Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Europe Center Cars a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2010.
Par un jugement n° 1503019 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er décembre 2017 et 10 janvier 2019, l'EURL Europe Center Cars, aux droits de laquelle vient la SCP Philippe B..., liquidateur judiciaire, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 24 820,63 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle a été privée de la garantie prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans la mesure où le litige n'a pas été soumis à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal en dépit de sa demande du 12 octobre 2011 et où l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement invoqué un abus de droit dans sa proposition de rectification du 8 novembre 2012 ;
- la procédure est entachée d'irrégularités faute de respect du principe du contradictoire dès lors que l'administration fiscale lui a transmis une proposition de rectification, rectificative de celle adressée le 29 juillet 2011 sans l'annuler, que, lors de l'entretien du 19 juillet 2011, le fondement juridique des rectifications n'a pas été précisé, que la proposition de rectification du 29 juillet 2011 lui a été adressée sans tenir compte de sa demande qu'elle ne lui soit adressée que fin août, que les montants retenus en matière de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire ne sont étayés par aucune méthode de calcul ni pièce justificative et que le vérificateur a procédé à une sélection de trois pièces parmi 220 pièces cotées dans le dossier d'instruction et ne les a citées que de manière partielle alors qu'elle ne pouvait y avoir accès pour assurer sa défense ;
- les rectifications ne sont pas fondées dès lors qu'elle a agi en qualité d'intermédiaire transparent et qu'elle n'a commis aucune omission dans une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ou dissimulé de remises d'espèces ;
- les pénalités ne sont pas justifiées dès lors que la preuve de l'existence de manoeuvres frauduleuses n'est pas rapportée par l'administration fiscale ; elle a agi de bonne foi ; la proposition de rectification du 29 juillet 2011 révèle qu'aucune manoeuvre frauduleuse ne peut lui être reprochée.
Par des mémoires, enregistrés le 2 mai 2018 et le 22 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu partiel à statuer à hauteur de la remise de 72 992 euros consentie et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- du fait du jugement de conversion en liquidation judiciaire du 14 février 2018, les intérêts de retard et les amendes mises à la charge de l'entreprise ont fait l'objet d'une remise ; il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à hauteur de 72 992 euros ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- les frais exposés antérieurement à l'introduction de l'instance ne peuvent donner lieu à remboursement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant l'EURL Europe Center Cars.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2010, l'administration fiscale a remis en cause la qualité d'intermédiaire transparent dont l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Europe Center Cars, qui exerçait depuis le 18 avril 2006 une activité de négoce de véhicules automobiles, s'était prévalue et l'a assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente des véhicules. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et amendes résultant de ce contrôle ont été mis en recouvrement le 31 juillet 2014 pour un montant total de 759 552 euros. Après le rejet, par décision du 11 février 2015, de sa réclamation préalable du 26 septembre 2014, l'entreprise a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces rappels. Elle relève appel du jugement du 29 septembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 26 février 2018, postérieure à l'introduction de la requête, et à la suite du jugement du 14 février 2018 du tribunal de commerce de Saint-Nazaire prononçant sa liquidation judiciaire, l'administration fiscale a prononcé la remise des intérêts de retard et amendes mises à la charge de l'EURL Europe Center Cars. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, le vérificateur a adressé à l'EURL Europe Center Cars une première proposition de rectification, le 29 juillet 2011, faisant état de ce qu'elle avait commis un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales puis une seconde, le 8 novembre 2012, qui, reprenant l'ensemble des motifs de rectification tout en abandonnant la qualification d'abus de droit, ne s'est pas limitée à rectifier certains points mais s'est intégralement substituée à la première. Pour remettre en cause la qualification d'intermédiaire transparent, l'administration fiscale s'est, dans cette seconde proposition de rectification, fondée sur un faisceau d'indices et n'a pas écarté des actes, tels que les mandats de recherches ou les factures, au motif qu'ils auraient été conclus de manière fictive ou dans le seul but d'éluder l'impôt mais s'est bornée à leur restituer leur véritable nature juridique. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que, par sa seconde proposition de rectification, l'administration aurait entendu implicitement mais nécessairement réprimer un abus de droit. Dans ces conditions, en ne donnant pas suite à sa demande de saisine du comité de l'abus de droit fiscal du 12 octobre 2011 et ne faisant pas application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales à l'occasion de la seconde proposition de rectification, l'administration ne l'a pas privée de la garantie résultant de cet article.
4. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la proposition de rectification en date du 8 novembre 2012 a annulé celle du 29 juillet 2011. Par suite, l'entreprise requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale lui a, en méconnaissance du principe du contradictoire, transmis une nouvelle proposition de rectification sans annuler la première. Par ailleurs, dès lors que la notification d'une nouvelle proposition de rectification lui a ouvert un nouveau délai de trente jours pour émettre des observations, l'EURL Europe Center Cars n'est pas, en tout état de cause, fondée à se plaindre de ce que sa demande, tendant à ce que la proposition de rectification, faisant suite à la réunion de synthèse du 19 juillet 2011, ne lui soit pas adressée avant la fin du mois d'août, soit restée sans suite.
5. En troisième lieu, il n'est ni établi ni même allégué que l'EURL Europe Center Cars ait été privée d'un débat oral et contradictoire lors des opérations de contrôle. Dès lors que le vérificateur n'était pas tenu de lui donner, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les rectifications envisagées, la circonstance que le fondement juridique des rectifications n'ait pas été précisé lors de l'entretien de synthèse du 19 juillet 2011 n'est pas de nature à établir que la procédure serait entachée d'irrégularité.
6. En quatrième lieu, la proposition de rectification du 8 novembre 2012 mentionne, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions intracommunautaires, les articles du code général des impôts applicables, les bases d'imposition retenues au titre des trois périodes vérifiées, qui correspondent aux montants figurant sur les listes annexées à cette proposition, ainsi que les éléments de fait justifiant des rectifications opérées à ce titre. Par suite, elle est suffisamment motivée et a mis l'entreprise à même de formuler ses observations.
7. En cinquième et dernier lieu, il n'est ni établi ni même soutenu que l'administration fiscale ait méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, les seules circonstances que le vérificateur ait procédé à une sélection de trois pièces parmi 220 pièces cotées dans le dossier pénal et que la gérante ne pouvait avoir accès à certaines pièces dans le cadre de l'instruction pénale ne suffit pas à établir que l'entreprise ne pouvait assurer sa défense.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. En vertu du V de l'article 256 du code général des impôts et du III de l'article 256 bis du même code, un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de biens ou une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien. Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis (...) ".
9. Si le fait d'assurer le convoyage des véhicules et de rendre d'autres prestations annexes telles que l'accomplissement de formalités administratives n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité d'intermédiaire transparent, il résulte de l'instruction, notamment des exemples de contrat de mandat et factures produits ainsi que des extraits des dépositions de Mme D..., gérante de la société et de M. A..., salarié, effectuées dans le cadre d'une procédure pénale, que l'EURL Europe Center Cars assurait elle-même la recherche de véhicules directement auprès d'entreprises étrangères, principalement belges et procédait à leur réservation, que les mandats signés entre l'entreprise, se présentant en qualité de mandataire, et les clients français comportaient un tel degré de précision sur les caractéristiques des véhicules qu'ils s'apparentaient à des bons de commande de véhicules déjà identifiés et que, si les clients français, après avoir réglé un acompte de 10% correspondant à la commission de l'entreprise requérante, s'acquittaient du solde directement auprès des sociétés espagnoles ou roumaines, lesquelles établissaient à leur endroit une facture, ces factures étaient établies sur la base des déclarations de Mme D.... Alors qu'aucun élément justifiant du rôle joué par les sociétés intermédiaires, censées proposer à la vente les véhicules souhaités par les clients, n'est produit, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu, au vu de ce faisceau d'indices, remettre en cause la qualité d'intermédiaire transparent dont s'était prévalue l'EURL Europe Center Cars.
Sur les pénalités :
10. L'EURL Europe Center Cars se borne à reprendre en appel le moyen tiré de la méconnaissance du c de l'article 1729 du code général des impôts relatif à l'application d'une pénalité de 80% en cas de manoeuvres frauduleuses. En l'absence de toute circonstance de fait ou de droit nouvelle présentée à l'appui de ce moyen, auquel le tribunal administratif a suffisamment et pertinemment répondu, il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Europe Center Cars n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions relatives aux frais liés au litige présentées par l'EURL Europe Center Cars.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'EURL Europe Center Cars à concurrence de la somme de 72 992 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B..., liquidateur judiciaire de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Europe Center Cars, et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
F. BatailleLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT035972