Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Hennebont a demandé au tribunal administratif de Rennes de constater que l'ensemble immobilier situé 7 rue Yvon Croizer à Hennebont, cadastré section AO n° 549, d'une superficie de 743 m², constitue un bien de retour lui appartenant, d'enjoindre à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan d'entreprendre les démarches nécessaires pour procéder à la restitution de ce bien sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et d'ordonner la publication du jugement à la conservation des hypothèques aux frais de l'union technique Pupilles Petite Enfance et de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan.
Par un jugement n° 1800658 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, la commune d'Hennebont, représentée par Me Lahalle, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800658 du tribunal administratif de Rennes du 13 janvier 2021 ;
2°) de juger que l'ensemble immobilier situé 7 rue Yvon Croizer à Hennebont, cadastré section AO n° 549, d'une superficie de 743 m², constitue un bien de retour lui appartenant ;
3°) d'enjoindre à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan d'entreprendre les démarches nécessaires pour procéder à la restitution de ce bien sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'ordonner la publication du jugement à la conservation des hypothèques aux frais de l'union technique Pupilles Petite Enfance et de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan ;
5°) de mettre à la charge de l'union technique Pupilles Petite Enfance et de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison de son insuffisante motivation en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ; le jugement est trop laconique sur les raisons pour lesquelles il refuse de requalifier le contrat en délégation de service public ;
- l'immeuble situé 7 rue Yvon Croizer constitue un bien de retour :
o la convention de 2004 qui portait sur la gestion d'un centre multi-accueil propriété de la commune et pour assurer une mission de service public était une délégation de service public ; l'union technique Pupilles Petite Enfance ne tirait pas ses ressources exclusivement des versements de la commune mais aussi des résultats de l'exploitation ; la commune assurait bien le contrôle de la gestion du service, le contrôle étant aussi assuré par la présence de représentants de la commune au sein du conseil d'administration ;
o la convention d'origine n'a pas exclu le second site qui fait explicitement partie de la délégation attribuée à la société People et Baby sans réserve de l'union technique Pupilles Petite Enfance ;
o en conséquence de la qualification de la convention de 2004 comme une délégation de service public, les immeubles acquis dans le cadre de la convention liant les parties, au demeurant grâce aux subventions de la commune, et le matériel, nécessaires au fonctionnement du service, constituent des biens de retour devant revenir gratuitement dans le patrimoine de la commune, quand bien même ils seraient la propriété de l'union technique Pupilles Petite Enfance ;
- la qualification de biens de retour entraine la remise gratuite des biens à la collectivité délégante, considérée comme leur propriétaire depuis le début ; il doit donc être enjoint à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan de régulariser les actes juridiques nécessaires à l'intégration dans le patrimoine à compter de la signature de la convention de délégation de service public ; la publication de l'arrêt doit être ordonnée en application de l'article 28 du décret du 4 janvier 1955.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2021, l'union technique Pupilles Petite Enfance et l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan, représentées par Me Le Raisnable, concluent au rejet de la requête et demandent, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Hennebont en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête de la commune d'Hennebont est irrecevable car elle ne contient aucun moyen d'appel, dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes ;
- les moyens soulevés par la commune d'Hennebont ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Vautier, représentant la commune d'Hennebont et de Me Le Pallabre, représentant l'Union technique Petite Enfance et l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Hennebont (Morbihan) s'est engagée, dans le cadre du contrat Enfance signé avec la caisse d'allocations familiales à ce qu'un centre multi-accueil de la petite enfance soit ouvert sur le territoire de la commune avant la fin de l'année 2004. Par une délibération du 27 mai 2004, le conseil municipal a décidé de demander à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan (ADPEP 56) de prendre en charge le fonctionnement de ce centre dans le cadre d'une " convention de collaboration " et a approuvé un protocole d'accord, conclu avec cette association, prévoyant la conclusion future de la convention. Par une délibération du même jour, le conseil municipal de la commune d'Hennebont a autorisé son maire à signer cette convention de collaboration avec l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan. Le site du futur multi-accueil petite enfance était fixé dans des locaux d'un ancien collège, désormais maison de l'enfance, situé place Gérard Philippe. Aux termes de cette convention, conclue pour cinq années et renouvelable par tacite reconduction, l'association s'est engagée notamment à créer, pour la gestion du multi-accueil d'Hennebont, une " union technique " dotée d'un conseil d'administration et d'un comité de pilotage et comprenant des représentants de la commune. Le site initial dit de " l'Orange bleue " d'une capacité de 40 places s'étant avéré insuffisant, l'union technique Pupilles Petite Enfance a acheté le 28 avril 2011 une maison d'habitation située rue Yvon Croizer à Hennebont pour y installer un second site de multi-accueil petite enfance. Par un avenant n° 1, la convention de collaboration conclue entre la commune d'Hennebont et l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan a été prolongée d'une année supplémentaire jusqu'au 28 mai 2015, un second avenant ayant ensuite prolongé sa validité jusqu'au 2 août suivant.
