Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... C... épouse D..., agissant en son nom propre et pour le compte des jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 février 2018 B... laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 22 septembre 2017 des autorités consulaires françaises en poste à Yaoundé rejetant les demandes de visa de long séjour présentées, au titre du regroupement familial, pour les jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe qu'elle présente comme ses enfants.
B... un jugement n° 1802923 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
B... une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 décembre 2020, 10 février 2021 et 28 mai 2021, Mme C..., agissant en son nom propre et pour le compte des jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe, représentée B... Me Mbenoun, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros B... jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de la commission est insuffisamment motivée ;
- les actes d'état civil qu'elle a produits sont authentiques ;
- le lien de filiation est également établi B... possession d'état ;
- les refus de visa méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
B... un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante camerounaise résidant régulièrement en France, a obtenu, B... une décision du préfet de Maine-et-Loire du 20 octobre 2014, une autorisation de regroupement familial au profit de F... Oyono et de Thyphanie E... Betebe, ressortissants camerounais qu'elle présente comme ses enfants nés, respectivement, le 14 juin 2000 et le 22 janvier 2009. Les demandes de visa de long séjour présentées B... ces derniers ont été rejetées B... les autorités consulaires françaises en poste à Yaoundé. B... une décision du 7 février 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre ces refus de visa au motif que les actes de naissance présentés à l'appui des demandes de visa n'étaient pas conformes à la législation locale et que leur production relevait d'une intention frauduleuse et ne permettait pas d'établir l'identité des demandeurs ni leur lien de filiation avec la regroupante. Mme C..., agissant en son nom personnel et pour le compte des jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe, relève appel du jugement du 13 octobre 2020 B... lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore l'absence de lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies B... l'article 47 du code civil. / Le demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou son représentant légal, ressortissant d'un pays dans lequel l'état civil présente des carences, qui souhaite rejoindre ou accompagner l'un de ses parents mentionné aux articles L. 411-1 et L. 411-2 (...), peut, en cas d'inexistence de l'acte de l'état civil ou lorsqu'il a été informé B... les agents diplomatiques ou consulaires de l'existence d'un doute sérieux sur l'authenticité de celui-ci qui n'a pu être levé B... la possession d'état telle que définie à l'article 311-1 du code civil, demander que l'identification du demandeur de visa B... ses empreintes génétiques soit recherchée afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Pour justifier de l'identité des jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe ainsi que de leur lien de filiation à l'égard de Mme I... C..., ont été produits des copies d'acte de naissance, certifiées conformes aux originaux B... le maire de Zoétélé. Ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur, les articles 30 et 32 de l'ordonnance camerounaise n° 81/02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques prévoient que la naissance doit être déclarée à l'officier d'état civil dans les trente jours qui suivent l'accouchement et qu'à l'expiration de ce délai, la naissance peut être enregistrée sur réquisition du procureur de la République saisi dans les trois mois de la naissance. Les actes de naissance produits ont été dressés, sur déclaration du grand-père des enfants, soixante-et-un jours après la naissance du jeune F... et quatre-vingt-dix jours après celle de la jeune H... E..., sans réquisition du procureur de la République. Toutefois, Mme C... explique que la saisine de cette autorité n'était pas nécessaire dès lors, d'une part, que les délais prévus aux articles 30 et 32 concernent non l'établissement et la délivrance de l'acte de naissance mais la déclaration de l'évènement à l'officier d'état civil et, d'autre part, que la naissance de ses enfants a bien été déclarée dans le délai de trente jours prévu à l'article 30. Au soutien de cette explication, elle produit la copie des déclarations manuscrites du grand-père des enfants sur lesquelles est apposé le cachet d'enregistrement du courrier de la commune de Zoétélé précisant la date du 21 juin 2000, s'agissant de la déclaration de naissance du jeune F... et la date du 17 février 2009, s'agissant de la déclaration de naissance A... la jeune G... E.... L'authenticité de ces cachets est attestée B... le maire de la commune de Zoétélé. Sont également versées aux débats des attestations d'existence de la souche des actes de naissance considérés. Au vu des explications circonstanciées de la requérante ainsi que des pièces produites pour les corroborer et alors que, en se bornant à se prévaloir des articles de l'ordonnance mentionnés ci-dessus, le ministre ne démontre pas que l'établissement de l'acte enregistrant la déclaration de naissance ne peut être postérieur à la réception de cette déclaration B... l'officier d'état civil, l'absence de concomitance entre la réception de la déclaration et son enregistrement, matérialisé B... la délivrance d'un acte, à supposer qu'elle constitue une irrégularité, ne prive pas, en l'espèce, les actes de naissance produits de valeur probante. Dès lors, en estimant que ces documents étaient frauduleux et ne permettaient pas d'établir l'identité des demandeurs de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 3.
5. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a également relevé, dans la décision litigieuse, que les demandes de visa avaient été formées près de trois ans après l'autorisation préfectorale de regroupement familial. A supposer qu'en faisant état de cette considération, la commission ait entendu fonder ses refus de visa sur un motif distinct de celui relatif à la fraude, il ressort des pièces du dossier et notamment des courriers que Mme C... a adressés à diverses autorités en 2015 que celui-ci est entaché d'erreur de fait.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, B... le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour aux jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... A... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés B... elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 février 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes F... Oyono et Thyphanie E... Betebe un visa de long séjour, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public B... mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZLa greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03826