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16/10/2020 | FRANCE | N°19NT04768

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 16 octobre 2020, 19NT04768


Vu la procédure suivante :

M. E... B... a saisi la cour d'une demande, enregistrée le 26 septembre 2019, tendant à l'exécution de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009.

Par une ordonnance du 13 décembre 2019, le président de la cour administrative d'appel a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés le 3 janvier 2020 et le 25 février 2020 sous le numéro 19NT04768, M. E... B..., représenté par Me

C..., demande à la cour :

1°) de condamner la commune de Liffré à restituer à l...

Vu la procédure suivante :

M. E... B... a saisi la cour d'une demande, enregistrée le 26 septembre 2019, tendant à l'exécution de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009.

Par une ordonnance du 13 décembre 2019, le président de la cour administrative d'appel a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires, enregistrés le 3 janvier 2020 et le 25 février 2020 sous le numéro 19NT04768, M. E... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de condamner la commune de Liffré à restituer à lui et à la MAF la somme de 94 589, 69 euros avec intérêts depuis l'arrêt de la cour du 2 octobre 2009 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Liffré le versement à lui et à la MAF de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable malgré sa saisine de la cour administrative d'appel sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative en juin 2010 puisqu'il est toujours possible de présenter une nouvelle demande sur ce fondement ;

- la prescription quadriennale ne peut lui être opposée puisqu'il résulte des dispositions des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution des décisions juridictionnelles peut se poursuivre pendant dix ans ; la prescription décennale prévue par ce texte spécial prime sur la prescription quadriennale ; l'exécution de l'arrêt du 2 octobre 2009 pouvait donc être poursuivie jusqu'au 2 octobre 2019, soit postérieurement à la requête ; l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 interdit à l'administration d'invoquer la prescription pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée ;

- le seul fait que l'arrêt de la cour administrative d'appel n'ait pas condamné la commune à restituer les sommes qui avaient été payées en application du jugement du tribunal administratif de Rennes n'est pas suffisant pour empêcher la restitution ; la somme de 94 589, 99 euros a été versée au titre des désordres de couverture, laquelle n'est plus incluse, à la suite de l'arrêt de la cour, dans le montant de sa condamnation solidaire avec la société AB2I Méditerranée ; avec l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, le montant global de la créance de la commune n'a pas changé mais ses débiteurs ont changé ; par ailleurs, la commune a déjà perçu la somme de 178 650, 36 euros de la part de l'assureur de la société AB21 Méditerranée ;

- la condamnation ayant été réduite en appel, la commune de Liffré doit restituer les intérêts compensatoires sur la somme de 75 561, 48 euros qui doivent uniquement être supportés par la société AB2I Méditerranée ; seuls les intérêts moratoires liés au retard d'exécution du jugement peuvent être acquis à la commune, étant précisé que le règlement du GIE G 20, assureur de la société AB2I Méditerranée, est intervenu le 8 avril 2008 et son règlement et celui de son assureur, la MAF, en mai 2008.

Par des mémoires, enregistrés le 6 décembre 2019 et le 27 janvier 2020, la commune de Liffré, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle oppose la prescription quadriennale issue de la loi du 31 décembre 1968 ; la première demande d'exécution a été rejetée par le président de la cour administrative d'appel le 3 mars 2011 ; la prescription quadriennale est donc acquise le 31 décembre 2015 ; l'existence d'une règle spéciale empêche l'application de la règle générale issue du code des procédures civiles d'exécution ;

- ni M. B... ni son assureur la MAF n'ont versé une indemnisation supérieure à ce qui était dû ; en application de l'arrêt de la cour administrative d'appel, M. B... était condamné solidairement à la somme de 160 701, 82 euros, auxquels s'ajoutent les intérêts moratoires de 26 373, 95 euros ; la société MAF n'a versé qu'une somme de 109 791, 01 euros et M. B... une somme de 5 426, 21 euros ; le fait que le GIE G 20 lui a versé une somme de 178 650, 36 euros n'aboutit pas à un trop-perçu puisque le montant total qui lui a été versé correspond à 293 867, 58 euros, correspondant aux condamnations prononcées par le tribunal et aux intérêts moratoires (236 273, 30 euros de condamnation et 53 184,78 euros d'intérêts moratoires) ; ces intérêts sont liés à l'inexécution du jugement de première instance et ne peuvent être remis en cause ; en tout état de cause, M. B... ne serait fondé qu'à demander le versement de la somme de 4 409, 50 euros.

Par une ordonnance du 25 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2020.

Par un courrier du 21 septembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que M. B..., seul pour le compte duquel la requête n° 19NT04768 est présentée, n'a pas qualité pour présenter des conclusions au profit de la Mutuelle des architectes français.

Par un mémoire, enregistré le 22 septembre 2020, M. B... a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2020, la commune de Liffré a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code des marchés publics ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. B..., et Me A..., représentant la commune de Liffré.

