La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2021 | FRANCE | N°19NT02197

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 avril 2021, 19NT02197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Recam Sonofadex a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer le rétablissement de la somme de 764 970 euros dans le déficit reportable qu'elle a déclaré pour l'exercice clos en 2012.

Par un jugement n° 1702748 du 10 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin 2019 et 13 octobre 2020, la SAS Recam Sonofadex, représentée

par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le rétablissement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Recam Sonofadex a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer le rétablissement de la somme de 764 970 euros dans le déficit reportable qu'elle a déclaré pour l'exercice clos en 2012.

Par un jugement n° 1702748 du 10 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin 2019 et 13 octobre 2020, la SAS Recam Sonofadex, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le rétablissement de la somme de 764 970 euros dans le déficit reportable qu'elle a déclaré pour l'exercice clos en 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service reconnaît implicitement que la cession de l'usufruit des immeubles détenus par M. C... n'est plus contestée et que les charges relatives à cette cession sont bien déductibles ; les rectifications doivent donc être diminuées du montant de ces charges ;

- le non-respect des dispositions de l'article 1690 du code civil ne permet pas de caractériser un abandon de créance de la part de la société civile immobilière (SCI) du Berry et de la SCI Languedoc Roussillon ; ces dispositions sont seulement destinées à protéger le débiteur, à savoir la société Recam Sonofadex ; la réalité du transfert de créance peut être prouvé par tout moyen ; l'inscription au crédit du compte courant de M. C... constitue la preuve de ce que le débiteur a bien été informé de la cession de créance et l'a acceptée ;

- la dette de la société relative à l'acquisition des usufruits temporaires a, dès l'origine, été inscrite au crédit du compte courant d'associé de M. C... pour son montant global ; la société n'a donc connu aucune variation de son actif net, puisque la dette n'a cessé de figurer au compte courant de M. C... depuis l'origine ; aucun profit au sens de l'article 38 du code général des impôts n'a donc pu être constaté ; l'élément matériel n'est ainsi pas caractérisé ; l'élément intentionnel n'est pas davantage caractérisé, les SCI n'ayant pas eu la volonté de libérer la société des dettes contractées envers elles.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 7 juillet 2020 et 20 octobre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Recam Sonofadex ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Recam Sonofadex, dont M. D... C... détient 99 % du capital social, exerce une activité de commerce de détail d'équipements automobile. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 en matière d'impôt sur les sociétés, étendue au 31 octobre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue du contrôle, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité des charges relatives aux frais d'acquisition de droits d'usufruit temporaire (droits d'enregistrement pour 414 918 euros et frais de notaire pour 62 378 euros) ainsi que l'annuité d'amortissement sur vingt-cinq ans de ces droits d'usufruit temporaire de l'année 2012 (287 674 euros), soit un montant total de 764 970 euros. Le service a en conséquence rectifié le déficit reportable déclaré au titre de l'exercice clos en 2012. La SAS Recam Sonofadex, dont la réclamation préalable a été rejetée par décision du 14 juin 2017, a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer le rétablissement de la somme de 764 970 euros au titre du déficit reportable de l'exercice clos en 2012. Par un jugement n° 1702748 du 10 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En se bornant à constater que le seul fait d'inscrire la créance en compte courant ne suffisait pas à prouver la cession de créance, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé son jugement. Ainsi, à supposer que la société ait entendu soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en raison d'un défaut de motivation, ce moyen doit en tout état de cause être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. La société Recam Sonofadex a acquis, par actes notariés du 30 janvier 2012 avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, l'usufruit temporaire, pour une durée de vingt-cinq ans, de plusieurs biens immobiliers à usage commercial appartenant à M. D... C..., à la société civile immobilière (SCI) du Berry et à la SCI Languedoc Roussillon. M. C... était gérant et associé à hauteur de près de 99 % du capital social de ces deux sociétés civiles immobilières, son fils détenant le surplus. Le prix de cession des usufruits temporaires immobiliers a été fixé à 7 316 000 euros Ce prix devait être acquitté au plus tard le 31 décembre 2014, un taux d'intérêt de 3% étant payable annuellement à compter du 1er janvier 2012. La société a inscrit, au 1er janvier 2012, l'usufruit à l'actif de son bilan, en tant qu'immobilisation incorporelle, pour 7 316 000 euros. En contrepartie, le compte-courant de M. C... a été crédité du même montant. La société a par ailleurs comptabilisé en charges déductibles de son résultat commercial de l'année 2012 les frais d'acquisition des droits d'usufruit temporaire (droits d'enregistrement pour 414 918 euros et frais de notaire pour 62 378 euros), ainsi que l'annuité d'amortissement sur vingt-cinq ans des droits d'usufruit temporaire (amortissement 2012 pour 287 674 euros). Dans la proposition de rectification du 24 juin 2014, le vérificateur a estimé que la société était en difficulté financière, et que cette opération avait permis à M. C... de récupérer par la suite, via des retraits en compte courant, une partie de la somme de 7 316 000 euros. Il en a déduit qu'une telle acquisition relevait d'un acte anormal de gestion au regard des dispositions des articles 38 et 39 du code général des impôts. Toutefois, et ainsi que la société l'a fait valoir devant le tribunal administratif, cette acquisition présentait pour elle une contrepartie importante. Il n'est en effet pas contesté par le ministre que l'achat de cet usufruit lui a permis d'économiser des loyers et d'en percevoir, et ainsi de réaliser une économie de 2 366 895 euros pour les années 2012 à 2014. Dès lors, c'est à tort que le vérificateur a qualifié cette opération d'acte anormal de gestion.

4. Devant le tribunal administratif ainsi qu'en appel, l'administration invoque désormais, comme nouveau motif de droit de nature à justifier la réduction de la somme de 764 970 euros du déficit reportable au titre de l'exercice clos en 2012 de la SAS Recam Sonofadex, l'existence d'un abandon de créance d'un montant de 6 072 000 euros de la part de la SCI du Berry et de la SCI Languedoc Roussillon au profit de la SAS Recam Sonofadex.

5. Si l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure qui lui sont données par la loi et notamment de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que l'existence d'un abandon de créance de la part de la SCI du Berry et de la SCI Languedoc Roussillon au profit de la SAS Recam Sonofadex n'a jamais été abordée par la commission. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de motifs, une telle demande ayant pour effet de priver la SAS Recam Sonofadex de la faculté de saisir cette commission, qui était bien compétente en application de l'article L. 59 A du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Recam Sonofadex est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Recam Sonofadex sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702748 du 10 avril 2019 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Les charges comptabilisées par la SAS Recam Sonofadex sont déduites de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de 764 970 euros.

Article 3 : Le déficit fiscal reportable de la SAS Recam Sonofadex est rehaussé de la somme de 764 970 euros au titre de l'exercice 2012.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS Recam Sonofadex une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Recam Sonofadex et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

Le rapporteur,

H. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT021972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02197
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-15;19nt02197 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award