Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bertin a demandé au tribunal administratif de Caen, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, d'annuler le décompte général du lot n° 1 " gros oeuvre " du marché de la construction d'une piscine sports et loisirs intercommunale à Argences, établi le 13 mai 2014, d'autre part, d'arrêter le décompte général définitif du marché à la somme de 2 405 352,70 euros HT, enfin, de condamner la communauté de communes de Val ès Dunes à lui verser la somme de 408 405,35 euros TTC en règlement du solde du marché, cette somme devant être assortie d'intérêts à compter du 25 juillet 2014 et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1500088 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Caen a fixé à la somme de 2 543 341,09 euros TTC le montant du décompte général du lot n° 1 " gros oeuvre " du marché relatif à la construction de la piscine sports et loisirs intercommunale située à Argences (article 1er), a condamné la communauté de communes de Val ès Dunes à verser à la société Bertin la somme de 75 664,61 euros TTC, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en règlement du solde de ce lot n° 1 (article 2), a mis à la charge de la communauté de communes de Val ès Dunes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2018, et un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, la communauté de communes de Val ès Dunes, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Bertin la somme de 75 664,61 euros TTC, et de ramener cette somme à 4 417,48 euros TTC, en règlement du solde du lot n° 1 " gros oeuvre " du marché ;
2°) de condamner la société Bertin à lui verser la somme de 9 326 euros au titre de pertes d'exploitation ;
3°) de mettre à la charge de la société Bertin la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur dans le calcul du solde du marché dès lors qu'il s'est mépris sur le prix des travaux, lequel s'élève, non pas à 2 529 627,09 euros TTC, ainsi qu'il est mentionné dans le jugement, mais à 2 560 934,96 euros TTC et que le jugement ne tient pas compte de la somme de 40,13 euros TTC en faveur de la société Bertin, pourtant mentionnée sur le certificat de paiement du 7 avril 2014 ; il en résulte que le solde du marché doit être fixé à la somme de 4 417,48 euros TTC ;
- les moyens soulevés à l'appui des conclusions d'appel incident sont infondés ;
- du fait de l'intervention intempestive de la société Bertin sur l'ouvrage, obligeant la communauté de communes à procéder sans délai à des travaux non prévus immédiatement, le toboggan et le " pentagliss " ont dû rester fermés, et n'ont pu être rouverts au public que le 24 janvier 2015, ce qui a engendré une perte d'exploitation de 9 326 euros.
Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2019, la société Bertin, représentée par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) par la voie de l'appel incident, d'arrêter à la somme de 2 869 382,51 euros TTC le décompte général du marché, de condamner la communauté de communes de Val ès Dunes à lui verser la somme de 401 706,03 euros TTC en règlement du solde du marché, assortie des intérêts à compter du 25 juillet 2014 et de leur capitalisation, et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
2°) par la voie de l'appel incident, de rejeter la demande reconventionnelle formée devant le tribunal administratif par la communauté de communes de Val ès Dunes et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Val ès Dunes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de calcul lorsqu'il a déterminé le solde du marché ;
- elle est fondée à obtenir le paiement d'une somme de 49 666 € HT au titre de la mise en oeuvre du système d'étanchéité liquide ; en effet, ces travaux, qui ne figuraient pas dans le marché initial, ne pouvaient être regardés comme compris dans le prix forfaitaire de celui-ci ;
- elle est également fondée à obtenir le paiement d'une somme de 18 744 € HT au titre des travaux de calfeutrement dès lors que les conditions de réalisation de ces travaux, qui étaient dès l'origine à sa charge, ont donné lieu à des surcoûts, liés à la désorganisation du chantier, surcoûts qui résultent de la location d'équipements supplémentaires, à savoir des échafaudages et une nacelle, de leur montage et de leur démontage ainsi que de la réalisation d'une bande de peinture non prévue initialement ;
- de même, ont vocation à lui être attribuée une somme de de 14 923,50 euros HT au titre de travaux supplémentaires pour l'adaptation du toboggan et du " pentagliss " ainsi qu'une somme de 5 243,08 euros HT au titre de travaux supplémentaires de pose d'une isolation thermique sous le plancher du sous-sol technique ;
- elle a droit à une indemnisation de la prolongation du délai d'exécution du marché à hauteur de 134 487,15 euros HT ainsi qu'à une indemnisation des pertes d'exploitation générées par le décalage du planning et de ses interventions pour un montant de 34 797 euros HT ;
- alors que la communauté de communes retient un retard de 65 jours pour la mise en eau des bassins et applique des pénalités d'un montant de 88 881 euros, ces pénalités ne sont pas justifiées ; il en va de même de la pénalité de dix jours de retard, soit 13 674 euros, dans la réception des bassins de balnéothérapie, sportif et ludique, le retard correspondant ne lui étant pas imputable ; de même l'application d'une pénalité de 4 000 euros pour retard dans la transmission des résultats des essais, correspondant à un retard de 20 jours, n'est pas fondée ;
- la demande reconventionnelle formée par la communauté de communes de Val ès Dunes devant le tribunal administratif, qui concernait la reprise des gorges des bacs tampons, n'était pas fondée.
