Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs allégués, les jeunes H... D... et I... D..., et sa fille alléguée désormais majeure, Mme Kadia D..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 26 février 2020 du consul général de France à Bamako (Mali), refusant de délivrer aux jeunes J... D..., L... D... et I... D... des visas de long séjour en qualité de membres de bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Par un jugement n° 2012510 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France en date du 7 octobre 2020 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes J... D..., Bakari D... et I... D... des visas de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2021.
Il soutient que :
- les jugements supplétifs ont été obtenus tardivement ;
- le jugement supplétif concernant J... D... ne précise ni dans quel registre il sera transcrit ni l'identité de ses parents ;
- les actes de naissance comportent des mentions supplémentaires et des abréviations ; ils ne comportent pas les heures de naissance ainsi que les âges des parents ;
- l'acte de naissance de K... ne fait pas référence au bon jugement supplétif ;
- aucun des documents présentés ne fait référence au numéro d'identification nationale ;
- Mme A... a déclaré une fille dénommée et M... et non J... et dont le livret de famille fait référence à un acte de naissance qui ne serait pas le sien ;
- il en résulte que ces documents ne peuvent prouver l'identité des enfants ;
- si un jugement attribue l'exercice de l'autorité parentale à Mme A..., il n'est pas établi que M. C... D... a donné son accord au départ de ses enfants ;
- la possession d'état n'est pas établie ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France n'a pas été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la demande de visa déposée en 2019 n'a pas été formulée dans un délai raisonnable alors que la protection subsidiaire a été accordée en 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2021, Mme G... A..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, et Mme B... D..., représentées par Me F..., concluent au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elles soutiennent que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise en première instance au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2021.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête n° 21NT01651, enregistrée au greffe de la cour le 21 juin 2021, par laquelle le ministre de l'intérieur a demandé l'annulation du même jugement.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Celerier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1.Mme G... A... a déposé le 24 juin 2021 une demande d'aide juridictionnelle en appel. Compte tenu de la nature du recours, il y a lieu de se prononcer sur cette demande à titre provisoire en application des dispositions de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique aux termes desquelles : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. " et de l'article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 qui dispose " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence (...) L'admission provisoire est accordée par le président du bureau ou de la section ou le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle ou d'aide à l'intervention de l'avocat sur laquelle il n'a pas encore été statué. " En l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions précitées et d'admettre provisoirement Mme G... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".
3. Mme G... A..., ressortissante malienne, née le 23 mars 1982 à Bamako, a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par décisions du 26 février 2020, le consul général de France à Bamako a rejeté les demandes de visas de long séjour présentées au titre de la réunification familiale par les enfants allégués de Mme A..., les jeunes J... D..., K... D... et I... D..., nés respectivement le 10 août 2001, le 17 novembre 2006 et le 28 novembre 2008. Par une décision en date du 7 octobre 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 10 août 2020 contre cette décision consulaire. Par un jugement n° 2012510 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France en date du 7 octobre 2020 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes J... D..., H... D... et I... D... des visas de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de l'identité de J... D..., K... D... et I... D... et de leur lien de filiation allégué avec la réunifiante, il a été produit à l'appui des demandes de visas, pour chacun des enfants, un jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal de première instance de Bamako et un acte de naissance dressé en transcription de ce jugement, dont les mentions sont concordantes.
7. En second lieu, les requérantes ont produit un jugement du 18 janvier 2018 du tribunal de grande instance de Bamako accordant à Mme A... l'autorité parentale exclusive à l'égard de ses trois enfants, les jeunes J... D..., K... D..., et I... D....
8. Enfin il ressort du dossier de demande d'asile de Mme A... que celle-ci a particulièrement insisté sur la situation de ses deux filles et les risques encourus par celles-ci au Mali et il ne ressort pas des éléments versés aux débats relatifs à sa demande d'asile que ses propres déclarations seraient contradictoires avec les documents d'état civil produits.
9. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur à l'appui de sa requête ne paraît être de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes.
11. Mme G... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en appel. Par suite, Me F... peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me F... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me F... de la somme de 800 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme G... A... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me Lebailly en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lebailly renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme Kadia D... et à Mme G... A....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2021.
Le président-rapporteur,
T. CelerierLa greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01652