La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2021 | FRANCE | N°20NT02643

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 18 juin 2021, 20NT02643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser les sommes, à parfaire, de 84 928, 57 euros au titre de prestations servies à M. A... et de 75 767, 59 euros au titre de prestations servies à Mme C..., assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016 et, d'autre part, de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser une somme de 1

0 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non versement de ces so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser les sommes, à parfaire, de 84 928, 57 euros au titre de prestations servies à M. A... et de 75 767, 59 euros au titre de prestations servies à Mme C..., assorties des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016 et, d'autre part, de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non versement de ces sommes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016.

Par un jugement n° 1800959 du 30 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, le service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor, représenté par Me Sibillotte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser les sommes, sauf à parfaire, de 84 928,57 euros au titre des prestations servies à M. A... et 75 767,59 euros au titre de celles servies à Mme C..., avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016 ;

3°) de condamner la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du non versement de ces sommes, à titre de dommages et intérêts et pour résistance abusive et injustifiée, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016 ;

4°) subsidiairement, d'ordonner des expertises médicales de M. A... et de Mme C... sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

5°) plus subsidiairement, de prescrire des enquêtes sur le fondement des articles R. 623-1 et suivants du code de justice administrative s'agissant des reprises effectives d'activité de M. A... et de Mme C... et de leurs situations médicales respectives ;

6 °) de mettre à la charge de la société Monceau Retraite et Epargne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait faire application des conditions générales de vente qui n'ont pas été acceptées et n'ont été portées à sa connaissance qu'en cours d'instance ; il sera indemnisé au regard de l'article 1134 du code civil et de la situation de ses deux agents ;

- sur la situation de Mme C... : le SDIS établit que celle-ci a repris son travail à compter du 21 juillet 2014, avant un nouveau placement en congé de longue maladie à compter du 21 août suivant ; l'accident imputable au service dont elle a été victime le 29 juin 2012 n'est pas à l'origine de son placement en longue maladie à compter du 21 août 2014 ainsi qu'il résulte de l'avis de la commission de réforme du 11 décembre 2014, laquelle est tenue par le secret médical ; le cabinet Frand et associés a refusé l'expertise médicale de Mme C... en décembre 2015 ; en tant que de besoin, et eu égard au secret médical, la juridiction diligentera une expertise et, à défaut, une enquête sur la reprise effective d'une activité par Mme C... à compter du 21 juillet 2014 et l'absence de lien entre l'accident de 2012 et le congé de longue maladie à compter d'août 2014 ;

- sur la situation de M. A... : la société Monceau Retraite et Epargne ne peut se prévaloir des conditions générales de vente ; le SDIS établit qu'il a bien repris son travail du 18 juin au 3 novembre 2014 ; les règles de déontologie médicale interdisent au SDIS de disposer de certains documents ; il appartenait à l'assureur de diligenter l'expertise médicale requise ; en tant que de besoin, et eu égard au secret médical, la juridiction diligentera une expertise et, à défaut, une enquête sur la reprise effective d'une activité par M. A... du 18 juin au 3 novembre 2014 et la nature de la pathologie qui a justifié son placement en congé de longue maladie à compter du 4 novembre 2014 ;

- les refus de prise en charge par l'assureur sont abusifs et injustifiés ; le SDIS sera indemnisé sur le fondement de l'article 1147 du code civil pour un montant de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2020, la société Monceau Retraite et Epargne, représentée par Me Sieklucki, conclut au rejet de la requête, s'en remet subsidiairement à la décision de la cour sur la mesure d'expertise sollicitée, et demande de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Côtes-d'Armor a conclu, par la voie de l'appel d'offres, un marché public d'assurance, dont le lot n° 4, destiné à garantir les risques statutaires du personnel administratif, technique et spécialisé (PATS) et sapeurs-pompiers professionnels (SPP), a été attribué au cabinet de courtage Frand et associés, intermédiaire gestionnaire et mandataire du groupement associant la société Monceau Retraite et Epargne, société d'assurance porteuse du risque, par acte d'engagement signé le 3 octobre 2013. Ce contrat, conclu pour une durée de cinq ans, a été résilié le 27 juin 2016 par le prestataire. Le cabinet Frand et Associés ayant refusé la prise en charge de l'indemnisation des congés de maladie de deux agents du SDIS, Mme C... et M. A..., l'établissement a demandé au tribunal administratif de Rennes de mettre à la charge de la société Monceau Retraite et Epargne les prestations qu'il a versées au titre des arrêts de travail de ces deux agents et qu'il estime couvertes par la garantie assurantielle, ainsi que l'indemnisation de son préjudice résultant de la résistance abusive de l'assureur. Par un jugement du 30 juin 2020, dont le SDIS des Côtes d'Armor relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la situation de Mme C... :

