Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 octobre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) a refusé de délivrer à sa fille mineure, Fatoumata Tiguida D..., un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 1900079 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, M. E... D..., agissant au nom de G... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 13 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) a refusé de délivrer à sa fille mineure, F... D..., un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial ;
3°) d'annuler la décision du 5 novembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 juillet 2018 par laquelle l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) a refusé de délivrer à sa fille mineure, F... D..., un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant, F... D..., le visa de long séjour demandé ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision consulaire du 13 juillet 2018 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 31 octobre 2018 ne sont pas suffisamment motivées ;
- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des articles L. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui régissent le regroupement familial ; aucun motif ne peut être opposé à la demande de visa de la requérante, l'autorité consulaire étant liée par l'autorisation de regroupement familial accordée par l'autorité préfectorale ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation du lien de filiation établi par les actes de naissance produits à l'appui de sa demande de visa et par le courrier du service d'état civil malien du 16 octobre 2018 évoquant une erreur commise lors de la levée d'acte effectuée par l'autorité consulaire française ;
- elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien, est entré en France en 2010 et bénéficie d'une carte de résident valable jusqu'en 2026. M. D... et Mme C..., ressortissante ivoirienne, sont parents de trois enfants nés en France en 2012, 2014 et 2017 et qui vivent sur le territoire français avec eux. M. D... a demandé un visa de long séjour au titre du regroupement familial pour leur fille aînée, G... D..., née à Bamako (Mali) en 2010 et restée en Côte d'Ivoire chez sa tante maternelle. Par une décision du 13 juillet 2018, l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) a refusé de délivrer le visa demandé. Par la décision du 5 novembre 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre cette décision consulaire. Par le jugement du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions consulaire et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. D... relève appel de ce jugement.
2. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise sur recours préalable obligatoire du 31 octobre 2018, s'est substituée à la décision consulaire du 13 juillet 2018. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation de M. D... doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de la commission de recours et les moyens dirigés contre la décision des autorités consulaires doivent être écartés comme inopérants.
3. En premier lieu, la décision de la commission de recours vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne, d'une part, qu'après vérification auprès des autorités locales, l'acte de naissance de l'enfant correspond à une tierce personne et la production d'un tel document relève d'une intention frauduleuse et ne permet pas d'établir l'identité de la demanderesse et partant son lien familial avec le regroupant et, d'autre part, que M. D... n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il ait contribué ou contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ni qu'il communiquerait régulièrement avec elle. La décision attaquée mentionne ainsi de manière suffisamment précise et circonstanciée les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit dès lors être écarté.
4. En deuxième lieu, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter une demande de visa dont elle est saisie aux fins de regroupement familial que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits. Il revient à l'administration, si elle allègue ces motifs, d'établir la fraude de nature à justifier légalement le refus de visa.
5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa, M. D... a produit une copie littérale d'acte de naissance n° 0701/MCVI, RG 15 pour sa fille mineure alléguée, lequel a fait l'objet d'une levée d'acte par l'autorité consulaire française au Mali. Par un courrier du 10 avril 2018, le maire de la commune VI du district de Bamako a adressé à l'autorité consulaire la copie de l'acte de naissance enregistré sous ce numéro qui appartient à une tierce personne. Pour contester cette levée d'acte, le requérant a produit, en première instance, une photographie du registre d'état civil n° 15 de l'année 2010 montrant l'acte de naissance n° 0701/MCVI, RG 15 de l'enfant F... D..., une nouvelle copie de l'acte de naissance ainsi qu'un courrier du 16 octobre 2018 par lequel le service de l'état civil malien a adressé à l'autorité consulaire française au Mali une nouvelle copie de cet acte de naissance. Le requérant se prévaut également d'un courrier du 4 février 2019 adressé à l'autorité consulaire par le maire de la commune VI du district de Bamako reconnaissant une transmission erronée de l'acte de naissance demandé lors de la levée d'acte et précisant qu'il convenait de lire " G... D..., née le 8 février 2010 à 16h10 minutes à Bamako " au lieu de " Aminata Konta, née le 19 novembre 2010 à 14h30 minutes à Bamako ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces éléments comportent eux-mêmes des incohérences s'agissant notamment de l'identité du déclarant et n'apportent aucune explication quant aux circonstances dans lesquelles une erreur aussi manifeste aurait pu se produire lors de la levée d'acte demandée par l'autorité consulaire. En outre, ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur en défense, l'article 137 du code des personnes et de la famille malien, qui prévoit que les actes d'état civil, dont les énonciations essentielles sont fausses, doivent être annulés, n'a pas été appliqué. Il suit de là que la commission de recours n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fondant sa décision sur le caractère frauduleux de l'acte de naissance produit et l'absence de preuve de l'identité et du lien de filiation entre M. D... et l'enfant pour qui le visa de long séjour a été demandé.
7. En troisième lieu, le lien de filiation n'étant pas établi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de la commission de recours porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, président assesseur,
- Mme Ody, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02211