Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 décembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision implicite des autorités consulaires françaises à Douala refusant de délivrer à Mme D... H... et à M. C... F..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 2009493 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2021, M. G... et Mme D... H..., représentés par Me Zaegel, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... H... et à M. C... F... des visas d'entrée et de long séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,, à défaut, de réexaminer leurs demandes dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. G... et Mme D... H... soutiennent que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par une ordonnance du 25 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021.
Un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté par le ministre de l'intérieur et n'a pas été communiqué.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 15 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 15 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. G..., de nationalité camerounaise, tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Douala refusant de délivrer à Mme D... H... et à M. C... F..., des visas d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié. M. G... et Mme D... H... relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. Il ressort des écritures en défense que, pour rejeter les demandes de visas de long séjour présentées en faveur des deux enfants, la commission de recours s'est fondée sur ce que l'identité et le lien de filiation de Mme D... H... et de M. C... F... avec M. G... n'étaient pas établis.
7. M. G... a obtenu le statut de réfugié par une décision du 26 novembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile. Pour justifier du lien de filiation, il a produit deux jugements supplétifs tenant lieu d'acte de naissance n° HCF/DJ/B. 4686/2016 et HCF/DJ/B. 3873/2016, rendus les 9 septembre et 3 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de Fako (" High court of Fako Division ") précisant que M. G... est le père de M. C... F... et de Mme D... H... ainsi que les deux actes de naissance des enfants établis les 20 septembre et 27 octobre 2016 par le centre d'état-civil de la commune de Tiko (département de Fako, région du Sud-Ouest), sur la base de ces jugements supplétifs. La circonstance, à la supposer alléguée par le ministre qui a admis devant les premiers juges que ce motif de refus, lié à une erreur de traduction, était erroné, et qu'il revient aux autorités judiciaires locales d'apprécier, que cette juridiction se serait méprise sur sa compétence ne permet pas, par elle-même, d'établir le caractère frauduleux de ces jugements supplétifs. De même, les circonstances que ces jugements supplétifs ont été rendus plusieurs années après la naissance des enfants et qu'ils ont été transcrits sans respecter le délai d'appel prévu par l'article 192 du code de procédure camerounais alors, au demeurant, qu'il n'est pas établi que cet article s'appliquerait aux jugements rendus par les tribunaux anglophones, ne sont pas davantage de nature à faire regarder ces jugements comme entachés de fraude. Par ailleurs, s'ils ont été rendus à la demande de M. G..., il ne ressort pas de leurs énonciations que ce dernier aurait été présent lors de l'audience, celui-ci précisant d'ailleurs dans ses écritures qu'il était représenté par son avocat, de sorte que le ministre n'est pas fondé à soutenir que ces jugements présenteraient un caractère frauduleux du fait que l'intéressé a quitté, en mai 2013, le Cameroun pour le Nigéria, puis la France où il a obtenu l'asile. Dans ces conditions, le lien de filiation de à l'égard de M. E... doit être tenu pour établi par les jugements supplétifs des 9 septembre et 3 octobre 2016 et les anomalies dont le ministre de l'intérieur soutient qu'elles entacheraient les actes de naissance dressés les 30 septembre et 27 octobre 2016, rectifiés le 26 mars 2019, et transcrivant ces jugements supplétifs s'avèrent sans incidence. Dès lors, en confirmant les refus de visa opposés à M. C... F... et à Mme D... H... au motif que le lien de filiation n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. G... et Mme D... H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas d'entrée et de long séjour soient délivrés à M. C... F... et à Mme D... H.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros à Me Zaegel dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 15 février 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 7 décembre 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour M. C... F... et Mme D... H... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... F... et à Mme D... H... des visas d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Zaegel une somme de 800 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... et Mme D... H... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à Mme D... H... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
La rapporteure,
C. A...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00894