Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 décembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Douala rejetant implicitement les demandes de visa de long séjour présentées pour les jeunes Vanessa Tchachou Elangwe et Collins Kome Elangwe qu'il présente comme ses enfants.
Par un jugement n° 1809304 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 janvier 2019 ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision contestée et d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer les demandes de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en s'abstenant de tenir compte de son mémoire, enregistré le 3 janvier 2019, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire et entaché la procédure d'irrégularité ;
- les liens de filiation avec ses deux enfants sont établis tant par les documents d'état civil produits que par la possession d'état ;
- la substitution de motifs demandée par le ministre en première instance et implicitement réalisée par les premiers juges n'est pas fondée ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 décembre 2017 confirmant le refus implicite opposé par les autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun) rejetant implicitement les demandes de visa de long séjour présentées pour les jeunes Vanessa Tchachou Elangwe et Collins Kome Elangwe qu'il présente comme ses enfants.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En vertu de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". L'article R. 613-4 du même code dispose : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision (...) notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / (...) ". Enfin, l'article R. 613-2 prévoit qu'en l'absence d'ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience.
3. Il ressort du dossier de la procédure que, par une ordonnance du 15 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée, devant le tribunal, au 31 décembre 2018 à douze heures. Le mémoire en défense du ministre de l'intérieur, enregistré au greffe du tribunal le 18 décembre 2018, n'a été communiqué à M. D... que le 31 décembre 2018, à quinze heures et quatorze minutes, soit postérieurement à la clôture. En décidant de verser ce mémoire au contradictoire après la clôture de l'instruction, le tribunal doit être regardé comme l'ayant rouverte. En l'absence d'une nouvelle ordonnance fixant la clôture de l'instruction, celle-ci est intervenue, en vertu de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant l'audience qui s'est tenue le 10 janvier 2019, soit le lundi 6 janvier 2019 à minuit.
4. Le mémoire en défense communiqué au conseil de M. D..., lequel en a accusé réception le 1er janvier 2019 à dix-huit heures et dix-huit minutes, contenait une demande de substitution de motifs et faisait état de nombreux éléments non énoncés dans la décision contestée. La clôture de l'instruction étant intervenue, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le 6 janvier 2019 à minuit, M. D... a disposé d'un délai de moins de six jours pour répondre à ce premier mémoire en défense de l'administration.
5. Si M. D... a produit un mémoire en réplique le 3 janvier 2019, soit avant la clôture de l'instruction, les visas du jugement attaqué indiquent que cette clôture est intervenue le 31 décembre 2018 à douze heures et vise le mémoire de M. D..., enregistré le 3 janvier 2019, sans l'analyser. Il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le tribunal aurait, en dépit de la teneur des visas, tenu compte de ce mémoire en réponse au mémoire en défense. Or, si les premiers juges ont rejeté la demande de M. D... " sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de motifs demandée en défense par le ministre de l'intérieur ", il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour considérer que les documents d'état civil produits en vue d'établir la réalité des liens de filiation revendiqués étaient dépourvus de valeur probante, ils se sont fondés sur l'inversion des noms et prénoms des enfants sur les actes de naissance et les passeports, laquelle anomalie avait été invoquée dans le mémoire en défense du ministre sans être mentionnée dans la décision contestée. Cette anomalie " envisagé[e] cumulativement ", selon les termes du jugement attaqué, avec la mention sur les jugements supplétifs d'actes de naissance du nom de M. D... comme étant l'auteur des demandes alors qu'à la date à laquelle elles ont été formées, ce dernier, détenteur de la qualité de réfugié, résidait en France, les a conduits à écarter le moyen tiré de l'erreur dans l'appréciation de l'établissement des liens de filiation.
6. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir qu'en s'abstenant de tenir compte de son mémoire en réplique qu'il a, à tort, regardé comme produit après la clôture de l'instruction, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer M. D... devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : M. D... est renvoyé devant le tribunal administratif de Nantes pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Giraud, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2020.
Le rapporteur,
K. C...
Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02264