Les parties ont été informées, par lettre du 24 janvier 2020, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la communauté de communes tendant à la condamnation de la société Bertin à lui verser la somme de 9 326 euros au titre de pertes d'exploitation sont irrecevables car elles sont présentées dans un mémoire enregistré le 14 octobre 2019, après l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la communauté de communes de Val ès Dunes, et de Me A..., représentant la société Bertin.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes de Val ès Dunes a entrepris, en 2011, la construction d'une piscine intercommunale à Argences (Calvados). Par un acte d'engagement du 12 mai 2011, elle a confié le lot n° 1 " gros oeuvre - maçonnerie " à la société Bertin pour un montant forfaitaire total de 2 453 116,13 euros TTC. La réception des travaux a été prononcée le 23 décembre 2013 avec plusieurs réserves, levées le 17 février 2014 à l'exception de celles concernant les " bacs tampons "toboggan / pentagliss" ". Le 3 février 2014, la société Bertin a transmis au maître d'oeuvre son projet de décompte final arrêté à la somme de 2 869 838,47 euros TTC, cette somme correspondant, selon elle, au prix total de ses prestations. Le 15 mai 2014, cette société a reçu le décompte général du marché, adressé par la communauté de communes de Val ès Dunes. Ce décompte général mentionnait que le montant cumulé du prix du marché de base, de celui convenu par avenants à ce marché, de celui des travaux supplémentaires ainsi que de la révision des prix s'élevait à 2 560 975,09 euros TTC. Ce document, avec le certificat de paiement qui lui était annexé, précisait en outre que des pénalités d'un montant total de 120 229 euros étaient applicables et que le montant total des acomptes versés à la société Bertin s'élevait à 2 472 094,12 euros TTC, en sorte que le solde du lot n° 1 était négatif, la société Bertin devant, selon la communauté de communes, lui reverser 31 348,03 euros TTC. Le 24 juin 2014, la société Bertin a fait savoir au pouvoir adjudicateur qu'elle refusait de signer ce décompte général et a présenté un mémoire en réclamation dirigé contre celui-ci. Faute d'avoir répondu à ce mémoire en réclamation dans le délai requis, la communauté de communes de Val ès Dunes a implicitement rejeté les prétentions du titulaire du lot n° 1. Par une demande enregistrée le 9 janvier 2015, la société Bertin a porté sa réclamation devant le tribunal administratif de Caen. Par un jugement du 4 octobre 2018, le tribunal a fixé à la somme de 2 543 341,09 euros TTC le montant du décompte général du lot n° 1 (article 1er), a condamné la communauté de communes de Val ès Dunes à verser à la société Bertin la somme de 75 664,61 euros TTC, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en règlement du solde du marché (article 2), a mis à la charge de la communauté de communes de Val ès Dunes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions des parties (article 4).
2. La communauté de communes de Val ès Dunes relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Bertin la somme de 75 664,61 euros TTC et demande à la cour de ramener cette somme à 4 417,48 euros TTC en règlement du solde du lot. Par un mémoire en réplique du 14 octobre 2019, elle demande en outre de réformer ce même jugement en concluant à la condamnation de la société Bertin à lui verser une somme de 9 326 euros en réparation d'une perte d'exploitation subie du fait de travaux intervenus en 2015. La société Bertin présente, pour sa part, des conclusions d'appel incident reprenant ses demandes de première instance non satisfaites.