Considérant ce qui suit :

1. En 1990, la commune de Liffré (Ille-et-Vilaine) a souhaité construire un complexe comprenant un centre culturel et une piscine. Elle a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à un groupement solidaire constitué par M. B..., architecte, la société AB21 Méditerranée et la société Ouest Coordination. La réception des ouvrages a été prononcée au 12 juin 1992. Des désordres étant apparus la commune de Liffré a saisi, le 18 septembre 2000, le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Par un jugement n° 003311 du 29 janvier 2008, le tribunal administratif de Rennes a condamné solidairement M. B... et Me D..., ès qualités de liquidateur de la société AB21 Méditerranée, à verser à la commune de Liffré la somme de 215 286, 33 euros au titre de la réparation des désordres et la somme de 21 396, 47 euros au titre des frais d'expertise. Par ce jugement, le tribunal administratif de Rennes a par ailleurs condamné Me D... à garantir M. B... de 90 % de la moitié des sommes en cause. Saisie par M. B..., la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt n° 08NT00666 du 2 octobre 2009, a écarté la responsabilité de M. B... dans l'apparition des dommages affectant les bacs aciers de la couverture de l'ouvrage et a, en revanche, comme le tribunal administratif retenu la responsabilité solidaire de ce dernier et de la société AB21 Méditerranée dans l'apparition des désordres affectant d'une part le local électrique, d'autre part, le vide sanitaire. La cour a également estimé que la responsabilité de la société AB21 dans l'apparition de ces derniers désordres s'élevait à 95 %. En conséquence, la cour a condamné solidairement M. B... et le GIE G 20, assureur de la société AB21 Méditerranée subrogé dans les droits de son assurée, à verser à la commune de Liffré les sommes de 139 305, 35 euros TTC au titre de la réparation des dommages et 21 396, 47 euros au titre des frais d'expertise, et a condamné le GIE G 20 à garantir M. B... à hauteur de 95 % des deux montants.

2. Par cette requête, M. B... demande à la cour d'ordonner l'exécution de son arrêt n° 08NT00666 du 2 octobre 2009 en application des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, aux termes desquelles : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution (...) ". A cette fin, M. B... demande à la cour de condamner la commune de Liffré à restituer à lui-même et à son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF) la somme de 94 589,69 euros, assortie des intérêts à compter de la date de l'arrêt de la cour du 2 octobre 2009.

Sur l'exception de prescription soulevée par la commune de Liffré :

3. L'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Toutefois, l'article 7 de cette même loi dispose que : " (...) En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l'Administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée ".

4. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 que la commune de Liffré n'est pas fondée, pour justifier son refus de rembourser à M. B... les sommes éventuellement trop versées en application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009, à opposer l'exception de prescription quadriennale à la demande de M. B... tendant au remboursement de ces sommes.

Sur l'exécution de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009 :

5. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes dont l'exécution est demandée, la société AB21 Méditerranée et M. B..., membres du groupement de maitrise d'oeuvre, ont été solidairement condamnés à verser à la commune de Liffré une somme de 139 305, 35 euros au titre des dommages affectant d'une part le local électrique de l'ouvrage et d'autre part son vide sanitaire. Ils ont également été solidairement condamnés à verser à la commune la somme de 21 396, 47 euros au titre des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes. Ces deux sommes ont été assorties des intérêts et de leur capitalisation. Il résulte également de l'instruction, notamment du justificatif joint à son paiement par la MAF, assureur de M. B..., et des mentions de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 29 juin 2017 statuant, pour la rejeter, sur l'action dont M. B... et la MAF avaient saisi le juge judiciaire de l'exécution, que 90 % de ces sommes ont été réglées à la commune de Liffré par le GIE G20, assureur de la société AB21 Méditerranée, et 10 % par M. B... et son assureur la MAF.

6. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'en application de ce même arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes, seule la société AB21 Méditerranée a été condamnée à verser à la commune de Liffré la somme de 75 571, 48 euros au titre des dommages dus aux infiltrations constatées sous les bacs en acier de la couverture de l'ouvrage, le jugement du tribunal administratif de Rennes qui avait mis cette somme à la charge solidaire de la société AB21 Méditerranée et de M. B... ayant été infirmé sur ce point. Cette somme avait été également assortie des intérêts et de leur capitalisation. Il résulte en outre de l'instruction que M. B... et son assureur la MAF ont, le 15 mai 2008, réglé à la commune de Liffré l'intégralité de cette somme de 75 571, 48 euros, assortie des intérêts s'élevant au montant non contesté de 10 132, 14 euros et de la capitalisation de ces intérêts pour un montant non contesté de 8 886, 37 euros. Cette somme, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, devait uniquement être versée par la société AB21 Méditerranée, ou ses ayants-droits, et non par M. B... ou son assureur, quand bien même le montant total de la condamnation prononcée au profit de la commune de Liffré n'a aucunement évolué entre le jugement du tribunal administratif de Rennes et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes dont l'exécution est demandée.

7. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que la commune de Liffré est redevable à son égard et à celui de son assureur des sommes versées au titre des dommages affectant la couverture de l'ouvrage, pour un montant qu'il limite à 94 589, 69 euros. Il est donc fondé à demander la condamnation de la commune à leur verser cette somme globale, à hauteur maximale de 5 426, 21 euros à M. B..., montant correspondant à la somme qu'il a effectivement versée à la commune en application de la franchise de son contrat d'assurance, et à la MAF pour le surplus. Ces sommes porteront intérêts à compter de la notification à la commune de Liffré de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009.

Sur les frais du litige :

8. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Liffré demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

9. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Liffré la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Liffré versera à M. B... et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français, la somme globale de 94 589, 69 euros, dans les conditions indiquées ci-dessus, en exécution de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009. Ces sommes porteront intérêts à compter de la notification à la commune de Liffré de l'arrêt n° 08NT00666 de la cour administrative d'appel de Nantes du 2 octobre 2009.

Article 2 : La commune de Liffré versera à M. B... une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Liffré tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et à la commune de Liffré.

Une copie sera adressée pour information à la Mutuelle des Architectes Français.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique le 16 octobre 2020.

La rapporteure,

M. F...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04768
Date de la décision : 16/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : GROLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-16;19nt04768 ?
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