2. Par un contrat de délégation de service public des 20 mai et 2 juin 2015, la commune d'Hennebont a décidé de confier à la société People et Baby la gestion et l'exploitation de la structure de multi-accueil collectif d'une capacité de 50 places, comprenant aux termes de la délégation le site d'une capacité de 35 places situé place Gérard Philippe et le site d'une capacité de 15 places situé rue Yvon Croizer. Par un courrier du 5 juin 2015, la commune d'Hennebont a demandé à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public de louer à la commune les locaux situés rue Yvon Croizer. La commune a confirmé, par courrier du 24 juillet 2015, sa proposition de prendre les locaux à bail précaire. Un contrat portant sur la location de ceux-ci pour la période du 2 août 2015 au 1er février 2016 dans l'attente de la conclusion d'une nouvelle convention de partenariat a été signé le 31 juillet 2015 entre l'union technique et la commune d'Hennebont.
3. Par un courrier du 7 novembre 2015, le maire de la commune d'Hennebont a informé l'union technique de ce que, lors de sa séance du 29 octobre 2015, le conseil municipal avait décidé de requalifier la convention de collaboration en délégation de service public, qu'en conséquence les biens acquis par l'association constituaient des biens de retour devant être restitués gratuitement à la commune, et demandait à l'union technique de procéder à cette restitution dans un délai d'un mois. Par un courrier du 9 novembre suivant, le maire d'Hennebont a mis en demeure l'union technique de restituer les biens en cause et, le 15 décembre 2015, la commune lui a adressé une nouvelle mise en demeure de lui restituer, dans un délai de quinze jours, la propriété du site de la rue Yvon Croizer et le matériel nécessaire au fonctionnement du centre, à titre gratuit. Le 28 janvier 2016, la commune d'Hennebont a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, pour obtenir qu'il soit enjoint à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan de restituer notamment les clés de ces locaux. Par une ordonnance du 12 février 2016, le juge des référés a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'injonction de remise des clés du bâtiment et a rejeté le surplus de la demande de la commune d'Hennebont, notamment concernant l'inscription à la conservation des hypothèques. Par un courrier du 22 février 2016, l'union technique Pupilles Petite Enfance, constatant la fin du contrat de location conclu à titre temporaire jusqu'au 1er février 2016, a proposé à la commune d'Hennebont la conclusion d'un nouveau contrat de location, ainsi qu'un accord sur le matériel utilisé sur le site. La commune a maintenu sa demande de restitution des biens en cause par un courrier du 2 mars 2016. Une nouvelle proposition de conclusion de location de l'immeuble en cause a par ailleurs été adressée à la commune le 27 avril 2017.
4. En février 2018, la commune d'Hennebont a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à ce que le tribunal constate que l'immeuble situé rue Yvon Croizer constitue un bien de retour lui appartenant, enjoigne à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan d'entreprendre les démarches nécessaires à la restitution de ce bien, et ordonne la publication du jugement à la conservation des hypothèques à leurs frais. La commune d'Hennebont relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. En application de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements doivent être motivés.