Sur les conclusions d'appel principal :
En ce qui concerne la recevabilité :
3. Ce n'est que dans un mémoire en réplique enregistré le 14 octobre 2019, postérieurement à l'expiration du délai d'appel, que la communauté de communes de Val ès Dunes demande à la cour de condamner la société Bertin à lui verser la somme de 9 326 euros TTC au titre de l'indemnisation d'une perte d'exploitation, alors qu'elle se bornait dans son mémoire introductif à solliciter la réformation du jugement en tant que le tribunal administratif a commis une erreur de calcul dans l'évaluation du montant du solde du marché, dont il résulterait que la somme mise à sa charge aurait dû être de 4 417,48 euros au lieu de la somme de 75 664,61 euros à laquelle elle a été condamnée. Ces conclusions additionnelles, présentées tardivement, ne sont pas recevables.
En ce qui concerne le bien-fondé du surplus des conclusions d'appel principal :
4. Aux termes de l'article 13.3.1. du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009, auquel le cahier des clauses administratives particulières renvoie sans y déroger : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.1. de ce cahier : " Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général qui comprend : / - le décompte final ; - l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; / - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. ". Aux termes de l'article 13.4.2. du même cahier : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. (...) ".
5. Par son jugement du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Caen a écarté, d'une part, toutes les demandes présentées par la société Bertin comme constituant des travaux supplémentaires et, d'autre part, ses demandes relatives à l'indemnisation des conséquences de la prolongation de douze mois du délai d'exécution du marché. Enfin, en ce qui concerne les pénalités, le tribunal a réintégré dans le solde du marché au bénéfice de l'entreprise la somme de 13 674 euros déduite au titre des pénalités pour un retard de dix jours dans la mise à disposition des banquettes de soufflage, au motif que ni le maître d'oeuvre ni le titulaire de la mission organisation, pilotage et coordination (OPC) n'avaient formellement constaté ce retard, et la somme de 4 000 euros des pénalités pour vingt jours de retard dans la transmission des résultats des essais relatifs aux remblais des plages extérieures, au motif que les documents contractuels ou les plannings d'exécution du marché n'imposaient pas un délai pour la remise de ces documents, mais il a rejeté le surplus de la demande de la société sur les pénalités et ainsi ramené celles-ci, s'élevant initialement à 120 229 euros, à un montant de 102 555 euros. Par ailleurs, sur les conclusions reconventionnelles de la communauté de communes, le tribunal a jugé que la collectivité maître d'ouvrage était fondée à demander que soit déduite de la rémunération de l'entreprise la somme de 3 960 euros TTC en raison d'une reprise non conforme aux règles de l'art des désordres affectant les bacs tampons qui avaient fait l'objet d'une réserve non levée, mais a rejeté la demande de la communauté de communes au titre de l'indemnisation d'une perte de recettes d'exploitation résultant de la fermeture du toboggan et du " pentagliss " de la piscine entre le 15 décembre 2014 et le 24 janvier 2015, au motif qu'il n'était pas établi que celle-ci soit imputable à la société Bertin, et sa demande au titre des travaux de reprise du fond du bassin ludique, au motif que les désordres affectant celui-ci n'avaient pas été notifiés à l'entreprise pendant la période de la garantie de parfait achèvement. En conséquence, comme il a été dit au point 1, le tribunal, d'une part, a fixé à 2 543 341,09 euros TTC le montant du décompte général définitif du marché, d'autre part, retenant par ailleurs qu'une somme totale de 2 467 676,48 euros TTC avait déjà été versée à la société Bertin en règlement des acomptes et révisions de prix du marché, a estimé, au point 36 du jugement, que la somme restant à verser à la société Bertin au titre du solde du marché s'élevait à 75 664,61 euros et a condamné la communauté de communes à lui payer ce montant.
6. A l'appui de son appel, la communauté de communes soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de calcul dès lors qu'il s'est mépris sur le prix des travaux, que le jugement ne tient pas compte de la somme de 40,13 euros TTC en faveur de la société Bertin, et qu'il a " oublié " de prendre en compte dans sa récapitulation finale les 102 555 euros des pénalités qu'il a validées, ce dont il résulte, selon la requérante, que la somme qu'elle a été condamnée à verser à la société Bertin aurait dû s'élever à 4 417,48 euros au lieu de 75 664,61 euros.
