Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du consul général de France à Oran (Algérie) du 31 janvier 2019 rejetant sa demande de visa de long séjour en qualité d'ascendante de ressortissant français.
Par un jugement no 1906356 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février et 3 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au profit de Me E... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa qualité d'ascendante à charge de ressortissant français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Le Défenseur des droits, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, a présenté des observations, enregistrées le 10 février 2021.
Par une décision du 4 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, notamment son article 33 ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 20 janvier 1962 à Oran (Algérie), a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Oran la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'ascendante à charge de son fils, M. F... C..., ressortissant français. Les autorités consulaires lui ayant opposé un refus par une décision du 31 janvier 2019, elle a formé un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui, par une décision implicite née le 12 avril 2019, a rejeté son recours. Mme A... relève appel du jugement par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du mémoire en défense de première instance que, pour refuser un visa de long séjour à Mme A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce qu'elle ne pouvait être regardée comme ne disposant d'aucune ressource et étant à la charge de son fils, et, d'autre part, de ce que ce dernier ne dispose pas de ressources suffisantes pour l'accueillir.
3. Lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un visa de long séjour au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant de ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres lui permettant de subvenir aux besoins de la vie courante dans des conditions décentes, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
4. D'une part, Mme A... soutient qu'elle ne dispose d'aucune ressource personnelle en Algérie depuis son divorce en 1987 et qu'elle n'a jamais effectué de travail rémunéré, bénéficiant du soutien financier et matériel de ses parents, jusqu'à leur décès, puis de ses frères, avant d'être prise en charge par son fils à compter de 2012. Elle justifie, par des attestations établies en 2019 et 2020, ne pas percevoir de pension de retraite, ainsi que, par une attestation de 2019, ne pas être affiliée à la caisse nationale de sécurité sociale des non salariés. Par ailleurs, si le ministre de l'intérieur soutient que Mme A... pourrait bénéficier en Algérie du dispositif d'allocation forfaitaire de solidarité, la requérante soutient, sans être contredite, qu'elle n'est pas éligible à ce dispositif et, en tout état de cause, que cette allocation, d'un montant mensuel de 3 000 dinars algériens, soit 15 euros environ, correspond à environ 10 % du salaire minimum algérien et ne lui permettrait donc pas de vivre dans des conditions décentes.
5. D'autre part, Mme A... justifie être à la charge de son fils, qui lui verse depuis 2012 une pension alimentaire régulière, notamment 2 400 euros en 2017, 1 100 euros en 2018 et 1 800 euros en 2019. Contrairement à ce que soutenait le ministre en première instance, ces sommes, auxquelles la requérante soutient que s'ajoutent des dons manuels effectués par son fils lors de ses fréquents voyages en Algérie, peuvent être regardées comme permettant, seules, de subvenir aux besoins de Mme A... eu égard au niveau de vie en Algérie et au fait que le salaire minimum y est fixé à 18 000 dinars par mois, soit 136 euros environ par mois et 1 632 euros environ par an.
6. Enfin, M. C..., fils de Mme A..., perçoit un salaire mensuel supérieur à 1 700 euros, tandis que son épouse perçoit un salaire mensuel supérieur à 1 380 euros. Si le ministre soutient que M. C... n'est pas en mesure de prendre en charge la requérante en France, eu égard aux charges de son foyer, il ressort des pièces du dossier que le couple s'acquitte d'un loyer de 700 euros par mois et d'un remboursement d'emprunt de 750 euros par mois au titre d'une acquisition en VEFA (vente en état futur d'achèvement), mais perçoit un loyer mensuel de 1 250 euros grâce à leur bien immobilier mis en location. Dès lors, M. C... justifie de ressources suffisantes pour prendre en charge Mme A....
7. Dès lors, en se fondant, pour refuser la délivrance du visa sollicité, sur les motifs cités au point 2, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de Mme A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Mme A... au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 décembre 2019 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande de Mme A... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au Défenseur des droits.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
T. Célérier
Le greffier,
C. Goy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00498