Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 août 2016 par laquelle la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 29 juin 2016 du recteur de l'académie d'Orléans-Tours refusant de le nommer professeur certifié stagiaire.
Il a également demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 août 2016 par laquelle la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a informé de la perte de ses droits conférés par l'admission au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique.
Par un jugement nos 1603359, 1603374 et 1603376 du 4 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, M. A... E..., représenté par la SCP Lavisse, Bouamrirene, Gaftoniuc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 mai 2018 ;
2°) d'annuler les décisions des 18 et 26 août 2016 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'Etat de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il avait soulevés en ce qui concerne la décision du 26 août 2016 ; ils n'ont pas tenu compte du préjudice subi par lui en raison du retrait des droits conférés par l'admission au concours ;
- la décision du 18 août 2016 a été prise par une autorité incompétente ; il n'est pas établi que Mme B... disposait d'une délégation régulière ; il n'est pas fait état de l'absence ou de l'empêchement de l'autorité délégante ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors que l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit seulement que nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; il convient d'apprécier la nature et les responsabilités liées à l'emploi, l'ancienneté de la condamnation et les circonstances particulières de l'infraction pénale ; le ministre ne pouvait faire référence à sa condamnation dès lors que la cour d'appel d'Orléans a exclu sa mention sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire ; le ministre chargé de l'éducation nationale ne pouvait revenir sur la décision l'affectant dans l'académie d'Orléans-Tours ; le comportement de l'administration lui a porté préjudice dans la mesure où il avait commencé à préparer ses cours pour la rentrée 2016 ;
- le ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'est pas établi que son comportement ne présenterait pas toutes les garanties de dignité et qu'il ne serait plus capable de véhiculer les valeurs de la République ; il accompli ses fonctions depuis des années sans reproche ;
- la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- l'arrêté du 26 août 2016 a été pris par une autorité incompétente ; il n'est pas établi que M. F... disposait d'une délégation régulière ; il n'est pas fait état de l'absence ou de l'empêchement de l'autorité délégante ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le ministre a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ; il apparaît injuste de lui retirer le bénéfice d'un concours qu'il a obtenu tout à fait légalement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il s'en réfère à ses écritures présentées le 12 mai 2017 devant le tribunal administratif d'Orléans.
M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... a été admis au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique (CAPET) en " économie gestion " au titre de la session 2016. Le 29 juin 2016, il a été informé par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche que sa condamnation par un jugement du 1er octobre 2015 du tribunal correctionnel d'Orléans pour violence aggravée par deux circonstances suivies d'une incapacité supérieure à huit jours pour des faits commis le 13 juin 2015 n'était pas compatible avec sa nomination en tant que professeur stagiaire. Par une décision du 18 août 2016, la ministre chargée de l'éducation nationale a rejeté son recours gracieux et refusé de le nommer en qualité de professeur certifié stagiaire à compter du 1er septembre 2016. Par un arrêté du 26 août 2016, la ministre a également décidé qu'il avait perdu le bénéfice des droits que lui conférait ce concours. M. A... E... relève appel du jugement du 4 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Après avoir écarté l'ensemble des moyens soulevés par M. A... E... contre la décision du 18 août 2016, les premiers juges ont répondu aux moyens de légalité externe soulevés par l'intéressé à l'encontre de la décision du 26 août 2016. Ils ont par ailleurs estimé que pour les motifs énoncés aux points 9 à 12 du jugement, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur d'appréciation, de la disproportion manifeste et du détournement de pouvoir devaient également être écartés. Ce faisant, ils ont suffisamment répondu aux moyens du requérant, la circonstance que le retrait de ses droits au bénéfice du concours lui occasionnait un préjudice étant sans incidence sur la légalité de la décision du 26 août 2016. Par suite, M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 août 2016 :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision du 18 août 2016 et de son insuffisante motivation, que M. A... E... reprend en appel sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (...) 2° S'il ne jouit de ses droits civiques ; 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions (...) ". Si ces dispositions retiennent comme critère d'appréciation des conditions générales requises pour l'accès à la fonction publique le fait, le cas échéant, que les mentions portées au bulletin n° 2 du casier judiciaire du candidat ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions, elles ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'administration a légalement été informée des mentions portées sur ce bulletin, l'autorité compétente tienne compte des faits ainsi portés à sa connaissance pour apprécier, s'il y a lieu, compte tenu de la nature des fonctions auxquelles il postule, de recruter un candidat ayant vocation à devenir fonctionnaire. Cette appréciation s'exerce sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir.
