Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'examiner, par voie d'exception d'illégalité, la légalité des arrêtés A2015-124, A2015-125, A2015-126, A2015-127 et A2015-128 du 27 novembre 2015 et l'arrêté A2016-34 du 18 mars 2016 et d'en prononcer l'annulation au besoin, en deuxième lieu, de reconnaitre que les modifications de circulation mises en oeuvre par ces arrêtés dans la commune de Veuzain-sur-Loire lui ont causé un préjudice anormal et spécial, et en dernier lieu, de condamner la commune de Veuzain-sur-Loire à lui verser la somme de 25 500 euros au titre des préjudices subis.
Par un jugement n° 1800227 du 27 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2020, Mme A... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800227 du tribunal administratif d'Orléans du 27 février 2020
2°) d'examiner par voie d'exception d'illégalité la légalité des arrêtés A 2015-125, A 2015-126, A 2015-128, A 2015-127, A 2015-124 en date du 27 novembre 2015 et de l'arrêté A 2016-34 du 18 mars 2016 et d'en prononcer l'annulation au besoin ;
3°) de condamner la commune de Veuzain-sur-Loire à lui verser la somme de 25 500 euros au titre des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Veuzain-sur-Loire la somme de deux mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête devant le tribunal administratif d'Orléans n'était pas irrecevable, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal :
o à supposer que les six arrêtés ne puissent plus être contestés à la suite de l'écoulement du délai de recours, ils demeurent contestables par la voie de l'exception d'illégalité puisque l'exception d'illégalité d'un acte réglementaire peut être exercée sans condition de délai ; l'illégalité n'aura d'effet que concernant sa situation ;
o les délais de recours contre les arrêtés n'ont pu être écoulés en raison du caractère limité dans le temps des mesures de réorganisation de la circulation dans les rues qui étaient présentées comme des mesures temporaires ; les arrêtés n'ont donc pu acquérir un caractère définitif ;
- les arrêtés du 27 novembre 2015 et du 18 mars 2016 sont illégaux :
o l'auteur des arrêtés n'était pas compétent :
* la Grande Rue et la rue Gustave Marc sont des routes départementales ce qui empêche la compétence du maire de la commune pour réglementer ces voies, en application de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales ;
* le conseil municipal ne peut pas délibérer, les pouvoirs de police étant de la compétence exclusive du maire ; en l'espèce, le maire s'est borné à reprendre le contenu du texte adopté par le conseil municipal dans sa délibération du 16 juillet 2015 ;
o la mesure de police ainsi adoptée par les arrêtés contestés n'est pas nécessaire, proportionnée et utile ; la nécessité d'intervenir au titre de la circulation en centre-ville n'est pas établie, notamment pour la rue du Parc ; la mesure présente un caractère général pour répondre à deux problèmes spécifiques et limités, la difficulté du stationnement rue Gustave Marc et la sécurité des enfants près des écoles et est donc disproportionnée ; la mesure est inutile puisque les problèmes n'ont pas été résolus ;
- la responsabilité de la commune est engagée du fait de l'illégalité des arrêtés des 27 novembre 2015 et 18 mars 2016 ;
- la responsabilité de la commune est engagée même en l'absence d'illégalité des arrêtés des 27 novembre 2015 et 18 mars 2016 ; les nuisances résultant de la modification de la circulation rue du Parc ont présenté un caractère anormal ; le changement de situation présente un caractère insupportable pour les riverains de la rue du Parc en raison du nombre de véhicules circulant sur la voie, et de leur vitesse excessive ; le changement a eu des conséquences importantes sur sa santé et sur ses conditions d'existence ;
- en ce qui concerne les préjudices :
o sa propriété a subi une perte de valeur vénale estimée à 10 000 euros ;
o elle a subi un préjudice de jouissance et une détérioration de ses conditions de vie estimé à 9 000 euros ;
o elle a subi un préjudice moral estimé à 4 000 euros ;
o elle a subi un préjudice matériel, en raison des correspondances et démarches nécessaires et de son déménagement, préjudice estimé à 2 500 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, la commune de Veuzain-sur-Loire, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions dirigées contre les arrêtés sont irrecevables :
o l'exception d'illégalité constitue un moyen et ne permet pas d'entrainer l'annulation de l'acte contesté ;
o les conclusions sont tardives, les arrêtés ayant été publiés pendant une période de trois mois à compter de leur signature ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en raison de leur tardiveté, en application des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative :
o la demande de Mme D... fondée sur l'illégalité fautive des arrêtés portant changement du sens de circulation des voies a été expressément rejetée par une décision du 10 mai 2017 notifiée le 12 mai suivant ; le délai de recours contre cette décision a expiré le 13 juillet 2017 ; la circonstance, à la supposer établie, que les arrêtés aient eu un caractère provisoire est sans incidence sur la tardiveté du recours indemnitaire ;
o la demande de Mme D... fondée sur la responsabilité sans faute a été rejetée par une décision du 13 novembre 2017, notifié le 15 novembre suivant ; le délai de recours contre cette décision a expiré le 16 janvier 2018 ;