2. Après avoir été placée en congé de maladie ordinaire, Mme C..., adjointe administrative dans les services du SDIS des Côtes d'Armor, a été placée par un arrêté du 27 mars 2015 du président du conseil d'administration de cet établissement en congé de longue maladie à compter du 21 août 2014 pour une durée de 18 mois, dont 12 mois à plein traitement et six mois à demi-traitement. La société Monceau Retraite et Epargne a refusé de prendre en charge les frais ainsi liés à ce congé de maladie débutant le 21 août 2014 pour des motifs que la société Frand et associés a exposés dans un courrier du 15 juin 2016 tenant à ce qu'il n'est pas établi, d'une part, que Mme C... faisait partie de " l'effectif assurable ", dès lors qu'elle était en congé de maladie ordinaire du 12 août 2013 au 25 juillet 2014, soit avant la date d'effet au 1er janvier 2014 de la souscription du contrat d'assurance par le SDIS, d'autre part, qu'elle aurait exercé effectivement une activité à compter du 25 juillet 2014, avant d'être placée à nouveau en congé de maladie à compter du 21 août 2014, enfin que son placement en congé de longue maladie à compter du 21 août 2014 serait dénué de rapport avec son accident imputable au service survenu le 29 juin 2012.

3. En premier lieu, aux termes de l'acte d'engagement notifié par un courrier du 3 octobre 2013 du président du conseil d'administration du SDIS des Côtes d'Armor à la société Frand et associés, les pièces contractuelles du marché d' " assurance des risques statutaires du personnel PATS et SPP " conclu sont constituées uniquement par l'acte d'engagement, complété par son annexe " convention de gestion ", et le " cahier des clauses particulières ". Les parties ont ensuite également conclu le 24 janvier 2014, un document intitulé " conditions particulières au contrat prévoyance collective des personnels des collectivités territoriales " destiné à compléter les pièces contractuelles précitées et présenté comme prévalant sur les conditions générales annoncées comme jointes en annexe.

4. Il résulte de ce qui précède d'une part qu'aucun document contractuel signé des deux parties ne constitue des " conditions générales d'assurance " auxquelles celles-ci auraient entendu se référer. D'autre part, si certains des documents du marché renvoient à des conditions générales qui y auraient été annexées, selon un modèle non précisé, une telle situation n'est pas établie par l'instruction. Aussi la société Monceau Retraite et Epargne ne peut utilement se référer à un document, barré de la mention spécimen, non signé, qu'elle présente comme les conditions générales du contrat qu'elle a signé avec le SDIS des Côtes d'Armor, et notamment aux stipulations de l'article 4 " conditions d'admission " du chapitre " caractéristiques du contrat " de ce document qui indique que " le personnel absent pour raison de santé (...), à la date d'effet du contrat, n'est couvert qu'à la date d'effet de reprise de travail ". En tout état de cause, et donc y compris au regard de ces stipulations, il résulte de l'instruction, au vu des relevés de badges de Mme C... et de divers documents attestant de sa présence sur le site notamment début août 2014, que celle-ci a repris une activité au sein du SDIS à compter du 9 juillet 2014, soit après le 1er janvier 2014, date de prise d'effet du contrat conclu entre l'établissement et la société Monceau Retraite et Epargne.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'article 1.2 " Objet de l'assurance " du cahier des clauses particulières régissant le marché conclu entre le SDIS des Côtes d'Armor et les sociétés Frand et associés et Monceau Retraite Epargne que " (...) l'assureur garantit à l'établissement le remboursement des prestations ci-après définies qui lui incombent en application des textes législatifs ou réglementaires vis-à-vis des agents, en cas de décès, d'accident du travail, de maladies professionnelles, d'incapacité temporaire de travail. ". Aux termes de l'article 3.3.1 " Objet de la garantie " du même cahier : " La garantie a pour objet le remboursement à l'établissement, des rémunérations dues aux agents pendant les périodes de congé d'origine non professionnelle correspondant aux risques énoncés ci-après / (...) congé de longue maladie (...) ". L'article 3.3.3 " Modalités de règlement des sinistres " de ce cahier stipule que : " l'établissement doit remettre toutes pièces justificatives comprenant notamment : déclaration d'arrêt de travail / certificat du médecin traitant / décompte de traitement pour la période concernée / le cas échant, un duplicata de la décision du comité médical portant attribution des congés de longue maladie (...) ". Enfin aux termes de l'article 8.1 " Constatation du sinistre - organismes de contrôle " : " Les assureurs s'engagent à respecter les décisions des autorités administratives reconnues par les textes législatifs et réglementaires, et plus particulièrement, la décision de l'établissement assuré. / Conformément aux dispositions réglementaires, l'assureur ne pourra procéder à un contrôle médical qu'à la demande formelle de l'assuré. Ce contrôle sera assuré par un médecin agréé. / En cas de contradiction entre l'avis du médecin agréé et celui émis par la commission de réforme ou le comité médical, les deux parties pourront solliciter une tierce expertise (expert agréé) qui statuera. / Les conclusions de cette tierce expertise détermineront la prise en charge ou non des prestations pour la période d'arrêt soumise à ce contrôle, nonobstant tout autre avis émanant de la commission départementale de réforme, du comité médical ou de la collectivité contractante. ".

