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17/07/2020 | FRANCE | N°19NT03492

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 juillet 2020, 19NT03492


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert vers l'Espagne ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'examiner sa demande d'asile dans les trente jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 76

1-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert vers l'Espagne ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'examiner sa demande d'asile dans les trente jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Par un jugement n° 1902710 du 30 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019, M. D... A... représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2019 ;

3°) d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui a renversé la charge de la preuve est entaché d'irrégularité ;

- la décision de transfert aux autorités espagnoles est illégale dès lors qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que le préfet du Loiret a saisi les autorités espagnoles d'une demande de transfert et de reprise en charge. Il n'est donc pas justifié par l'administration de l'accord implicite des autorités espagnoles ;

- la décision de transfert est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.Alors qu'il souffre d'une maladie non identifiée, la décision de transfert porte atteinte à sa santé et à son droit au respect de sa vie privée ;

- la décision portant assignation à résidence est entachée d'illégalité à raison de celle de la décision de transfert aux autorités espagnoles ;

- la décision portant assignation à résidence est excessive dans ses modalités.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2020, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par un courrier du 30 janvier 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, est entré sur le territoire français de manière irrégulière le 15 décembre 1998. Sa demande d'asile a été enregistrée le 18 janvier 2019 auprès de la préfecture du Loiret. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été relevées en Espagne. Consécutivement à leur saisine le 24 janvier 2019, les autorités espagnoles ont le 24 mars 2019 implicitement accepté de prendre en charge M. A.... Par deux arrêtés du 24 juillet 2019, le préfet du Loiret a décidé de le transférer à ces autorités et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés du 24 juillet 2019.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau d'aide ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il résulte de l'instruction que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 3 septembre 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

3. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet du Loiret pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... vers l'Espagne a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 30 juillet 2019 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604/2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 30 juillet 2019 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 juillet 2019 portant transfert vers l'Espagne.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

6. L'arrêté portant assignation à résidence de M. A... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :

7. En premier lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ".

8. Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités espagnoles serait intervenue en violation de ces dispositions M. A... soutient qu'il souffre d'une maladie inconnue qui pourrait être une arthrite tuberculeuse ou un rhumatisme inflammatoire de type spondylarthrite et que son état de santé nécessite des examens complémentaires et des traitements réguliers. Toutefois, il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas être suivi médicalement en Espagne et y bénéficier des soins adéquats. Il ne ressort pas non plus desdites pièces que l'état de santé de M. A... serait incompatible avec son transfert en Espagne. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas que son transfert aux autorités espagnoles l'exposerait, à raison de l'absence de continuation de soins appropriés, à un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision portant transfert d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En second lieu, pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 24 juillet 2019 décidant son transfert est intervenue à la suite d'une demande de prise en charge formulée le 24 janvier 2019 par les autorités françaises auprès des autorités espagnoles.

10. M. A... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 7 à 9, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté portant assignation à résidence :

11. M. A... soutient que l'obligation de se présenter avec ses effets personnels qui lui est imposée à raison de plusieurs fois par semaine est excessive et trop contraignante. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence, dont le caractère disproportionné n'est pas démontré, procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à l'annulation du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2019 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le préfet du Loiret a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

H. LENOIR

La greffière

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT03492 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03492
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : WEINKOPF

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-07-17;19nt03492 ?
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