- à titre subsidiaire, au fond, les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par plusieurs arrêtés du 27 novembre 2015 et du 18 mars 2016, le maire de la commune d'Onzain (Loir-et-Cher) a modifié le sens de circulation de plusieurs rues de la commune et a notamment, par l'arrêté n° A2015-128, fixé un sens de circulation unique sur la rue du Parc dans laquelle habitait Mme D.... Par un courrier du 9 mars 2017, le conseil de Mme D... a demandé au maire de la commune nouvelle de Veuzain-sur-Loire, qui inclut le territoire de l'ancienne commune d'Onzain, d'abroger les six arrêtés municipaux des 27 novembre 2015 et 18 mars 2016 et d'indemniser les préjudices de Mme D... en raison de leur illégalité fautive. Ces demandes ont été rejetées par une décision du maire de la commune de Veuzain-sur-Loire le 10 mai 2017. Par un courrier du 5 octobre 2017, le conseil de Mme D... a de nouveau demandé l'indemnisation des préjudices résultant du changement du sens de circulation rue du Parc sur le fondement d'une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Cette nouvelle demande a été rejetée par une décision du maire de la commune de Veuzain-sur-Loire du 13 novembre 2017. Mme D... relève appel du jugement n° 1800227 du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'examen " par voie d'exception d'illégalité " des arrêtés des 27 novembre 2015 et 18 mars 2016 et à la condamnation de la commune de Veuzain-sur-Loire à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la modification des conditions de circulation sur la rue du Parc.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les arrêtés du 27 novembre 2015 et du 18 mars 2016 :
2. L'article R. 421-1 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".
3. A supposer que Mme D..., qui demande à la juridiction de " prononcer l'annulation au besoin " des arrêtés A 2015-125, A 2015-126, A 215-128, A 2015-127 et A 2015-124 du 27 novembre 2015 et de l'arrêté A 2016-34 du 18 mars 2016, ait entendu présenter des conclusions tendant à l'annulation de ceux-ci, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du maire de la commune de Veuzain-sur-Loire, que les cinq arrêtés du 27 novembre 2015, dont l'arrêté concernant la rue du Parc au droit de laquelle résidait Mme D..., ont été affichés en mairie le jour même de leur signature et pendant une période de trois mois. L'appelante ne conteste en outre pas l'affichage de l'arrêté du 18 mars 2016 concernant la rue du Château. Il ressort en outre des pièces du dossier que la requête de Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans a été enregistrée le 17 janvier 2018. La circonstance, au demeurant non établie, que ces arrêtés auraient eu un caractère provisoire est sans incidence sur la durée du délai de recours ouvert à leur encontre. Dans ces conditions, la commune intimée est fondée à soutenir que les conclusions de Mme D... dirigées contre les arrêtés portant modification des règles de circulation rue de l'Ecrevissière, Grande Rue, rue Gustave Marc, rue de la Justice, rue du Parc et rue du Château, sont tardives et doivent, pour ce motif, être rejetées. Enfin la circonstance que l'illégalité de ces arrêtés soit invocable sans condition de délai par la voie de l'exception n'a pas pour effet de rendre recevables des conclusions tardives tendant à leur annulation.
En ce qui concerne les conclusions à fin de condamnation de la commune de Veuzain-sur-Loire :
S'agissant de la responsabilité pour faute :
4. Il résulte de l'instruction que Mme D... a saisi la commune, par courrier du 9 mars 2017, d'une demande indemnitaire fondée sur la responsabilité pour faute de la collectivité territoriale en raison de l'illégalité des arrêtés portant règlement de la circulation des 27 novembre 2015 et 18 mars 2016. Cette demande a été explicitement rejetée par une décision du maire de la commune de Veuzain-sur-Loire du 10 mai 2017 portant indication des voies et délais de recours. Il résulte également de l'instruction, en particulier de l'accusé de réception produit, que cette décision a été notifiée au conseil de l'intéressée le 12 mai 2017. Dans ces conditions, le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative était écoulé lorsque Mme D... a saisi, le 17 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Veuzain-sur-Loire.
S'agissant de la responsabilité sans faute :
5. Il résulte de l'instruction que Mme D... a saisi la commune par courrier du 5 octobre 2017 d'une demande indemnitaire fondée sur la responsabilité sans faute de la collectivité en raison de la rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Cette demande fondée sur une cause juridique distincte a été explicitement rejetée par une décision du maire de la commune de Veuzain-sur-Loire du 13 novembre 2017, portant indication des voies et délais de recours. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en particulier de l'accusé de réception produit, que cette décision a été notifiée au conseil de l'intéressée le 15 novembre 2017. Le délai de recours prévu par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative prenait ainsi fin le 16 janvier 2018. Dans ces conditions, le délai était expiré lorsque Mme D... a saisi le tribunal administratif d'Orléans, le 17 janvier 2018, d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Veuzain-sur-Loire.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Veuzain-sur-Loire.
Sur les frais du litige :
7. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Veuzain-sur-Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 000 euros que la commune de Veuzain-sur-Loire demande en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Veuzain-sur-Loire en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à la commune de Veuzain-sur-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2021.
La rapporteure,
M. E...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet du Loir-et-Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01411