6. D'une part, il ressort d'un avis du 11 décembre 2014 de la commission départementale de réforme, comprenant deux médecins, rendu au vu d'une expertise médicale du 2 octobre 2014 et d'un rapport médical du 3 novembre 2014 d'un médecin de prévention, que les congés de maladie de Mme C... depuis le 23 octobre 2013 n'étaient pas imputables à l'accident de service dont elle avait été victime le 29 juin 2012. La commission précisant que l'intéressée présente une autre pathologie. Par ailleurs, il résulte en dernier lieu de l'arrêté du 27 mars 2015 du président du conseil du conseil d'administration du SDIS des Côtes d'Armor que Mme C... a été placée, après avis favorable du comité médical départemental du 4 mars 2015, en congé de longue maladie à compter du 21 août 2014 avec maintien d'un plein traitement pendant un an et demi-traitement pendant les six mois suivants. Or si ces arrêts de travail avaient été en lien avec l'accident de service de 2012 l'intéressée aurait bénéficié du maintien de son traitement jusqu'à ce qu'elle puisse reprendre son activité, ou qu'elle parte en retraite, en application de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

7. D'autre part, la société Monceau Retraite et Epargne soutient que la ou les pathologies à l'origine du congé de longue maladie de Mme C... débutant le 21 août 2014 pourraient également être celles qui ont été à l'origine de son congé de maladie courant du 24 octobre 2013 au 8 juillet 2014, puis du 10 juillet au 25 juillet 2014. Cependant, une telle assertion ne résulte pas de l'instruction dès lors que l'avis de la commission de réforme du 11 décembre 2014 se borne à évoquer des circonstances de fait très diverses puisqu'il mentionne tant une possible exposition de Mme C... à des solvants que son hypersensibilité ou sa souffrance au travail, sans identification d'une pathologie plus précise. Eu égard aux règles régissant le secret médical, le SDIS ne peut fournir d'autres éléments propres à établir le lien allégué par la société assureur sachant qu'il n'est pas contesté que ce service a fourni à son assureur, dans le respect de l'article 3.3.3 " modalités de règlement des sinistres " du cahier des clauses particulières du contrat, les documents requis. En revanche, le même document contractuel prévoyait en son article 8.1 cité précédemment la possibilité, à la demande du SDIS, de procéder à un contrôle médical, par un médecin agréé, avec recours à un nouvel expert en cas de contradiction entre le premier médecin sollicité et l'avis de la commission de réforme ou du comité médical. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que si dans un premier temps, à la demande du SDIS, la société Frand et associés a bien envisagé d'effectuer une expertise médicale de Mme C..., ainsi qu'il résulte d'un courriel du 26 juin 2015, elle y a renoncé de son propre chef par courriel du 23 décembre 2015 au motif, exposé dans un courrier du 18 septembre précédent auquel il est renvoyé, que l'intéressée était en congé de maladie ordinaire du 8 octobre 2013 au 8 juillet 2014 et n'était pas comprise dans les " effectifs assurables à la date de souscription du contrat ". Or, une telle expertise aurait permis à la société d'assurance, si elle avait un doute sur l'origine de la pathologie à l'origine du congé de longue maladie courant à compter du 21 août 2014, de le lever dans le respect des règles régissant le secret médical. Faute d'avoir procédé de la sorte, elle ne pouvait ensuite, sans méconnaitre ses obligations contractuelles, refuser la prise en charge financière sollicitée par le SDIS des Côtes d'Armor.

