant de l'objectif d'isolement aux bruits aériens pour les salles de pratique et les salles mitoyennes, à 55 décibels, et en n'appelant pas son attention sur ces désordres, ces mêmes sociétés ont manqué à leur devoir de conseil envers la commune maître d'ouvrage. Il n'est en outre pas contesté que leurs fautes respectives ont concouru, au moins pour partie, aux désordres. Par suite, la commune de Saint-Herblain est fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté la responsabilité contractuelle des sociétés Tetrarc, Pacteau et SERDB au titre du manquement à leur devoir de conseil à l'occasion des opérations de réception.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne le surcoût de rémunération des agents de la commune :
11. La commune de Saint-Herblain soutient que certains de ses agents, qui se sont vu confier des tâches supplémentaires liées au suivi des travaux de reprise, n'ont ainsi pas été en mesure de réaliser leurs tâches habituelles. Toutefois, il n'est pas démontré que cette circonstance aurait entrainé un surcoût en termes de rémunération des agents concernés, lesquels, en tout état de cause, devaient être rémunérés indépendamment des désordres affectant la " Maison des arts " et de la nécessité d'assurer le suivi des travaux de reprise. Par suite, ce chef de préjudice ne peut ouvrir droit à indemnisation.
En ce qui concerne l a situation de " chômage technique " des enseignants de l'école de musique :
12. La commune soutient qu'en raison des travaux de reprise qui ont dû être réalisés, les trente-neuf enseignants de l'école de musique, en situation de " chômage technique " du 23 juin 2015, date de fermeture pour travaux de la Maison des Arts, au 5 juillet suivant puis du 15 septembre, date d'ouverture théorique de la Maison des Arts, au 22 septembre 2015, date effective de reprise des cours de musique sur le site de la Harlière, ont dû être rémunérés sans aucune contrepartie pour la collectivité et pour les usagers, pour un montant total de 47 648,14 euros. Toutefois, la commune ne justifie pas avoir supporté une charge financière supplémentaire du fait des périodes de " chômage technique " d'enseignants qui devaient en toutes circonstances percevoir leur traitement. Ce préjudice ne peut dès lors ouvrir droit à indemnité.
En ce qui concerne le préjudice d'image de la commune de Saint-Herblain :
13. La commune soutient que l'école de musique de la Maison des Arts, qui constituait un équipement emblématique du vaste programme de renouvellement urbain du quartier de Bellevue qu'elle menait, n'a pu fonctionner dans des conditions normales qu'à l'issue de la réalisation des travaux de réfection qui se sont déroulés de juin 2014 à février 2015, soit quatre ans après son ouverture, et qu'elle a été de ce fait confrontée à des plaintes incessantes d'usagers et d'enseignants insatisfaits des conditions de travail médiocres résultant des déficiences acoustiques constatées, dont la presse s'est largement fait l'écho. Cependant, les deux seuls articles de presse produits, faisant état des dysfonctionnements de l'ouvrage et de l'expression de mécontentements des usagers sans incriminer la commune de Saint-Herblain, ne permettent pas d'établir l'existence d'une atteinte à l'image de la collectivité. Le préjudice invoqué à ce titre ne peut dès lors ouvrir droit à indemnisation.
En ce qui concerne le préjudice lié à la perte d'une salle de pratique instrumentale :
14. Il résulte de l'instruction que les travaux de réfection engendrés par les désordres ont nécessité de reconfigurer la disposition des salles de cours au sein de l'équipement et ont conduit à supprimer une salle dédiée à la pratique instrumentale parmi les dix qui étaient initialement prévues. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préjudice en résultant pour la collectivité, qui a été contrainte de délocaliser une partie des activités dans les locaux d'un groupe scolaire et à réorganiser les plannings de cours, constitue, compte tenu de son lien direct de causalité avec les désordres constatés, un préjudice indemnisable. Par suite, la commune est fondée à solliciter une indemnisation à ce titre, qu'il y a lieu de fixer à 10 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Herblain est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation du préjudice lié à la perte d'une salle de pratique instrumentale et limité la condamnation des sociétés Tetrarc, Pacteau et SERDB à lui verser la somme de 53 113,07 euros en réparation de ses préjudices. Il y a lieu, par suite, de réformer le jugement dans cette mesure et de porter le montant de l'indemnisation de la commune de Saint-Herblain à la somme totale de 63 113,07 euros.
Sur les appels en garantie formés par les sociétés Tetrarc et SERDB :
16. Le préjudice subi par le maître d'ouvrage qui a été privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou d'assortir cette réception de réserves du fait d'un manquement du maître d'oeuvre à son obligation de conseil, et dont ce dernier doit réparer les conséquences financières, n'est pas directement imputable aux manquements aux règles de l'art commis par les entreprises en cours de chantier. Ainsi, le présent arrêt ayant retenu la responsabilité contractuelle des sociétés Tetrarc, SERDB et Pacteau en raison d'un manquement de leur part, en leur qualité de maître d'oeuvre, à leur obligation de conseil à l'occasion des opérations de réception, celles-ci ne sont fondées à appeler en garantie ni les sociétés Drouin Cattoni, Sols Liquides Atlantique (SLA), Sisteo Atlantique et Rossi Carrelages, qui ont exécuté les travaux, ni la société Socotec France qui avait une mission de contrôle technique. Par suite, les sociétés Tetrarc et SERDB ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions aux fins d'appel en garantie.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge d'une part de la commune de Saint-Herblain, d'autre part des sociétés Drouin Cattoni, Sols Liquides Atlantique (SLA), Sisteo Atlantique, Rossi Carrelages et Socotec France, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, les sommes dont les sociétés Tetrarc et SERDB demandent le versement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des sociétés Tetrarc et SERDB, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Herblain.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 53 113,07 euros que les sociétés Tetrarc et SERDB et la société Pacteau, représentée par la SCP Dolley, ont été condamnées à verser à la commune de Saint-Herblain par l'article 1er du jugement du 31 août 2017 du tribunal administratif de Nantes est portée à la somme de 63 113,07 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint-Herblain est rejeté.
Article 4 : La requête n° 17NT03320 de la SARL Tetrarc et de la société SERDB est rejetée.
Article 5 : La SARL Tetrarc et la société SERDB verseront solidairement à la commune de Saint-Herblain une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Herblain, à la SARL Tetrarc, à la société SERDB, à la SCP Dolley-Collet, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Pacteau, à la société Drouin Cattoni, à la société Sols Liquides Atlantique (SLA), à la société Sisteo Atlantique, à la société Sogea Atlantique BTP, à la société Rossi Carrelages et à la société Socotec France.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03320 et 17NT03348