6. Si la commune d'Hennebont soutient que le jugement du tribunal administratif de Rennes est insuffisamment motivé en ce qui concerne les motifs pour lesquels les premiers juges auraient refusé de requalifier la convention conclue en 2004 avec l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan en délégation de service public, il résulte du jugement attaqué que le tribunal n'a pas exclu la qualification de délégation de service public de la convention litigieuse mais a estimé qu'il n'était pas nécessaire de qualifier cette convention pour écarter, s'agissant de l'immeuble situé rue Yvon Croizer, la qualification de bien de retour intégré dès l'origine dans le patrimoine de la commune. Le tribunal administratif de Rennes a, en outre, précisément exposé les raisons du refus de qualifier l'immeuble de bien de retour, avec les conséquences juridiques qui en découlaient. Dans ces conditions, la commune d'Hennebont n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et, pour ce motif, irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. L'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion de la convention entre la commune d'Hennebont et l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan, disposait que : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service (...) ".
8. Par ailleurs, dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique.
9. Il résulte de l'instruction, notamment des termes mêmes de la convention conclue en 2004 par laquelle la commune d'Hennebont a indiqué confier la gestion d'une structure de multi-accueil de quarante places, désignée comme activité sociale ayant un caractère de service public, à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan, que la convention portait exclusivement sur cette structure créée au sein des locaux de la maison de la petite enfance, appartenant au domaine public de la commune. Si la convention conclue en 2004 comportait des clauses mettant à la charge de l'union technique Pupilles Petite Enfance, créée spécialement pour la gestion du multi-accueil, des obligations d'entretien de cet immeuble, il ne résulte d'aucun terme de la convention, ni de l'instruction, que les parties à la convention auraient entendu mettre à la charge de la cocontractante l'acquisition d'autres biens immobiliers pour le fonctionnement du service public qui lui était confié. Par ailleurs, dans le cadre de l'acquisition par l'union technique Pupilles Petite Enfance de la maison située rue Yvon Croizer, la commune d'Hennebont a explicitement exclu, par un courrier du maire du 24 novembre 2009, d'une part la prise en charge de dépenses correspondant à cet achat qui devait être supporté par la seule association, d'autre part que la convention de collaboration conclue en 2004 intègre ce nouveau site de multi-accueil. Dans ces conditions, il ne résulte ni de la convention de 2004 confiant la gestion du service public à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan ni d'aucune autre pièce que les parties auraient eu la commune intention de mettre à la charge de l'union technique Pupilles Petite Enfance l'acquisition de l'immeuble situé rue Yvon Croizer en vue du fonctionnement du service public. Dès lors, l'immeuble acheté en 2011 ne peut être regardé comme ayant été acquis par l'union technique Pupilles Petite Enfance pour les besoins de la gestion de la structure multi-accueil qui lui avait été initialement confiée et ne saurait donc, contrairement à ce que soutient la commune appelante, être qualifié de bien de retour lui appartenant dès l'origine. La seule circonstance que la commune a, postérieurement, indiqué en 2015 aux candidats à la délégation de service public portant sur la gestion de cette structure que le site de la rue Yvon Croizer en relevait ne saurait en changer la nature juridique, s'agissant d'un immeuble appartenant à l'association dite union technique et qui n'a pas été acquis pour le seul fonctionnement du service public constituant l'objet de la convention de 2004.
10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée à titre principal par l'union technique Pupilles Petite Enfance et l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan, que la commune d'Hennebont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
11. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'union technique Pupilles Petite Enfance et de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune d'Hennebont demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
12. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Hennebont la somme globale de 1 500 euros à verser à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Hennebont est rejetée.
Article 2 : La commune d'Hennebont versera à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public du Morbihan la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public, à l'union technique Pupilles Petite Enfance et à la commune d'Hennebont.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.
La rapporteure,
M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00768