8. Il résulte des deux points précédents que les refus opposés par la société Frand et associés et la société Monceau Retraite et Epargne à la demande de prise en charge des congés de maladie de Mme C... à compter du 21 août 2014 sont intervenus en méconnaissance des stipulations du contrat d'assurance les liant au SDIS des Côtes d'Armor.

9. Le SDIS des Côtes d'Armor sollicite en conséquence le versement par la société Monceau Retraite et Epargne d'une somme de 75 767,59 euros au titre des frais nés des arrêts de maladie de Mme C... entre le 21 août 2014 et le 20 août 2019. Ce montant, justifié par la production de divers bulletins de paie de l'intéressée, n'est pas discuté par la société Monceau Retraite et Epargne. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la société Monceau Retraite et Epargne la somme de 75 767,59 euros au titre de l'indemnisation du SDIS des Côtes d'Armor pour les prestations résultant des arrêts de travail de Mme C... à compter du 21 août 2014.

En ce qui concerne la situation de M. A... :

10. Placé en congé de maladie le 5 mars 2013, M. A..., attaché principal affecté au SDIS des Côtes d'Armor, a été placé en disponibilité d'office à l'épuisement de ses droits à congé de maladie ordinaire, soit à compter du 5 mars 2014. Il a ensuite repris une activité au sein de l'établissement à compter 18 juin 2014. Puis à compter du 4 novembre 2014 il a été placé en congé de longue maladie. Placé ensuite en disponibilité pour raison de santé à compter du 4 novembre 2017, il a été admis à la retraite pour invalidité à compter du 15 décembre 2017. La société Monceau Retraite et Epargne a refusé de prendre en charge les frais liés au congé de longue maladie débutant le 4 novembre 2014 pour des motifs que la société Frand et associés a exposés dans un courrier du 15 juin 2016 tenant au fait qu'il n'est pas établi que M. A... aurait repris son activité professionnelle du 18 juin au 3 novembre 2014, faute d'élément probant en ce sens et alors que son bulletin de salaire de novembre 2014 comporte une retenue pour demi-traitement.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, au vu des différents documents présentés, déjà communiqués à la société Frand et associés par un courrier du 15 juin 2017 signé du président du conseil d'administration du SDIS des Côtes d'Armor, comprenant des preuves de son activité et ses bulletins de salaire, que M. A... a bien repris son activité professionnelle au sein du SDIS entre juin et octobre 2014, et donc postérieurement à l'entrée en vigueur du contrat d'assurance liant l'établissement aux sociétés Frand et associés et Monceau Retraite et Epargne. La circonstance que l'intéressé a connu une retenue d'un demi-traitement en novembre 2014 n'est pas de nature à établir l'absence de toute reprise d'activité de l'intéressé les mois précédents, alors surtout que cette retenue apparaît simplement imputable à la régularisation d'un trop perçu antérieur.

12. En deuxième lieu, la société Monceau Retraite et Epargne soutient également en défense qu'elle n'a pas disposé d'éléments permettant d'expliquer les raisons pour lesquelles M. A... n'a pas bénéficié d'un congé de longue maladie à l'issue de son congé de maladie ordinaire qui s'est alors prolongé par un congé sans solde. Une telle argumentation est cependant sans incidence sur le présent litige dès lors qu'il est établi, ainsi qu'il résulte de ce qui a été exposé au point précédent, que M. A... a repris une activité professionnelle à compter du 18 juin 2014, circonstance de nature à ouvrir le droit contractuel à la prise en charge de ses congés de maladie ultérieurs par l'assureur du SDIS, sous réserve des conditions liées à l'exclusion de la garantie du " passé connu " au sens de l'article 7.1.1 du cahier des clauses particulières.