5. Par un jugement du tribunal correctionnel d'Orléans du 9 juillet 2015, M. A... E... a été condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans. Sa demande de dispense d'inscription au casier judiciaire de ce délit a été rejetée. Par un arrêt rendu le 26 avril 2016, la cour d'appel d'Orléans a réduit sa peine à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et ordonné l'exclusion de sa condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire " afin de ne pas entraver les projets professionnels " de l'intéressé. La ministre chargée de l'éducation nationale, a mentionné cet arrêt dans sa décision du 18 août 2016, mais a cependant estimé qu'un enseignant était soumis à des obligations déontologiques spécifiques de dignité et était chargé de transmettre et de faire respecter les valeurs de la République " en agissant dans un cadre institutionnel et en se référant à des principes éthiques et de responsabilité qui fondent son exemplarité et son autorité ". Pour refuser de nommer M. A... E... en qualité d'enseignant stagiaire, à la suite de la réussite au Capet de la session 2016, elle a ainsi pu tenir compte des faits commis par l'intéressé le 13 juin 2015 alors même que sa condamnation ne figurait plus au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Si M. A... E... soutient que cette décision lui a porté préjudice dans la mesure où il avait commencé à préparer ses cours pour la rentrée 2016, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, au demeurant fondée sur son propre comportement. Enfin, si le requérant soutient que la ministre chargée de l'éducation nationale ne pouvait " revenir " sur la décision l'affectant dans l'académie d'Orléans-Tours, il ressort des pièces du dossier que la décision du 7 juillet 2016 lui notifiait son affectation " à titre provisoire " et que l'arrêté rectoral du 19 juillet 2016 était fondé sur l'arrêté ministériel portant nomination de M. A... E... en qualité de professeur certifié stagiaire, lequel n'était jamais intervenu. Pour l'ensemble de ces raisons, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans que l'agression dont M. A... E... a été reconnu coupable le 13 juin 2015 est aggravée d'une part par l'usage d'une arme et d'autre part par le fait que l'intéressé avait agi en état d'ivresse manifeste et sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. Elle s'est déroulée en présence de l'épouse et de la fille de la victime et a nécessité l'intervention de plusieurs personnes avant l'arrivée des forces de l'ordre. Si le requérant se prévaut de la circonstance que la cour a supprimé la mention de cette infraction du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, contre l'avis de l'avocate générale, la cour lui a en revanche imposé " de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation ". Compte tenu du caractère récent et particulièrement grave des faits, aggravés par les deux circonstances rappelées ci-dessus, la ministre chargée de l'éducation nationale a pu estimer que l'intéressé ne présentait plus toutes les garanties de dignité pour assurer les fonctions de professeurs certifiés et dispenser à des élèves les valeurs républicaines. De ce fait, et alors même qu'il avait été employé en tant que professeur contractuel depuis le mois de septembre 2007 sans que son comportement ne fasse l'objet de remarques défavorables, le requérant n'établit pas que la décision contestée serait entachée d'une appréciation erronée des faits de l'espèce ou d'une erreur dans leur qualification juridique.
7. En quatrième lieu, le requérant soutient que la ministre a tout mis en oeuvre pour l'empêcher d'exercer ses fonctions de professeur contractuel puis de professeur titulaire " sans tenir compte des répercussions sur sa carrière professionnelle ". Ces seules allégations ne sont toutefois pas de nature à établir le détournement de pouvoir allégué, la décision litigieuse ne résultant que du comportement de M. A... E..., lequel s'est présenté au Capet alors que dès le 4 novembre 2015, il avait été informé par le recteur de l'académie d'Orléans-Tours que son recrutement en qualité de professeur contractuel ne serait pas reconduit en raison de sa condamnation pénale.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 août 2016 :
8. En premier lieu, la décision contestée a été signée par M. F..., en sa qualité d'adjoint à la sous-directrice de la gestion des carrières, lequel a reçu délégation par une décision du 22 octobre 2015 de la directrice générale des ressources humaines " à l'effet de signer, au nom de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction de la gestion des carrières ". Par suite, M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que la décision le privant du bénéfice de son concours a été prise par une autorité incompétente.
9. En deuxième lieu, la décision litigieuse se réfère expressément à celle du 18 août 2016 dont M. A... E... a reçu notification le 20 août 2016. Par suite, elle doit être regardée comme suffisamment motivée.
10. En troisième lieu, la décision privant M. A... E... du bénéfice de son concours a été prise sur le fondement de la décision du 18 août 2016 refusant de le nommer professeur certifié stagiaire au regard de son comportement ayant entraîné sa condamnation pénale. Compte tenu de ce motif, et eu égard à ce qui a été dit aux points 3 à 7, cette décision n'est entachée d'aucune des illégalités soulevées par l'intéressé. Dans ces conditions, la ministre chargée de l'éducation nationale a pu en tirer toutes les conséquences juridiques et le priver du bénéfice de son concours sans entacher sa décision du 26 août 2016 d'une erreur de droit, d'une appréciation erronée des faits de l'espèce, d'une erreur dans leur qualification juridique ou d'un détournement de pouvoir. La circonstance que M. A... E... ait été régulièrement déclaré admis au Capet est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
11. Il résulte de ce qui précède, que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.
Sur le surplus des conclusions :
12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... E... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... E... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02539