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13/07/2021 | FRANCE | N°21NT00036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 13 juillet 2021, 21NT00036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 11 septembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2009270 du 21 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, M. D..., représent

é par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2020 ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 11 septembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2009270 du 21 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 septembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel a eu lieu avec un agent qualifié et identifiable ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a obtenu un accusé de réception généré par le point d'accueil italien concernant sa demande ou l'envoi du constat d'accord implicite, de sorte qu'il est fondé à soutenir que la saisine des autorités italiennes n'est pas intervenue dans le délai de deux mois suivant le dépôt de sa demande d'asile ;

- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 17 du règlement n° 604/213 du 26 juin 2013 compte tenu des conditions d'accueil en Italie et des mesures sanitaires contre la pandémie de covid 19 ;

- il méconnaît l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques liées au contexte actuel ;

- l'annulation de l'arrêté de transfert entraîne l'annulation par voie de conséquence de la décision d'assignation à résidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que le délai de transfert est reporté jusqu'au 21 mars 2022.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tchadien né le 8 mars 2000, est entré en France, selon ses déclarations, le 6 juin 2020. Sa demande d'asile a été enregistrée le 3 juillet 2020 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que les empreintes du requérant avaient été précédemment enregistrées à l'occasion du franchissement irrégulier de la frontière italienne. Consécutivement à leur saisine le 7 juillet 2020 et après leur accord implicite, le préfet de Maine-et-Loire par deux arrêtés du 11 septembre 2020, a ordonné le transfert de M. D... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté de transfert en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juillet 2013 et mentionne que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que M. D... a franchi irrégulièrement la frontière italienne durant la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile, que les autorités italiennes ont été saisies d'une requête en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 le 7 juillet 2020, et que ces autorités ont implicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé. Ces motifs permettent de considérer que le préfet de Maine-et-Loire a entendu faire application du critère prévu à l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer quel Etat était responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D.... Par ailleurs, la décision comporte des éléments relatifs à la situation personnelle du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté de transfert doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". Il ressort du résumé de l'entretien individuel produit en première instance et que l'intéressé a signé que le requérant, qui a reçu l'assistance d'un interprète qualifié en langue arabe, a eu la possibilité, lors de celui-ci, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Aucun élément du dossier n'établit que cet entretien réalisé par un agent de la préfecture, qui doit être regardé comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article, n'aurait pas été menée par une personne qualifiée. L'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien sur le résumé de celui-ci, qui mentionne toutefois qu'il a été mené par un agent qualifié de la préfecture et est signé, n'a privé l'intéressé d'aucune garantie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n o 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement./ Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...). Le préfet de Maine-et-Loire produit l'accusé de réception généré le 7 juillet 2020 par le point d'accès national italien justifiant de la date de réception de la requête aux fins de prise en charge de l'intéressé adressée aux autorités italiennes dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du délai prévu par l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

7. Si M. D... soutient que les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, en particulier matérielles, ne sont pas satisfaisantes en Italie, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que sa demande d'asile risquerait de ne pas être traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors même que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation sanitaire en Italie au regard de la pandémie de Covid-19 ne permettrait pas d'assurer un examen de sa demande d'asile dans le respect de ces garanties. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5 et alors que M. D... n'évoque aucun élément particulier relatif à sa situation personnelle, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'aurait commise le préfet doit être écarté.

9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 8, les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert étant rejetées, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

La rapporteure, Le président,

F. E... O. COIFFET

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT000362

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00036
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-13;21nt00036 ?
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