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26/01/2021 | FRANCE | N°20NT00695,20NT00696

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 janvier 2021, 20NT00695,20NT00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, enregistrée sous le n°1908413, Mme D... E... épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant de lui délivrer un visa de court séjour.

Par une seconde requête, enregistrée sous le n°1908414, M. G... A... a demandé a

u tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête, enregistrée sous le n°1908413, Mme D... E... épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant de lui délivrer un visa de court séjour.

Par une seconde requête, enregistrée sous le n°1908414, M. G... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant de lui délivrer un visa de court séjour.

Par un jugement n°s 1908413, 1908414 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 février 2020 sous le n°20NT00695, M. G... A..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant de lui délivrer un visa de court séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il dispose de ressources suffisantes pour la durée de son séjour ; il justifie d'un retrait de devises à hauteur de 1 500 euros, ainsi que d'une attestation d'accueil ; en estimant qu'il ne peut financer son séjour, la commission a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation ;

- le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus systématique de délivrance de visa qui lui est opposé porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré 9 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il renvoie à ses écritures de première instance.

II. Par une requête enregistrée le 25 février 2020 sous le n°20NT00696, Mme D... E... épouse A..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant de lui délivrer un visa de court séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer un visa de court séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose de ressources suffisantes pour la durée de son séjour ; elle justifie d'un retrait de devises à hauteur de 1 500 euros, ainsi que d'une attestation d'accueil ; en estimant qu'elle ne peut financer son séjour, la commission a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation ;

- le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus systématique de délivrance de visa qui lui est opposé porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré 9 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 6 février 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. G... A... et de Mme D... E... épouse A... tendant à l'annulation des décisions du 6 juin 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours contre les décisions du consul général de France à Oran (Algérie) du 24 mars 2019 refusant la délivrance de visas de court séjour. M. A... et Mme E... épouse A... relèvent appel de ce jugement.

2. Les requêtes de M. A... et de Mme E... épouse A... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer les visas de court séjour sollicités au motif que M. A..., Mme E... épouse A..., ainsi que leur accueillant, ne justifiaient pas de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagée. Les requérants ont toutefois produit à l'appui de leurs demandes une attestation d'accueil de leur fils, résidant en France, et validée par le maire de Strasbourg (Bas-Rhin), aux termes de laquelle l'intéressé s'engage à les héberger pendant la durée de leur séjour sur le territoire français, ainsi que deux attestations de retrait en espèces de devises du 28 février 2019, émanant d'un établissement bancaire, pour un montant total de 3 000 euros. Le ministre a fait valoir, en première instance, que le motif des décisions contestées était erroné.

5. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre a toutefois invoqué, en première instance, dans ses mémoires en défense communiqués à M. A... et à Mme E... épouse A..., un autre motif tiré de ce qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.

6. Aux termes de l'article 21 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

7. M. A... et Mme E... épouse A..., âgés respectivement de 82 et 76 ans à la date des décisions contestées, perçoivent des pensions de retraite en Algérie et sont propriétaires d'un fonds de commerce à Mostaganem depuis 1989. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des fiches d'état civil et des certificats de résidence produits, que cinq de leurs sept enfants résident en Algérie, ainsi que la très grande majorité de leurs petits enfants. Ils soutiennent, sans être contredits, n'avoir jamais sollicité de visas de long séjour ou manifesté le souhait de venir s'installer en France. Dans ces conditions, alors même qu'un de leur fils réside en France, à Strasbourg, M. A... et Mme E... épouse A... apportent des éléments suffisants de nature à remettre en cause l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. Dans ces conditions, la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut être accueillie.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... et Mme E... épouse A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... et à Mme E... épouse A... les visas sollicités. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... et à Mme E... épouse A... de la somme de 600 euros chacun au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes n°s 1908413, 1908414 du 6 février 2020 et les décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 6 juin 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... et à Mme E... épouse A... un visa d'entrée et de court séjour en France pour visite familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... et à Mme E... épouse A... la somme de 600 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A..., à Mme D... E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20NT00695, 20NT00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00695,20NT00696
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BELMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-26;20nt00695.20nt00696 ?
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