Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes, par une requête enregistrée sous le n° 1900617, d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2018 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et astreinte à se présenter chaque vendredi au commissariat de Laval afin d'indiquer ses diligences dans la préparation de son départ et, par une requête enregistrée sous le n° 1901552, d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de la Mayenne portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement no 1900617-1901552 du 19 février 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes, après avoir renvoyé le jugement de la requête n° 1900617 à une audience collégiale du tribunal (article 1er), a annulé l'arrêté du 12 février 2019 (article 2), enjoint au préfet de la Mayenne de remettre à l'intéressé son passeport dans un délai de huit jours (article 3), mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et rejeté le surplus des conclusions de la demande n° 1901552 (article 5).
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19NT00937 le 5 mars 2019, le préfet de la Mayenne demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de son arrêté du 12 février 2019 portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé et ne répond pas aux moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte et de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté contesté au motif que la nécessité de cet arrêté ne ressortait pas des pièces du dossier alors qu'il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa décision de retenir le passeport de M. A... était légale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut à ce que soit rejetée la requête et mise à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de la Mayenne ne sont pas fondés ;
- l'arrêté d'assignation à résidence méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la liberté fondamentale d'aller et de venir garantie par l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et l'article 66 de la Constitution.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2019.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19NT00938 le 5 mars 2019, le préfet de la Mayenne demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, du respect des dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation sont sérieux ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut à ce que soit rejetée la requête et mise à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Mayenne ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 18 juin 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal s'est fondé sur un moyen non soulevé devant lui et n'étant pas d'ordre public.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 avril 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
- Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par la requête enregistrée sous le n° 19NT00937, le préfet de la Mayenne relève appel des articles 2, 3 et 4 du jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a annulé son arrêté du 12 février 2019 pris à l'encontre de M. A... l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, lui a enjoint de remettre à M. A... son passeport dans un délai de huit jours et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête enregistrée sous le n° 19NT00938, le préfet de la Mayenne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont relatives à la situation du même ressortissant étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 19NT00937 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 12 février 2019 pris à l'encontre de M. A... l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours au motif que le préfet de la Mayenne a commis une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par M. A.... Ainsi, le premier juge, en soulevant d'office un tel moyen, a entaché son jugement sur ce point d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement, en tant qu'il annule cet arrêté, enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et met à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, par un arrêté du 7 janvier 2019, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture n° 53-2019-002 du 8 janvier suivant, le préfet de la Mayenne a donné à Mme D... E..., attachée principale d'administration, chef du bureau de la nationalité et des étrangers, délégation à l'effet de signer les actes relatifs aux procédures d'éloignement des étrangers, notamment les décisions d'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. ".
6. D'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré peut être assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours quand bien même il aurait exercé un recours contentieux pour contester l'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la circonstance que M. A... a exercé un recours contentieux contre l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, par un arrêté du 19 décembre 2018, et pour laquelle le délai de départ volontaire était expiré, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la Mayenne, par un arrêté du 12 février 2019, assigne l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
7. D'autre part, l'assignation à résidence prévue par les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. Les circonstances que M. A... a déposé une demande de titre de séjour et a contesté l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français ne permettent pas d'établir que l'exécution de cette mesure ne demeurât pas une perspective raisonnable.
8. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de la Mayenne l'a assigné à résidence a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, la seule circonstance que M. A... et sa concubine, en situation irrégulière sur le territoire français à la date de l'arrêté d'assignation à résidence, se sont engagés dans une procédure de procréation médicalement assistée ne suffit pas à établir que cet arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, M. A... soutient en appel que la décision l'assignant à résidence méconnaît la liberté fondamentale d'aller et venir garantie par l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et l'article 66 de la Constitution. Toutefois, il se trouvait dans le cas où, ne résidant pas régulièrement sur le territoire français et étant sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français dont le délai de départ volontaire était expiré, l'autorité compétente en vue de garantir l'exécution de cette obligation, peut limiter sa liberté d'aller et venir en l'assignant à résidence. Ces moyens doivent en tout état de cause être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 12 février 2019 assignant M. A... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur la requête n° 19NT00938 :
13. Le présent arrêt statue au fond sur les conclusions du préfet de la Mayenne tendant à l'annulation des articles 2, 3 et 4 du jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Par suite, les conclusions de la requête n° 19NT00938 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 19 février 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de la Mayenne est rejetée.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées dans la requête n° 19NT00938 de M. A....
Article 4 : Les conclusions de M. A... relatives aux frais liés aux litiges sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... A.... Une copie sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 29 août 2019, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.
Le président rapporteur,
F. B...L'assesseur le plus ancien,
J-E. GeffrayLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 19NT00937 et 19NT009382