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24/11/2020 | FRANCE | N°19NT04148

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 novembre 2020, 19NT04148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours qu'elle a formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer un visa de long séjour au titre de la réunification familiale à l'enfant Dan N'Sel.

Par un jugement n°1904566 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa dema

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours qu'elle a formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Kinshasa refusant de délivrer un visa de long séjour au titre de la réunification familiale à l'enfant Dan N'Sel.

Par un jugement n°1904566 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre 2019 et 25 septembre 2020, Madame I... C..., représentée par Me Simorre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, à défaut, de procéder au réexamen de la demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré du défaut d'examen, par la commission de recours, de sa situation personnelle ;

- la décision contestée n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur d'appréciation ; les documents d'état civil produits ainsi que la possession d'état établissent le lien de filiation ; toutes les conditions de la réunification familiale sont réunies ;

- la décision contestée a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu le rapport de M. Frank au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I... C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 5 avril 1983, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée en 2015. Une demande de visa a été déposée pour son enfant allégué L... N'Sel, né le 19 novembre 2003. Par une décision non datée d'octobre 2018, les autorités consulaires françaises à Kinshasa ont rejeté la demande. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre cette décision. Par un jugement du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours. Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L...s son mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal administratif de Nantes le 27 août 2019, Mme C... a soulevé le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Le tribunal administratif n'a pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu. Dès lors, son jugement a été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

4. En premier lieu, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France étant implicite, Mme C... ne peut utilement invoquer l'incompétence de son auteur.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. L...s ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite contestée doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de Mme C... et de son enfant allégué L... N'Sel.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...)3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (....) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ; (...) II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...) En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...) peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...) Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. ". Aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ". L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Il ressort des observations produites par le ministre de l'intérieur dans son mémoire en défense que, pour refuser de délivrer le visa de long séjour sollicité pour l'enfant Dan N'sel, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motif tirés, d'une part, de ce que l'identité de l'enfant Dan N'sel et le lien de filiation avec Mme C... n'étaient pas établis par les actes d'état civil produits et par les éléments de possession d'état, d'autre part, de ce que la demande de visa conduit à une réunification familiale partielle, non justifiée par l'intérêt des enfants.

9. A l'appui de la demande de visa de L... N'Sel, a été présenté un acte de naissance concernant l'enfant, né le 19 novembre 2003 à Kinshasa, qui a été dressé le 11 février 2017 au vu d'un jugement supplétif de naissance rendu le 9 janvier 2017. Pour remettre en cause le caractère probant de ces actes, le ministre de l'intérieur relève que l'acte de naissance transcrit comporte des mentions supplémentaires par rapport à celles figurant sur le jugement supplétif. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à retirer à ces actes leur valeur probante en l'absence de toute contradiction ou incohérence entre ces documents, et à défaut pour le ministre d'établir que la loi étrangère s'y opposerait. La circonstance que l'acte de naissance a été établi en 2017, soit près de quatorze ans après la naissance de l'intéressé, suivant jugement supplétif rendu la même année, ne suffit pas davantage à établir le caractère frauduleux ou inauthentique de ces actes. En outre, les énonciations contenues dans les actes de naissance sont conformes aux différentes déclarations faites par Mme C... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L...s ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que les documents d'état civil produits ne présentaient pas un caractère probant quant à l'identité du jeune Dan N'Sel et à la réalité du lien de filiation.

10. Toutefois, il n'est pas contesté qu'à la date de la décision en litige, aucune demande de visa n'avait été présentée pour l'enfant G... N'sel, déclaré par Mme C... comme son fils, né le 21 juin 2015, frère de son enfant Dan N'sel et fils de M. J... A...'sel. Si la requérante soutient qu'elle a toujours souhaité la réunification familiale de ses deux enfants, mais que le caractère long et coûteux de la procédure l'a incitée à " se focaliser " sur son aîné, qu'à terme, " son frère devrait le rejoindre ", et qu'elle dispose de l'autorité parentale sur L... E... du fait de l'impécuniosité du père, ces circonstances ne sont pas étayées par les éléments versés au dossier. L...s ces conditions, en l'absence de motif tenant à l'intérêt des enfants pouvant seul justifier une réunification familiale partielle, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de délivrer le visa sollicité. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en ne se fondant que sur le motif tiré de ce que la demande de visa conduit à une réunification familiale partielle non justifiée par l'intérêt des enfants.

11. En second lieu, eu égard aux développements qui précèdent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente,

- M. Frank, premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. FrankLa présidente,

C. Buffet

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04148
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SIMORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-11-24;19nt04148 ?
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