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26/10/2021 | FRANCE | N°21NT00095

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 octobre 2021, 21NT00095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours, dirigé contre le refus des autorités consulaires marocaines à Fès de délivrer à M. A... C... un visa de long séjour " famille passeport talent ".

Par un jugement n° 2004192 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les

9 janvier 2021 et 2 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Bouyssou, demande à la cour, dans l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours, dirigé contre le refus des autorités consulaires marocaines à Fès de délivrer à M. A... C... un visa de long séjour " famille passeport talent ".

Par un jugement n° 2004192 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier 2021 et 2 avril 2021, Mme C..., représentée par Me Bouyssou, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 5 mars 2020 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ; elle justifie de la réalité de la vie commune avec son époux ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C..., ressortissante marocaine, tendant à l'annulation de la décision du 5 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours, dirigé contre le refus des autorités consulaires marocaines à Fès de délivrer à M. A... C..., son époux, un visa de long séjour en qualité de conjoint de titulaire d'une carte de séjour " passeport talent ". Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. Dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21. / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 313-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention "passeport talent (famille)" est délivrée de plein droit, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, au conjoint de l'étranger mentionné à l'article L. 313-20 (...). La durée de cette carte est égale à la période de validité restant à courir de la carte de séjour de leur conjoint ou parent. ". Aux termes de l'article R. 313-41 du même code, alors en vigueur : " Lorsque l'étranger, qui sollicite la carte de séjour visée aux articles L. 313-20 et L. 313-21, réside hors de France, la décision de délivrance du titre de séjour sollicitée est prise par l'autorité diplomatique et consulaire. La carte de séjour est remise à l'étranger par le préfet du département où l'étranger a établi sa résidence en France ou, à Paris, par le préfet de police, sur présentation de son passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention "passeport talent" ".

4. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français le visa qu'il sollicite afin de mener une vie familiale normale. Elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public.

5. Pour rejeter, par la décision contestée, la demande de visa de long séjour présentée pour M. A... C..., le ministre s'est fondé sur ce qu'il " n'a été justifié d'aucune communauté de vie entre M. A... C..., ayant résidé irrégulièrement sur le territoire français pendant 15 mois, et Mme B... C... " et sur ce qu'aucune pièce du dossier ne fait ressortir " la réalité de leur intention matrimoniale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C... est entrée en France, le 12 février 2016, munie d'un visa long séjour " étudiant ", qu'elle a conclu, le 12 septembre 2018, un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Econocom en qualité d'ingénieure développement et qu'elle est titulaire, depuis le 28 novembre 2018, d'un titre de séjour portant la mention " passeport talent-salariée qualifiée / entreprise innovante ". Il ressort, également, des pièces du dossier, notamment des photographies, contrats, bulletins de salaire et factures, produits pour la première fois en appel, qu'elle s'est fiancée, en août 2017, avec M. A... C..., lequel l'a rejointe en France, le 13 janvier 2018, muni d'un visa de court séjour, et que les intéressés ont vécu maritalement avant de se marier, le 22 juin 2019, à la mairie de Dugny. Les époux ont regagné le 14 septembre 2019 le Maroc, où M. C... a déposé, le 18 septembre suivant, sa demande de visa de long séjour. Enfin, Mme B... C..., qui est alors rentrée en France, s'est rendue à plusieurs reprises au Maroc pour y retrouver son époux. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour refuser le visa sollicité, le ministre s'est fondé sur ce que les intéressés ne justifiaient pas d'une communauté de vie, ni de leur intention matrimoniale. Dès lors, la décision du 5 mars 2020 du ministre de l'intérieur doit être annulée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... D... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 5 mars 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour M. A... C... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... C... un visa d'entrée et de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021.

La rapporteure,

C. BUFFETLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00095
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-26;21nt00095 ?
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