Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Lorient Football Développement Promotion (LFDP) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1703318 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai 2019 et 2 janvier 2020, la SAS LFDP, représentée par la SCP Ayachesalama, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion ;
- elle était fondée à déduire les charges afférentes aux frais de déplacement de son dirigeant, M. A... ; le fait que celui-ci soit domicilié à Londres ne fait pas obstacle à la déduction de ces frais ; ces charges comportent des contreparties au moins équivalentes pour la société ; les dépenses ont été réalisées dans l'intérêt de la société.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 4 décembre 2019 et 21 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société LFDP ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Lorient Football Développement Promotion (LFDP) exerce une activité de holding du football club de Lorient. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de l'année 2013 qui a porté sur les exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012. A l'issue du contrôle, le vérificateur a remis en cause la déduction de frais de déplacements du président de la société, M. A..., qui étaient liés au fait que la résidence principale de celui-ci était située à Londres. Ces dépenses, pour un montant de 432 096 euros au cours des trois exercices concernés, ont ainsi été réintégrées au résultat de la société. Après mise en recouvrement des impositions résultant de ce contrôle et rejet de la réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012, pour un montant de 157 481 euros. Par un jugement n° 1703318 du 27 mars 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société soutient que le tribunal administratif de Rennes a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion. A supposer que la société ait entendu, par ce moyen, invoquer l'irrégularité du jugement attaqué, une telle contestation relève, en tout état de cause, du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur la régularité de celui-ci.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
5. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
6. En l'espèce, au cours du contrôle, le vérificateur a constaté que la société avait comptabilisé dans les charges des trois exercices vérifiés les montants de factures correspondant à des dépenses de déplacement du président, M. A..., et des dépenses d'hôtellerie et de restauration. Le vérificateur a également constaté que ces charges avaient été principalement facturées par les sociétés LFT Sports Capital Developpment LLP et A2MF Capital, sociétés contrôlées par M. A.... Ces dépenses correspondent, pour l'essentiel, à des trajets en avion privé entre Londres et Lorient ou d'autres villes françaises. Ont également été portées en charge des dépenses d'hébergement, de restauration ou de location de voiture. Ces dépenses ont été engagées afin que le président puisse assister aux matchs du club, aux réunions administratives et financières ainsi qu'aux rencontres avec les partenaires du club.
7. Pour remettre en cause la déductibilité de ces charges, l'administration fait valoir que ces dépenses sont la conséquence directe du fait que M. A... a fixé sa résidence principale à Londres. L'administration soutient également que, compte tenu de l'éloignement anormal entre le domicile du président et le siège de la société, la prise en charge de tels frais ne saurait être regardée comme étant réalisée dans l'intérêt de la société. Si la société fait valoir qu'en l'absence de liaison commerciale entre Londres et Lorient, la location d'un avion privé était la plus adaptée, cette circonstance est toutefois sans influence sur le principe même de la déductibilité de frais de déplacement dans le cas d'un éloignement anormal entre le domicile du gérant et le siège de la société. La société fait valoir en outre que la présence de M. A... à Londres présentait un intérêt direct pour elle, cette présence ayant permis de faciliter le transfert de joueurs en provenance ou à destination de clubs anglais, d'importer des techniques de gestion de la billetterie, de mettre en place un partenariat avec un fonds d'investissement et de faire venir à Lorient des dirigeant d'entreprise ou des agents de joueur. Toutefois, si la présence de M. A... à Londres a pu avoir des répercussions positives sur le club, ces répercussions ne sauraient justifier de la nécessité d'une présence permanente de M. A... à Londres. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que la déduction de ces dépenses constitue un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a décidé de réintégrer ces sommes dans le résultat de la société.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. La SAS LFDP n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la réponse à M. C... publiée au Journal officiel de la République française du 7 mai 1969, laquelle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS LFDP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS LFDP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Lorient Football Développement Promotion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
J.-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT020392