Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... E..., agissant en sa qualité de représentante légale de l'enfant C... F..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision de l'autorité consulaire française à Oran du 2 octobre 2018 refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant C... F..., ainsi que la décision consulaire du 2 octobre 2018.
Par un jugement n° 1903121 du 27 août 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 septembre 2019, Mme J... E..., agissant en sa qualité de représentante légale de l'enfant C... F..., représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 août 2019 ;
2°) d'annuler la décision de l'autorité consulaire du 2 octobre 2018 ;
3°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 février 2019 ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement et dans les mêmes conditions, de réexaminer la demande de visa ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête n'est pas tardive ;
- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie de ressources et de conditions d'accueil lui permettant de recevoir l'enfant dans des conditions satisfaisantes ;
elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en s'en remettant à ses écritures de première instance, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme B..., présidente assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La jeune C... F..., de nationalité algérienne, née le 30 novembre 2014, a été confiée à Mme J... E..., de nationalité française, née le 14 juillet 1954, par un acte de kafala dressé le 25 mai 2015 par le président de la section des affaires de la famille du tribunal de Relizane. La délivrance d'un visa de long séjour au bénéfice de la jeune C... F... a été refusée par une décision de l'autorité consulaire française à Oran du 2 octobre 2018. Saisie d'un recours contre cette décision consulaire, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France l'a rejeté par une décision du 7 février 2019. Mme E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 août 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'autorité consulaire et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. "
3. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substitué à la décision du 2 octobre 2018 par laquelle l'autorité consulaire française à Oran a refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité. Par suite, et comme l'avait déjà indiqué à juste titre le tribunal administratif, les conclusions dirigées contre la décision des autorités consulaires sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement.
5. En second lieu, pour refuser de délivrer à la jeune C... F... le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que le dossier présenté par Mme E... était incomplet dès lors qu'elle ne disposait pas d'une assurance maladie valable et que les conditions de ressources de l'intéressée, qui est à la retraite, ne permettent pas d'accueillir l'enfant de manière adéquate, de sorte que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas été méconnues.
6. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, ainsi que sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.
7. Il ressort des pièces du dossier que la jeune C... F..., née en Algérie, a fait l'objet à l'initiative de Mme J... E... d'un acte de kafala dressé le 25 mai 2015 par le président de la section des affaires de la famille du tribunal de Relizane lui déléguant l'autorité parentale afin de lui permettre de prendre toutes mesures utiles pour l'entretien, l'éducation et la protection de cette enfant. Toutefois, Mme E..., qui est retraitée, ne justifie pour toutes ressources que de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, d'un montant mensuel de 856 euros alors qu'elle supporte un loyer mensuel de 287 euros. Ces ressources sont ainsi insuffisantes pour subvenir aux besoins de l'enfant. La requérante ne saurait utilement se prévaloir des ressources de son compagnon et de son fils qui ne sont pas titulaires de l'autorité parentale déléguée par la kafala. Par ailleurs, selon l'attestation établie le 11 avril 2019 par Mme D... G..., la jeune C... F... vit chez cette dernière depuis mai 2015. Si la déclarante fait valoir qu'elle sera contrainte, lorsque la maison familiale sera vendue, de s'installer chez une de ses soeurs qui ne pourra accueillir l'enfant en raison de ses faibles ressources, Mme E... n'apporte aucun élément de nature à permettre à la cour d'apprécier le bien-fondé de ces déclarations, alors qu'au surplus, cette circonstance, compte tenu de la date de l'attestation, est postérieure à la décision contestée. Il ne ressort pas, enfin, des pièces du dossier que la requérante ait noué une relation particulière avec l'enfant ou contribué à pourvoir à ses besoins depuis qu'elle en est devenue tutrice légale en mai 2015. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ni fait une inexacte application des principes mentionnés précédemment en rejetant le recours de la requérante. La décision contestée n'a pas davantage été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de cette enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E... protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2020.
Le rapporteur,
M. I... La présidente,
H. B...
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03855