Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler, la décision du 24 novembre 2015 par laquelle le procureur de la République a retiré son agrément de policier municipal ainsi que l'arrêté du 30 novembre 2015 par lequel le président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing a supprimé son indemnité spéciale de fonctions et son indemnité d'administration et de technicité, d'autre part, de condamner solidairement l'Etat et la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1600273 du 25 avril 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2018, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 avril 2018 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler la décision du 24 novembre 2015 du procureur de la République portant retrait de son agrément de policier municipal ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing portant suppression de son indemnité spéciale de fonctions et son indemnité d'administration et de technicité
4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de retrait d'agrément du procureur de la République qui méconnait les dispositions de l'article L.511-2 du code de la sécurité intérieure est entachée d'un vice de procédure ; le procureur de la République n'a pas dans le courrier du 25 septembre 2015 consulté le président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing sur la question de la suspension ou du retrait de l'agrément mais uniquement sur les modalités de reclassement de celui-ci.
- la décision de retrait d'agrément du procureur de la République est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle est disproportionnée par rapport à la gravité des faits l'ayant justifié.
Par des mémoires en défense enregistrés le 27 août 2018 et 5 avril 2019, le président de l'Agglomération montargoise et rives du Loing (AME) conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 août 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui a été agréé en qualité d'agent de police municipale par le préfet de l'Essonne le 9 septembre 2003, a été affecté le 1er mai 2012 à la police intercommunale de la communauté d'agglomération Agglomération Montargoise et rives du Loing (AME). Par une décision du 13 juin 2013, il a été agréé par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis aux fins d'exercer les fonctions de policier municipal. A compter de l'année 2014, les relations au sein des services de la police municipale de la communauté d'agglomération où exerçait M. A... se sont détériorées. Cet agent a alors été placé à plusieurs reprises à partir du 22 avril 2014 en arrêt de travail et en dernier lieu à compter du 30 juillet 2015. Par un courrier du 31 août 2015, le président de la communauté d'agglomération a demandé au préfet du Loiret de retirer l'agrément de M. A... en invoquant à son encontre plusieurs manquements aux obligations de service et d'obéissance hiérarchique ainsi qu'aux règles prévues par le code de déontologie de la police municipale. Par un courrier du même jour, le président de la communauté d'agglomération a informé le procureur de la République de la démarche entreprise auprès de l'autorité préfectorale en lui transmettant les mêmes informations. Par courrier du 10 septembre 2015, le président de la communauté d'agglomération a été informé de ce que le procureur de la République envisageait de retirer l'agrément en cause. Par un courrier du 24 septembre 2015, le procureur a fait part à M. A... de ce qu'il mettait en oeuvre la procédure de retrait d'agrément et l'a invité à présenter ses observations, ce que l'intéressé a effectivement fait le 22 octobre 2015 lors d'un entretien avec cette autorité, ainsi que par un courrier du même jour.
2. Par une décision du 24 novembre 2015, qui revenait sur une précédente décision du 12 octobre 2015 ayant le même objet mais entachée d'une erreur matérielle, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis a retiré l'agrément de M. A... en qualité de policier municipal. Par un arrêté du 30 novembre 2015, le président de la communauté d'agglomération a mis fin au versement de l'indemnité spéciale de fonctions d'agent de police municipale et à l'indemnité d'administration et de technicité à compter du 1er décembre 2015 dont cet agent bénéficiait. M. A... relève appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 novembre 2015 du procureur de la République et de l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing.
Sur la légalité de la décision du 24 novembre 2015 du procureur de la République :
3. Aux termes de l'article L. 511-2 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions d'agents de police municipale. En cas de recrutement par une commune ou un établissement de coopération intercommunale situé sur le ressort d'un autre tribunal de grande instance, les procureurs de la République compétents au titre de l'ancien et du nouveau lieu d'exercice des fonctions sont avisés sans délai. L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. Toutefois, en cas d'urgence, l'agrément peut être suspendu par le procureur de la République sans qu'il soit procédé à cette consultation. ".
