Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'université d'Orléans à lui verser la somme de 85 248 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'actes de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2017 et de la capitalisation de ces intérêts.
Par un jugement n° 1800907 du 30 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande (article 1er) et a mis à la charge de Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, Mme B..., représentée par Me Paragyios, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'université d'Orléans à lui verser la somme de 85 248 euros, somme majorée des intérêts et de la capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'université d'Orléans une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime d'agissements de harcèlement moral ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail, ayant conduit à l'évincer de son poste de directrice de l'institut d'administration des entreprises ;
- cette situation lui a causé un préjudice de carrière et un préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2021, l'université d'Orléans, représentée par Me Leeman, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Leeman, représentant l'université d'Orléans.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., maître de conférences au sein de l'Université d'Orléans et directrice de l'institut d'administration des entreprises (IAE) de 2011 à 2016, a sollicité, par courrier du 7 novembre 2017, la réparation des préjudices qu'elle a subis en conséquence des faits de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime. Après le rejet implicite de sa demande, elle a sollicité auprès du tribunal administratif d'Orléans la condamnation de l'université d'Orléans à lui verser la somme de 85 248 euros en réparation de ces préjudices. Elle relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la responsabilité de l'université d'Orléans pour faits de harcèlement moral :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) ".
3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
5. Mme B... soutient qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, consistant en un retrait progressif de ses responsabilités et moyens propres au fonctionnement de l'IAE par la suppression de trois postes et de la ligne budgétaire de l'IAE, en un processus de mise à l'écart et de décrédibilisation vis-à-vis des collègues et étudiants, notamment à l'occasion de l'organisation du gala de l'IAE, et une éviction irrégulière de ses fonctions de directrice dès lors que le président de l'université lui a demandé de démissionner, qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail à compter de la rentrée de l'année universitaire 2016/2017 et à une altération de son état de santé l'ayant amenée à consulter le médecin de prévention à plusieurs reprises. Ces éléments sont susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué.
6. Pour démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, l'université d'Orléans a fait valoir que les suppressions de poste sont en lien avec ses difficultés financières importantes, l'ayant conduit à une politique de rationalisation des dépenses dans le cadre d'un plan de retour à l'équilibre, et que l'IAE a connu de graves et récurrentes difficultés de fonctionnement à la fin de l'année 2016, après l'élection du nouveau doyen de la faculté de Droit, en raison du comportement de Mme B... et du directeur-adjoint.
7. En premier lieu, il ressort des statuts respectifs de l'IAE, qui n'est pas une composante de l'université, et de l'unité de formation et de recherche (UFR) Collegium Droit, Economie et Gestion que l'IAE ne dispose pas d'une autonomie administrative et budgétaire mais relève, tant pour son budget que pour la répartition et la gestion des fonctions support, de l'UFR Collegium Droit, Economie et Gestion, dont il organise l'une des filières de formation. A cet égard, les mesures de réorganisation administrative et budgétaire, ayant conduit à la suppression du poste de responsable administratif de l'IAE, au rattachement des missions relatives à l'apprentissage et à la communication de l'IAE auprès d'agents de l'UFR ainsi qu'à la suppression de la ligne budgétaire propre à l'IAE, justifiées par une politique de rationalisation des dépenses dans le cadre d'un plan de retour à l'équilibre, ne témoignent d'aucune décision, prise au-delà de l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service, de retirer progressivement à titre personnel à Mme B..., dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elle disposait en qualité de directrice d'une délégation en matière budgétaire ou de responsabilités hiérarchiques à l'égard des agents dont le poste a été supprimé, une partie des responsabilités qui lui incombaient en vertu de l'article 20 des statuts de l'IAE.
8. En deuxième lieu, Mme B... se plaint d'avoir été mise à l'écart et décrédibilisée vis-à-vis des collègues et des étudiants et évoque, à l'appui de ses dires, deux situations, l'une, au mois de décembre 2016, lorsque le nouveau doyen a rencontré, hors de sa présence et de celle du directeur-adjoint, une partie de l'équipe enseignante de l'IAE qui avait sollicité une entrevue avec lui et, l'autre, au mois de janvier 2017, lorsque le nouveau doyen a rencontré, hors de sa présence et de celle du directeur-adjoint, le président du bureau des élèves au sujet de l'organisation du gala de l'IAE. Toutefois, les pièces produites au dossier révèlent que ces réunions ont été organisées dans un contexte de très vives tensions entre les différents protagonistes et l'équipe de direction de l'IAE. Dans ces conditions, n'est établie aucune mise à l'écart excédant les pouvoirs de l'autorité hiérarchique dans le cadre de la gestion de conflits atteignant des proportions déraisonnables soit au regard du bon fonctionnement du service soit au regard de l'enjeu de fixer la date du gala de l'IAE. Pour ce même motif lié aux tensions nouées autour de l'organisation du gala de l'IAE, le retrait des prérogatives exercées par Mme B... sur ce projet, justifié par l'intérêt du service, n'a pas excédé les pouvoirs de l'autorité hiérarchique.
9. En troisième lieu, les pièces versées au dossier mettent en évidence que, si les difficultés relationnelles au sein de l'équipe de l'IAE d'Orléans étaient préexistantes, les tensions se sont accrues à la fin de l'année 2016, après l'élection du nouveau doyen de la faculté de droit à la tête de l'UFR Collegium Droit, Economie et Gestion. Ainsi, la lettre du 6 février 2017 par laquelle le président de l'université d'Orléans, qui évoque le constat d'échec des mesures mises en œuvre pour restaurer la sérénité au sein de l'IAE et demande à Mme B... et au directeur-adjoint d'en tirer les conséquences en démissionnant dans les meilleurs délais de leurs fonctions, est intervenue postérieurement à une réunion plénière extraordinaire de l'ensemble des enseignants et enseignants-chercheurs de l'IAE du 2 février 2017, dans un contexte de conflits interpersonnels et de dissensions majeures entre Mme B... et son directeur-adjoint, d'une part, et une partie de l'équipe enseignante ayant réclamé leur démission, d'autre part, qui ne sont pas contestés, ainsi que de tensions générées par le positionnement inapproprié de l'équipe de direction de l'IAE vis-à-vis du président du bureau des étudiants. Ces difficultés relationnelles particulièrement aigües tant avec les membres de l'IAE qu'avec les étudiants ou leur représentant ne permettaient pas un fonctionnement normal de l'institut. Dans ces conditions, l'intérêt du service commandait de mettre un terme à cette situation, à laquelle le comportement de Mme B... participait activement. Par suite, l'éventuelle irrégularité isolée commise par le président de l'université d'Orléans en sollicitant la démission de Mme B... par la lettre du 6 février 2017, qui n'a pas été contestée en temps utile, ne saurait être qualifiée d'agissement constitutif de harcèlement moral.
10. En quatrième lieu, la décision par laquelle le président de l'université d'Orléans a refusé à Mme B... le bénéfice de la protection fonctionnelle n'est pas de nature à établir que sa hiérarchie serait restée passive après avoir été alertée sur le harcèlement dont elle aurait fait l'objet.
11. En cinquième et dernier lieu, si Mme B... évoque les difficultés de son successeur et la persistance des dysfonctionnements de l'IAE, l'ensemble des faits postérieurs à la fin des fonctions de Mme B... en qualité de directrice de l'IAE ne sont pas de nature à révéler des agissements de harcèlement moral à son endroit.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'université d'Orléans est engagée en raison d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université d'Orléans, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme sollicitée par l'université d'Orléans sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université d'Orléans présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université d'Orléans.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Malingue, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2021.
La rapporteure,
F. MALINGUELe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02719 4
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