Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'une part, d'annuler la décision du 4 novembre 2015 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'il allègue avoir subi du fait du caractère insuffisant des montants d'indemnité spécifique qui lui ont été versés au titre des années 2014 et 2015, d'autre part, de condamner l'Etat au paiement d'une somme d'au moins 716,56 euros, à abonder d'une somme de 26,54 euros pour chaque mois écoulé depuis la date de sa demande.
Par un jugement n° 1600676 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet 2017 et 16 novembre 2017, M. C..., représenté par la SCP Saidji et Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2015 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 145,65 euros en réparation de son préjudice financier né de l'absence de régularisation de l'indemnité spécifique de service, somme arrêtée à la date du 30 juin 2017 et à parfaire à la date d'exécution de l'arrêt à intervenir sur la base d'un coefficient de modulation individuel de 1,05, outre les intérêts légaux capitalisables à compter de la date de la première demande d'indemnisation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'illégalité de la décision du 4 novembre 2015 en raison du motif d'objectif d'économie budgétaire ainsi que sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise en raison de l'application d'un " taux moyen de corps ", alors que ces moyens n'étaient pas inopérants ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison d'une erreur de droit au regard de l'article 7 du décret du 25 août 2013 et de l'article 3 de l'arrêté du même jour et d'une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination de la modulation individuelle de l'indemnité spécifique de service qui lui a été attribuée à compter de l'année 2014, ramenée à un coefficient de 1 alors qu'il bénéficiait jusqu'alors d'un coefficient de 1,05, compte tenu des excellentes, constantes et en progression régulière, appréciations portées par sa hiérarchie sur sa manière de servir ; une diminution du coefficient de modulation individuel ne saurait être légalement fondée en dehors d'une constatation d'une régression de la qualité de la manière de servir ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison d'une erreur de droit dans l'application des dispositions du décret du 25 août 2003 dès lors que l'administration a systématiquement appliqué un taux moyen de groupe non individualisé qu'elle a substitué à la modulation individuelle ;
- il sollicite l'indemnisation du préjudice financier résultant de l'absence d'application du coefficient de modulation individuel de 1,05, soit la somme de 1 114,65 euros arrêtée à la date du 30 juin 2017, somme à parfaire ;
- ses conclusions indemnitaires, en tant qu'elles intègrent le préjudice financier au titre de l'année 2016, sont recevables dès lors qu'elles se rattachent au même fait générateur et constituent une aggravation de son préjudice financier.
Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2017, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires présentées au titre de l'année 2016 ne sont pas recevables faute de réclamation indemnitaire préalable ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par courrier du 5 octobre 2018, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées au titre des années 2016 et suivantes en l'absence de réclamation préalable.
Des observations en réponse au moyen relevé d'office, enregistrées le 9 octobre 2018, ont été produites pour M. C....
Par un arrêt n° 17NT02197 du 30 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête formée par M. C... contre ce jugement.
Par deux mémoires, enregistrés les 21 décembre 2018 et 12 mars 2019 au greffe du Conseil d'Etat, M. C..., représenté par la SCP Jérôme Rousseau et Guillaume Tapie, conclut à l'annulation du jugement du 21 juin 2017.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'audience publique ;
- le tribunal administratif de Caen a entaché son jugement d'irrégularité et s'est mépris sur la portée des écritures en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la décision du 4 novembre 2015 était illégale en ce qu'elle était exclusivement motivée par des considérations budgétaires ;
-le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article 7 du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 en substituant à l'appréciation de sa manière de servir un dispositif modérateur dépourvu de base règlementaire, fondé sur des notes de gestion déterminant la moyenne applicable aux agents de corps de groupe 4 ;
- le tribunal administratif a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve en exigeant de lui qu'il établisse le bien-fondé d'une modulation individuelle au taux de 105% qui lui était attribué auparavant ; sa manière de servir ayant toujours été jugée remarquable et relevant une progression régulière de ses qualités professionnelles, ni les fonctions qu'il exerçait ni la qualité des services rendus n'ont été prises en considération pour diminuer le coefficient de modulation.
Par un mémoire, enregistré le 24 décembre 2019, le ministre de la culture conclut aux mêmes fins.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par une décision n° 425889 du 10 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a attribué l'affaire à la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n°2003-799 du 25 août 2003 ;
- l'arrêté du 25 août 2003 fixant les modalités d'application du décret n° 2003-799 du 25 août 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 4 novembre 2015, la ministre de la culture et de la communication a rejeté les demandes des 17 février, 20 juillet et 9 octobre 2015 de M. C..., technicien supérieur principal du développement durable en position normale d'activité affecté à la direction régionale des affaires culturelles de Normandie, tendant à la réparation du préjudice résultant, selon lui, des montants d'indemnité spécifique de service qui lui ont été versés au titre des années 2014 et 2015 et qu'il estime insuffisants. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. C... tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement d'une somme d'au moins 716,56 euros, à abonder d'une somme de 26,54 euros pour chaque mois écoulé depuis 1er janvier 2016. Par un arrêt du 30 novembre 2018, la cour a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le recours formé, devant elle, par M. C... contre ce jugement. Par une décision n° 425889 du 10 mars 2020, le Conseil d'Etat a attribué l'affaire à la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment que la ministre de la culture avait fait une interprétation erronée des textes en appliquant un taux moyen qui ne pouvait se substituer au taux de modulation individuelle prévu par l'ensemble des dispositions réglementaires applicables. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen relatif à l'erreur de droit, qui n'était pas inopérant. Par conséquent, son jugement est insuffisamment motivé.
3. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés au titre de la régularité du jugement, d'annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur les conclusions tendant au versement de compléments d'indemnité spécifique de service :
4. En vertu de l'article 1er du décret du 25 août 2003 relatif à l'indemnité spécifique de service allouée aux ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et aux fonctionnaires des corps techniques de l'équipement, les techniciens supérieurs du développement durable bénéficient d'une indemnité spécifique de service qui leur est versée l'année civile suivant celle correspondant au service rendu. Cette prime est déterminée par le produit du taux moyen annuel, prévu à l'article 2 de ce décret et déterminé par voie d'arrêté, d'un coefficient déterminé en fonction du grade et de l'emploi et d'un coefficient de modulation par service et son montant est susceptible, en vertu de l'article 7 de ce décret, de " faire l'objet de modulation pour tenir compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus dans des conditions fixées par arrêté. ". L'article 3 de l'arrêté du 25 août 2003 dans sa rédaction applicable au litige prévoit que les coefficients de modulation individuelle applicables aux techniciens supérieurs, techniciens supérieurs principaux et techniciens supérieurs en chef du développement durable varient entre 90% et 110%.
5. Les trois réclamations présentées par M. C... auprès des services du ministre de la culture, rappelées au point 1, portaient sur les indemnités spécifiques de service versées en 2014 et 2015. En l'absence de demande préalable présentée auprès de l'administration à compter de l'année 2016 alors que chaque indemnité est fixée en fonction du service rendu pour une année déterminée, ses conclusions ne sont recevables que pour les seules indemnités versées en 2014 et en 2015, correspondant aux services rendus en 2013 et en 2014.
6. M. C..., qui bénéficiait d'un coefficient de modulation individuelle de 105% depuis l'année 2010, a perçu, à compter de l'année 2014, une indemnité déterminée à partir d'un coefficient de modulation individuelle de 100%. Il ressort de la décision du 4 novembre 2015 que ce coefficient lui a été attribué dans un souci d'harmonisation des coefficients individuels appliqués à l'ensemble des agents du corps par application de la valeur moyenne préconisée pour le groupe 4 par la note de gestion du 4 décembre 2014. Il résulte des termes mêmes de cette décision que le ministre ne s'est pas fondé sur les motifs tenant compte des fonctions exercées et de la qualité des services rendus, prévus par l'article 7 du décret du 25 août 2013, mais sur un objectif d'harmonisation, dépourvu de base règlementaire. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que l'autorité administrative a fait une inexacte application des dispositions citées au point 4.
7. M. C..., qui ne peut se prévaloir du coefficient dont il bénéficiait les années précédentes compte tenu du caractère annuel de l'indemnité, met en exergue que les fonctions qu'il a exercées n'ont pas changé. Par ailleurs, la production, en appel, de ses comptes rendus d'évaluation professionnelle au titre de ces années met en évidence que la qualité du service qu'il rend ne s'est pas dégradée et qu'alors qu'il atteint les objectifs qui lui sont fixés et que ses compétences professionnelles sont qualifiées comme relevant de l'expertise, ses qualités professionnelles conduisent son supérieur hiérarchique à émettre un avis favorable à sa promotion au grade supérieur et à renouveler son " appréciation d'excellence générale ". Dans ces conditions, alors que le requérant revendique l'application d'un coefficient de 105% qui n'est pas sérieusement combattu au regard des fonctions exercées et de la qualité des services qu'il a rendus, l'intéressé pouvait prétendre, sur le fondement des dispositions citées au point 4 à une indemnité spécifique de service calculée sur la base de ce coefficient de modulation individuelle.
8. L'écart entre le montant de l'indemnité annuelle à laquelle M. C... pouvait prétendre par application d'un coefficient de modulation individuelle de 105% et celle qui lui a été servie est de 318,47 euros. Il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. C... la somme totale de 636,94 euros correspondant aux années 2014 et 2015.
Sur les intérêts :
9. M. C... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 318,47 euros correspondant à l'indemnité au titre de l'année 2014 à compter du 17 février 2015, date de réception de sa première réclamation préalable. S'il a formulé une réclamation au titre de l'année 2015 dès le 20 juillet 2015, à cette date rien n'établit que la décision fixant l'attribution au titre de cette année avait été prise. Il n'a donc droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 318,47 euros correspondant à l'indemnité au titre de l'année 2015 qu'à compter du 4 novembre 2015, date de rejet de ses réclamations préalables.
Sur la capitalisation des intérêts :
10. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. M. C... a sollicité la capitalisation des intérêts le 30 mars 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande, dans les conditions exposées au point 9, à compter du 17 février 2016 et 4 novembre 2016, dates auxquelles étaient respectivement dues, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C... une somme de 318,47 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de 17 février 2015, et une somme de 318,47 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2015. Les intérêts échus, respectivement à la date du 17 février 2016 et du 4 novembre 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise au disposition au greffe le 16 mars 2021.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00919 2
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