7. Il résulte de l'instruction, en particulier du document intitulé " certificat de paiement pour solde " établi le 23 décembre 2013 par le maître d'oeuvre et annexé au décompte général notifié à l'entreprise, d'une part, que le prix TTC de l'ensemble des prestations prévues au marché, avenants et révision des prix compris, s'élève à 2 560 975,09 euros et que les premiers juges ont effectivement omis de prendre en compte une somme de 40,13 euros TTC, laquelle devait, selon le dernier certificat de paiement établi par le maître d'oeuvre de l'opération le 7 avril 2014, être réglée par la communauté de communes à la société Bertin au titre d'une révision de prix du dernier acompte mensuel. D'autre part, la communauté de communes est également fondée à soutenir que le montant cumulé du prix du marché, compte tenu des avenants à ce marché et des révisions de prix s'élève à 2 560 975,09 euros TTC. Cette somme est en effet celle mentionnée sur le décompte général notifié par la communauté de communes le 15 mai 2014, dont il n'est ni établi ni allégué qu'il soit sur ce point inexact.
8. Toutefois, en l'absence de cette double erreur de fait commise par les premiers juges, le solde du marché aurait dû être établi, compte tenu des éléments du décompte général et des énonciations des autres points du jugement, non pas à la somme de 4 457,61 euros TTC, comme le soutient en appel la communauté de communes, mais à la somme de -17 553,77 euros TTC. En effet, d'une part, dans les calculs présentés à l'appui de sa requête d'appel, la requérante a commis une erreur : alors que les pénalités avaient originellement été fixées d'après leur décompte établi par le maître d'oeuvre à 120 229 euros et que le tribunal administratif les avait estimées infondées à hauteur de 17 674 euros, en sorte que les pénalités devant finalement être incluses dans le décompte général s'élevaient à 102 555 euros, la communauté de communes a estimé à tort, dans les calculs soumis par elle à la cour, que le montant des pénalités initialement imposées s'élevait à 102 555 euros, dont il fallait selon elle déduire 17 674 euros pour atteindre le montant des pénalités reconnues comme justifiées par les premiers juges. D'autre part, le montant total des acomptes versés par la communauté de communes au titre du marché, hors le dernier versement de 40,13 euros dû au titre d'une révision des prix, s'élevait, d'après le dernier certificat de paiement établi par le maître d'oeuvre de l'opération le 7 avril 2014, à la somme de 2 472 053,99 euros et non, comme l'avait estimé le tribunal administratif, à celle de 2 467 676,48 euros.
Sur les conclusions d'appel incident :
En ce qui concerne les sommes réclamées au titre de travaux supplémentaires :
S'agissant des travaux portant sur le système d'étanchéité liquide :
9. A partir du début de l'année 2002, soit en cours de chantier, des fissures ont été constatées sur le bassin sportif, dont la structure en béton devait être réalisée par la société Bertin. Le contrôleur technique, saisi de la question de ces fissurations, a estimé, dans des courriers datés des 27 mars et 13 juin 2012, qu'il n'était établi ni que le béton mis en oeuvre dans les bassins soit suffisamment solide ni que l'étanchéité soit satisfaisante. Pour tenter de remédier aux fissurations multiples, la société Bertin les a colmatées par l'injection de résines et la pose d'agrafes. A la suite de ces interventions, une mise en eau des bassins a été prévue en décembre 2012 et a révélé que les bassins n'étaient pas étanches. La communauté de communes a alors demandé à la société Bertin d'appliquer, dans les bassins, un système d'étanchéité liquide. Ces travaux ont été réalisés par la société Bertin par l'intermédiaire d'un sous-traitant.