13. En troisième lieu, la société Monceau Retraite et Epargne soutient également que le congé de maladie de M. A... débutant le 4 novembre 2014 n'entrait pas dans les hypothèses où le SDIS pouvait bénéficier contractuellement d'une prise en charge financière dès lors qu'il ne peut être exclu que ce congé de longue maladie trouve son origine dans diverses pathologies dont M. A... souffrait alors depuis plusieurs années. Cependant, d'une part, pour les motifs exposés au point 7 il appartenait alors à l'assureur, afin de lever tout doute sur ce lien, non de refuser de s'acquitter de la garantie contractuelle accordée mais de diligenter une expertise ainsi qu'il est prévu à l'article 8.1 " constatation du sinistre - Organismes de contrôle " du cahier des clauses particulières le liant à son assuré. Faute d'avoir procédé de la sorte, alors que le SDIS avait donné son accord à une telle expertise, la société Monceau Retraite et Epargne ne pouvait ensuite, sauf à méconnaitre ses obligations contractuelles, refuser la prise en charge financière sollicitée par son assuré. D'autre part, les prestations qui lui ont été versées à partir du 4 novembre 2014 ne peuvent être regardées comme déjà " en cours au moment de l'adhésion de l'établissement " au contrat, au sens de l'article 7.1.1 précité, puisque l'intéressé a repris son travail entre le 18 juin et le 3 novembre 2014, et ne relèvent dès lors pas du " passé connu " dont l'article 7 du cahier des clauses particulières exclut la garantie. En tout état de cause, l'instruction n'établit pas que le congé de longue maladie en litige trouverait son origine dans des pathologies contractées par M. A... plusieurs années auparavant.

14. Il résulte des trois points précédents que les motifs de refus opposés par la société Frand et associés et la société Monceau Retraite et Epargne à la demande de prise en charge des prestations versées au titre des congés de maladie de M. A... à compter du 4 novembre 2014 ont été opposés en méconnaissance des stipulations du contrat d'assurance liant ces sociétés au SDIS des Côtes d'Armor.

15. Le SDIS des Côtes d'Armor sollicite en conséquence le versement par la société Monceau Retraite et Epargne d'une somme de 84 928,57 euros au titre des arrêts de maladie de M. A... entre le 4 novembre 2014 et le 3 novembre 2017. Ce montant, justifié par la production de divers bulletins de paie de l'intéressé et des arrêtés retraçant ses positions administratives depuis 2014, n'est pas discuté par la société Monceau Retraite et Epargne. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme de 84 928,57 euros au titre de l'indemnisation du SDIS des Côtes d'Armor pour les prestations résultant des arrêts de travail de M. A... entre le 4 novembre 2014 et le 3 novembre 2017.

En ce qui concerne les intérêts :

16. Le SDIS des Côtes d'Armor a droit, ainsi qu'il le demande, à ce que les sommes mentionnées aux points 9 et 15 du présent arrêt portent intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2016, date de la réception par la société Frand et associés de la mise en demeure adressée par l'établissement à cette société de lui verser les sommes dues au titre des congés de maladies mentionnés ci-dessus de Mme C... et de M. A..., en ce qui concerne les prestations déjà servies à ses agents à cette date, et à compter de la date du versement des sommes ultérieurement dues jusqu'au 20 août 2019 pour Mme C... et jusqu'au 3 novembre 2017 pour M. A....

En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts compensatoires :

17. Aux termes de l'article 1231-1 du code civil : " Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. " et aux termes de l'article 1231-6 du même code : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. (...) Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. ".

18. A supposer que les refus opposés par la société Monceau Retraite et Epargne à l'exécution du contrat qui la liait au SDIS des Côtes d'Armor, pour les motifs alors invoqués, soient regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme résultant du mauvais vouloir de cette société en l'absence de force majeure, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que ces refus ont causé au SDIS des Côtes d'Armor un préjudice distinct du retard mis par l'assureur à payer le principal, lequel est déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires. Par suite, les conclusions du SDIS des Côtes d'Armor tendant à la condamnation de la société Monceau Retraite et Epargne à lui verser 10 000 euros sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de procéder aux mesures d'instruction sollicitées par le SDIS des Côtes d'Armor, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que la société Monceau Retraite et Epargne soit condamnée à lui verser les sommes de 75 767,59 euros et 84 928,57 euros, soit au total un montant de 160 696,16 euros, avec intérêts au taux légal.

Sur les frais d'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Monceau Retraite et Epargne. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDIS des Côtes d'Armor.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 18000959 du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La société Monceau Retraite et Epargne est condamnée à verser au SDIS des Côtes d'Armor la somme de 160 696,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2016 en ce qui concerne les prestations déjà servies par le SDIS à Mme C... et à M. A... à cette date, et à compter de la date du versement des sommes ultérieurement dues jusqu'au 20 août 2019 pour Mme C... et jusqu'au 3 novembre 2017 pour M. A....

Article 3 : La société Monceau Retraite et Epargne versera au SDIS des Côtes d'Armor la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours des Côtes d'Armor et à la société Monceau Retraite et Epargne.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02643
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP ARCOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt02643 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award