Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 20 juillet 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Par un jugement no 2001547 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 décembre 2020, 10 mars 2021 et 29 mars 2021 M. B..., représenté par Me Le Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler cet arrêté du 20 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour temporaire d'un an sur le fondement des articles L. 313-15, L. 313-14, L. 313-11, 7° ou
L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que cette décision ne méconnaissait pas l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du même code ;
- elle méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- elle méconnaît l'article L. 313-7 du même code ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
25 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Catroux,
- et les observations de Me Le Blanc, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien né le 7 août 2001, entré irrégulièrement en France, le 24 décembre 2017 selon ses déclarations, a été pris en charge jusqu'à sa majorité au titre de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine à la suite d'une ordonnance de placement provisoire du 8 janvier 2018. Il a été scolarisé en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP maçonnerie) au cours de l'année 2018-2019, puis en deuxième année de CAP au cours de l'année 2019-2020. M. B... a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " passé avec le département des Hauts-de-Seine jusqu'en février 2021.
Le 25 novembre 2019, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 (7°), L. 313-15, L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 19 novembre 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Caen, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2020.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article
L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. M. B... a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et a présenté sa demande de titre de séjour dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Il n'est, de plus, ni établi, ni même allégué par le préfet du Calvados que M. B... présente une menace pour l'ordre public. Il ressort des bulletins scolaires de première et de seconde année de la scolarité du CAP Maçonnerie qu'il a poursuivie au cours des années 2018-2019 et 2019-2020 qu'il y obtenait de bons résultats. Le requérant a, en outre, obtenu ce CAP en juillet 2020, à l'issue de cette formation, et avait trouvé une entreprise prête à l'accueillir pour une poursuite de formation en maçonnerie en vue de l'obtention d'un brevet professionnel par alternance. Enfin, M. B... soutient, sans être contredit, que son père est décédé. Les seules circonstances que le requérant n'établisse pas avoir été abandonné par sa mère dès son plus jeune âge, selon ce qu'il allègue, et qu'il ait pu se faire parvenir par un tiers un certificat de nationalité et un extrait d'acte de naissance ne permettent pas de démontrer qu'il a conservé des liens particuliers avec sa famille dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de la situation de l'intéressé prise dans sa globalité et en particulier, de l'avis favorable de la structure d'accueil sur l'intégration de M. B... dans la société française et du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, le préfet du Calvados a, dans les circonstances particulières de l'espèce, entaché son refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Calvados délivre à M. B... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article
L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Le Blanc, avocate de M. B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001547 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du préfet du Calvados du 20 juillet 2020 pris à l'encontre de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Le Blanc une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2021.
Le rapporteur,
X. CATROUX
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
No 20NT039282