10. La société Bertin soutient que ces travaux portant sur le système d'étanchéité n'étaient pas prévus par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) de son lot et n'étaient pas inclus dans le prix forfaitaire de celui-ci ni n'étaient rendus nécessaires pour pallier des malfaçons qui lui auraient été imputables dès lors que les fissurations affectant le béton n'outrepassaient pas l'ampleur tolérée par les normes techniques applicables. Elle en déduit qu'elle doit être indemnisée par la communauté de communes à hauteur du coût de ces travaux de pose d'un système d'étanchéité liquide, qui s'est élevé à 49 666,00 euros HT. Toutefois, il résulte du point 01.3 du CCTP du lot n° 1 qu'une " épreuve d'étanchéité ", durant laquelle les bassins devaient être remplis et leur niveau d'eau maintenu pendant 48 heures, était prévue pour chaque bassin et qu'en cas de fuites d'eau l'entreprise titulaire devait " la réparation des incidences occasionnées sur les autres ouvrages et la remise en en fonctionnement des bassins par tout moyen préalablement agréé par le maître d'oeuvre et le bureau de contrôle ". Ces stipulations induisent que la société Bertin était tenue de livrer des bassins qui, avant même l'intervention de tout autre constructeur, répondaient à des exigences d'étanchéité. Or, l'épreuve d'étanchéité réalisée en décembre 2012 a révélé que les bassins, en raison des fissurations et de ce qu'il n'était pas établi que le béton ait été de qualité suffisante, n'étaient pas étanches. Dans ces conditions, les travaux en cause doivent être regardés comme inclus dans le prix forfaitaire du lot n° 1 et ne présentaient pas le caractère de travaux supplémentaires indemnisables.
S'agissant des autres préjudices invoqués :
11. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
Quant aux conditions d'exécution des travaux de calfeutrement :
12. La société Bertin soutient que les conditions d'exécution des travaux de calfeutrement ont suscité des surcoûts d'un montant de 18 744 euros HT car le retard pris dans l'exécution des travaux de couverture et d'étanchéité de la toiture, par d'autres constructeurs, l'aurait contrainte à scinder en deux phases les travaux portant sur les enduits intérieurs, générant l'obligation de réaliser une bande de peinture entre les enduits des zones calfeutrées et les autres, compte tenu de la différence d'aspect de l'enduit entre ces zones, et des coûts de fonctionnement supplémentaires tenant à ce que les échafaudages ont dû être montés et démontés deux fois au lieu d'une seule. Toutefois, pour justifier du montant des surcoûts générés, selon elle, par cette organisation des travaux portant sur les enduits intérieurs, la société Bertin se borne à se référer à un devis annexé à son mémoire en réclamation. Or un tel élément est insuffisant pour établir, à lui seul, l'existence de tels surcoûts. De plus, d'une part, il résulte du CCTP du lot n° 1 que les travaux en cause étaient compris dans le marché dont la société Bertin avait la charge et que leur prix était donc inclus dans le prix global et forfaitaire de ce lot. D'autre part, à supposer que la société Bertin ait entendu demander l'inclusion dans le décompte général d'une indemnité destinée à réparer des sujétions imprévues ou les conséquences dommageables d'une faute de la communauté de communes, ni l'existence de telles sujétions ni une telle faute ne sont établis.
Quant aux travaux pour l'adaptation du toboggan et du " pentagliss " :
13. Il résulte du compte-rendu de la réunion de chantier du 23 septembre 2011 qu'à cette date le constructeur initialement en charge de l'installation du toboggan et du " pentagliss " n'avait pas transmis les plans d'exécution de ces ouvrages. Compte tenu des défaillances de cette entreprise, un nouveau titulaire du lot " toboggan / pentagliss " a dû être désigné en juillet 2012. La société Bertin soutient qu'il lui a été demandé d'effectuer des carottages nécessaires à la correcte implantation des éléments porteurs de ces ouvrages et de réaliser les " remplissages latéraux " à l'arrivée du " pentagliss ", en béton aggloméré, alors que cette dernière prestation n'était pas décrite dans le CCTP. Toutefois, il résulte du CCTP du lot n° 1 que l'ensemble des éléments en béton destinés à la fixation au sol de la piscine et des installations et équipements qui lui sont liés sont à la charge de la société Bertin, qui doit les exécuter à l'endroit et selon les conditions posées par les plans qui lui seront transmis. Ainsi, les travaux de gros-oeuvre invoqués, qui sont nécessaires pour la correcte fixation au sol du toboggan et du " pentagliss ", sont compris dans le prix global et forfaitaire du marché. Par ailleurs, il ne résulte de l'instruction ni que les surcoûts allégués résultent, dans les circonstances particulières de l'espèce marquées par la désignation d'un nouveau titulaire du lot " toboggan / pentagliss ", de sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ni qu'ils procèdent d'une faute de la communauté de communes. Par suite, la société Bertin n'est pas fondée à demander qu'une somme de 14 923,50 euros HT vienne majorer le prix des travaux mentionné dans le décompte général.