4. Il résulte de l'application des dispositions mentionnées au point 3 que l'agrément accordé à un policier municipal par le procureur de la République peut légalement être retiré lorsque l'agent ne présente plus les garanties d'honorabilité auxquelles est subordonnée la délivrance de cet agrément. L'honorabilité d'un agent de police municipale, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, dépend notamment de la confiance qu'il peut inspirer, de sa fiabilité et de son crédit.
5. Pour retirer à M. A... l'agrément qui lui avait été délivré le 13 juin 2013, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis s'est fondé, d'une part, sur le contenu de la main courante que cet agent avait déposée le 22 juillet 2015 qui mettait en cause un de ses collègues à qui il reprochait d'avoir avant transmission à son supérieur le 22 juillet 2015 " intégré et surligné une vingtaine de fautes d'orthographe " dans le rapport d'information que le requérant avait établi et " laissant libre pour les suites à donner " évoquant " l'existence d'un faux en écriture selon l'article 441-1 du code pénal ", et d'autre part, sur la volonté délibérée de M. A... de " nuire à un collègue à des fins personnelles ". Le retrait d'agrément contesté est intervenu après que le collègue de M. A... mis en cause, brigadier de police municipale, a ensuite le 27 juillet 2015 déposé plainte contre le requérant pour dénonciation calomnieuse.
6. Il ressort des pièces versées au dossier que le rapport d'information rédigé par M. A... le 21 juillet a effectivement été transmis sans son accord à son supérieur par un de ses collègues qui a admis avoir préalablement surligné toutes les fautes d'orthographe qu'il avait relevées. Même si l'enquête a permis d'établir que les fautes d'orthographe étaient bien celles commises par M. A..., la circonstance que ce dernier a, à raison des agissements de son collègue, décidé de déposer une main courante, procédure qui permet de faire consigner officiellement des faits, de leur donner date certaine et n'entraine pas automatiquement de poursuites contre l'auteur des faits dénoncés, ne saurait à elle seule caractériser un manquement du requérant de nature à mettre en cause son honorabilité et, par suite, à justifier le retrait de son agrément. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et contrairement à ce qu'avance également le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis dans la décision contestée, que la démarche de M. A... aurait été, dans un contexte de tensions au sein du service, motivée par la " volonté délibérée de nuire à un collègue à des fins personnelles ", la plainte de ce dernier ayant d'ailleurs été classée sans suites. Par suite, cette autorité a commis une erreur d'appréciation en décidant, par la décision contestée du 24 novembre 2015, de procéder au retrait d'agrément de M. A... en qualité de policier municipal.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing :
7. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
8. L'arrêté du 30 novembre 2015 du président de l'AME retirant à M. A... le bénéfice de l'indemnité spéciale de fonctions et de l'indemnité d'administration et de technicité a été pris en raison du retrait d'agrément de M. A... en qualité de policier municipal opéré par le procureur de la République le 24 novembre 2015. Par suite, et dans la mesure où cette dernière décision est annulée par le présent arrêt, il y a lieu d'annuler, par voie de conséquence, l'arrêté du 30 novembre 2015 mentionné plus haut.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 24 novembre 2015 du procureur de la République portant retrait de son agrément et contre l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la communauté d'agglomération mettant fin au versement de l'indemnité spéciale de fonctions d'agent de police municipale et à l'indemnité d'administration et de technicité à compter du 1er décembre 2015 dont cet agent bénéficiait.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A... soit condamné à verser à la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing, partie perdante dans la présente instance, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A..., au titre des mêmes dispositions, de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1600273 du tribunal administratif d'Orléans en date du 25 avril 2018 est annulé.
Article 2 : La décision du 24 novembre 2015 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis et l'arrêté du 30 novembre 2015 du président de la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montargis et à la communauté d'agglomération montargoise et rives du Loing. Copie en sera adressée au préfet du Loiret pour information.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
Le rapporteur
O. C...Le président
H. LenoirLa greffière
E. Haubois
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT02459 2