Quant aux travaux de mise en oeuvre d'une isolation thermique sous le plancher du sous-sol technique :
14. La société Bertin allègue qu'un représentant de la maîtrise d'oeuvre aurait demandé de ne pas réaliser l'isolation thermique sous le plancher du sous-sol technique, laquelle était pourtant prévue originellement, et que, finalement, un ordre contraire lui aurait été donné tardivement en juin 2013 et fait valoir en appel qu'à cette date différents réseaux étaient installés, en sorte que les travaux d'isolation ont été réalisés dans des conditions plus délicates, générant des surcoûts pour un montant de 5 243,08 € HT. Toutefois, il résulte des énonciations du CCTP, et n'est pas contesté, que les travaux d'isolation en cause étaient compris dans le lot n° 1. Par ailleurs, il n'est pas établi que les surcoûts allégués, à les supposer établis, résulteraient de sujétions imprévues ou de fautes commises par la communauté de communes. Dès lors, cette demande doit être écartée.
Quant au délai d'exécution des travaux et aux pertes d'exploitation :
15. La société Bertin relève que le chantier a débuté le 30 mai 2011 et que l'ouvrage a été réceptionné le 23 décembre 2013, alors que la durée prévisionnelle des travaux était fixée à dix-huit mois, et soutient que cet allongement de la durée des travaux est imputable aux intempéries, à la défaillance du titulaire d'un autre lot et à la réalisation du système d'étanchéité liquide, ce qui aurait généré pour elle des surcoûts directs d'un montant de 134 487,15 euros HT pour lesquels la communauté de communes devrait l'indemniser ainsi qu'une perte d'exploitation d'un montant de 34 797 euros HT. Toutefois, comme il a été dit ci-dessus, la réalisation du système d'étanchéité liquide était à la charge de la société Bertin, qui avait improprement exécuté les bétons des bassins. Ni ces travaux, ni les intempéries ou la défaillance d'un autre constructeur, qui ne sont pas le fait du maître d'ouvrage, ne résultent de fautes de la communauté de communes. Ils ne constituent par ailleurs pas des aléas outrepassant ceux habituels sur un tel chantier et ne peuvent donc être regardés comme des sujétions imprévues. Les prétentions indemnitaires de la société Bertin sur ces points ne peuvent par conséquent qu'être écartées.
En ce qui concerne les pénalités :
16. Aux termes de l'article 20.1 du CCAG Travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009, auquel le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché renvoie : " En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000 du montant hors taxes de l'ensemble du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix initiaux du marché hors TVA (...). ". Aux termes de l'article 20.1.1 du même cahier : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre ". Aux termes de l'article 6.4.1 du CCAP du marché : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG, une pénalité de retard de 2/3000ème du marché de base (avec un minimum de 300 euros HT) par jour calendaire de retard pourra être appliquée à l'entreprise pour chaque ouvrage ou partie d'ouvrage (retard sur délai global ou partiel) sur simple constat figurant dans le compte rendu de l'OPC ". Aux termes de l'article 6.4.3 du CCAP : " Les documents (plan, note de calcul, planning, détail, devis, dossier des ouvrages exécutés, DIUO...), échantillons ou prototypes, demandés par le maitre d'oeuvre, le pilote, le bureau de contrôle ou le coordonnateur SPS et non fournis en temps et en heure pourront entraîner l'application d'une retenue journalière de 200 € HT par jour calendaire et par document. Les documents remis non conformes étant considérés comme non remis ".
Quant aux pénalités relatives au retard dans la mise en eau des bassins :
17. La communauté de communes a estimé que la mise en eau des bassins était intervenue avec un retard de 65 jours, justifiant l'application de pénalités d'un montant de 88 881 euros. La société Bertin relève que l'application du système d'étanchéité liquide dans les bassins ludique et sportif nécessitait que ceux-ci soient hors d'eau et souligne que tel n'était pas le cas compte tenu des retards et des défaillances du titulaire du lot " couverture ". Toutefois, il résulte de l'instruction que le retard de 65 jours ayant conduit à l'application des pénalités litigieuses a été relevé par le titulaire de la mission OPC le 28 septembre 2012. Ce retard est dû aux malfaçons imputables à la société Bertin et tenant à une exécution impropre des bétons des bassins ludique et sportif, laquelle a conduit à la survenance de fissurations. Le retard en cause n'est pas lié à l'intervention d'une expertise amiable destinée à comprendre la cause de ces désordres. En effet, la présence de fissurations importantes sur les bassins empêchait la poursuite des travaux tant que leur cause n'était pas connue et que la solution technique pour remédier aux malfaçons ne pouvait pas être déterminée de manière certaine. Or, d'une part, le laboratoire mandaté par la société Bertin pour réaliser des carottages dans le béton des bassins n'a réalisé ceux-ci que les 23 mars et 20 avril 2012. D'autre part, la société Bertin n'a proposé une solution technique permettant, selon elle, le traitement des malfaçons relevées à l'issue de ces carottages qu'en août 2012. C'est donc à bon droit que la communauté de communes a appliqué, pour le retard précédemment décrit, des pénalités de 88 881 euros, dont le calcul, suivant les prévisions de l'article 6.4.1 du CCAP n'est pas contesté.
Quant aux pénalités relatives au retard dans la réception des bassins de balnéothérapie, sportif et ludique :
18. La communauté de communes a appliqué des pénalités correspondant à un retard de dix jours, soit 13 674 euros, compte tenu de la réception tardive des bassins de balnéothérapie, sportif et ludique. La société Bertin soutient que ces retards ne lui sont pas imputables dès lors qu'ils résultent d'une seconde mise en eau du bassin de balnéothérapie, qui n'était pas nécessaire, et de l'absence du titulaire du lot " carrelage " aux réunions initialement prévues pour procéder à la réception des bassins, les 18 janvier 2013 et 1er février 2013. Toutefois, le caractère non concluant de l'épreuve d'étanchéité des bassins réalisés par la société Bertin a nécessité la réalisation d'une seconde épreuve d'étanchéité. Celle-ci est donc la conséquence des malfaçons imputables à la société Bertin, décrites précédemment. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le retard de dix jours dans la réception des bassins, constaté par le titulaire de la mission OPC dans son compte-rendu du 25 janvier 2013, serait imputable en une quelconque manière au titulaire du lot " carrelage ". Par suite, le moyen doit être écarté.
Quant aux pénalités pour retard dans la transmission des résultats des essais relatifs aux remblais des plages extérieures :
19. La communauté de communes a appliqué, sur le fondement de l'article 6.4.3 du CCAP, des pénalités d'un montant de 4 000 euros pour le retard dans la transmission des résultats des essais, en retenant un retard de 20 jours. La société Bertin conteste l'application de ces pénalités en soutenant qu'elle n'était pas soumise au respect d'un délai particulier pour la remise des résultats des essais relatifs aux remblais des plages extérieures et que la réalité de ce retard n'est pas établie. Toutefois, il résulte des stipulations précitées de l'article 6.4.3 du CCAP que l'absence de remise de tout document demandé par le maître d'oeuvre, le bureau de contrôle technique ou le coordonnateur SPS dans les délais impartis par ces derniers est de nature à justifier l'application de pénalités journalières de 200 euros. Or, il résulte d'un compte-rendu de chantier du 6 avril 2012 que les résultats des essais précédemment mentionnés n'ont été transmis que le 9 mars 2012, et non le 9 janvier 2012 comme le prétend la requérante, alors que, d'après le compte-rendu établi par le titulaire de la mission OPC le 27 janvier 2012, la société Bertin avait, à cette date, fait l'objet de quatre " rappels " à ce sujet. C'est donc, en tout état de cause, à bon droit que 20 jours de pénalités ont été appliqués à ce titre.
20. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la communauté de communes de Val ès Dunes est fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à payer à l'entreprise la somme de 75 664,61 euros TTC au titre du solde du marché et, compte tenu du quantum de ses conclusions, à demander que ce montant soit ramené à 4 417,48 euros TTC, d'autre part, que les conclusions d'appel incident présentées par la société Bertin doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bertin le versement à la communauté de communes de Val ès Dunes d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 75 664,61 euros TTC que la communauté de communes de Val ès Dunes a été condamnée à verser à la société Bertin au titre du solde du lot n° 1 du marché relatif à la construction de la piscine intercommunale située à Argences est ramenée à 4 417,48 euros TTC.
Article 2 : Le jugement n° 1500088 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La société Bertin versera à la communauté de communes de Val ès Dunes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la communauté de communes de Val ès Dunes et les conclusions d'appel incident de la société Bertin sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Val ès Dunes et à la société Bertin.
Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mars 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04319
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