Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Villa d'Or a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1711286 du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er décembre 2020 la SARL Villa d'Or, représentée par
Me Rouzaud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le fait qu'elle ait déclaré beaucoup plus de chiffre d'affaires que le total des tickets Z journaliers pour chaque année d'exploitation en litige ne permet pas de déclarer la comptabilité non probante ;
- la reconstitution opérée par l'administration fiscale est viciée ; il y a lieu tenir compte d'une perte de la bière pression " Somme 6 " de 5 % du fait du tirage de la mousse et de l'eau dans les tuyaux, de la perte lors du transvasement des bouteilles de vin en pichets et de la perte de 6% pour les vins achetés en cubitainers, soit du vin rouge de Saumur et du vin rosé d'Anjou ; compte tenu des quantités renversées lors du remplissage des verres individuellement servis et sachant qu'il n'y a que 35 verres remplis, la perte moyenne est de 15 % par cubitainer, soit 20 à 25 centilitres restant au fond ; il existe une perte lors de l'utilisation du vin pour la cuisine ; le service n'a pas tenu compte de la consommation de bières par son personnel ; il y a lieu de considérer que 6 à 8 bières pression sont consommées par le personnel chaque jour, soit 730 litres par an ; les 14 salariés ont consommé du vin au-delà des 104 bouteilles pour 7 salariés retenues par la vérificatrice ; enfin la consommation de café par le personnel est entachée d'une erreur dès lors qu'il y a lieu de prendre en compte la perte de café lors de cette consommation ;
- la majoration pour manquement délibérée n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Villa d'Or ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Villa d'Or, qui exploite un restaurant aux Ponts de Cé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014, au cours de laquelle l'administration a constaté une comptabilité non probante en raison d'irrégularités graves et répétées. Par une proposition de rectification du 22 décembre 2015, le chiffre d'affaires de l'entreprise a été reconstitué. Il en est résulté pour la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du
9 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la SARL Villa d'Or tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La société relève appel de ce jugement.
Sur le rejet de la comptabilité :
2. En se bornant à indiquer qu'elle a déclaré au titre de chacune des années concernées plus de chiffre d'affaires que le total des tickets Z journaliers, la SARL Villa d'Or ne peut être regardée comme contestant utilement le rejet par l'administration fiscale de sa comptabilité, qui est de manière justifiée fondé notamment sur une comptabilisation globale journalière des recettes, un écart important entre le montant des statistiques de caisse et les chiffres d'affaires déclarés et des incohérences relevées en matière de stocks et de produits revendus.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :
3. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, l'administration a appliqué la méthode dite " des vins ", consistant à déterminer les quantités théoriques de boissons consommées d'après les factures et les états des stocks, à reprendre les éléments statistiques issus de la caisse enregistreuse, à déterminer pour chaque type de consommation les taux de perte, à reconstituer le chiffre d'affaires à partir des boissons théoriques retenues au taux normal, à comparer ce chiffre d'affaires aux seules données fiables des statistiques de caisse, à valoriser les écarts positifs, à prendre en compte une consommation du personnel pour certaines boissons alcoolisées et à extrapoler les omissions de boissons.
En ce qui concerne les pertes :
4. S'agissant des pertes de la bière pression " Somme 6 ", la société requérante soutient qu'il faut tenir compte d'une perte de 5 % du fait du tirage de la mousse et de l'eau dans les tuyaux. Toutefois, le vérificateur a retenu une perte de 16,66% pour les fûts de 6 litres et de 12,5% pour les fûts de 30 litres, soit deux taux supérieurs à 5%.
5. S'agissant du transvasement des bouteilles de vin en pichets à raison d'un litre correspondant à 2,5 pichets, la société invoque une perte de 6%. Toutefois, les pichets utilisés pour servir à table sont de 25 ou de 50 centilitres. Dans le premier cas, ce serait 4 pichets de 25 centilitres et dans le second cas 2 pichets de 50 centilitres. Dès lors, le moyen, fondé sur des éléments de fait non cohérents, ne peut qu'être écarté.
6. S'agissant des vins achetés en cubitainers, soit du vin rouge de Saumur et du vin rosé d'Anjou, la SARL Villa d'Or soutient que, compte tenu des quantités renversées lors du remplissage des verres individuellement servis, il n'y a que 35 verres remplis d'où une perte moyenne de 15 % par cubitainer, soit 20 à 25 centilitres restant au fond. Sachant que chaque verre est de 12 centilitres et que le cubitainer est de 5 litres pour le vin rouge et de 10 litres pour le vin rosé, un cubitainer permet de remplir 41,66 verres pour le vin rouge et 83,33 verres pour le vin rosé, et la vérificatrice a fait une exacte appréciation des pertes en retenant un taux de 1,6% pour un fût de 5 litres, soit 8 centilitres, et un taux de 0,4 % pour un fût de 10 litres, soit 4 centilitres.
7. Si, s'agissant du vin spécifique utilisé en cuisine, la SARL Villa d'Or demande la prise en compte d'une perte lors de l'utilisation de ce vin, elle n'apporte aucun élément à l'appui de sa demande.
En ce qui concerne les consommations du personnel :
8. La SARL Villa d'Or a abandonné en appel le moyen tiré de ce que le service n'a pas tenu compte de la consommation de bière par son personnel et qu'il y aurait lieu de considérer que 6 à 8 bières pression sont consommées par le personnel chaque jour, soit 730 litres par an.
9. S'agissant de la consommation de vin par le personnel et du nombre moyen de salariés, il résulte de l'instruction que l'administration a divisé par deux le nombre de repas déclarés en faveur du personnel pour tenir compte de deux repas quotidiens, puis a divisé le résultat obtenu par 365 jours d'ouverture, et obtenu 7,75 salariés en 2012, 7,66 salariés en 2013 et 7,73 salariés en 2014 et non pas 14 salariés comme la société requérante le prétend sans en apporter la preuve. Dès lors, la vérificatrice, en retenant une consommation de 104 bouteilles pour 7 salariés, n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation de cette consommation.
10. Enfin, s'agissant de la consommation de café par le personnel, la vérificatrice, en retenant la base de 7 salariés et de 2 cafés par jour, n'a pas commis d'erreur. Par ailleurs, le moyen relatif à la perte de café lors de la consommation de café par le personnel est inopérant dès lors qu'il ne s'agit pas de quantités de café vendues aux clients.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
11. Pour appliquer la majoration prévue par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur le caractère non probant de la comptabilité résultant des irrégularités constatées et de l'impossibilité de reconstituer les tickets de caisse par rapport à la statistique, de l'absence de numérotation et d'horodatage des tickets de caisse, de l'absence d'impression au jour le jour des tickets Z de la caisse, de l'écart important entre le chiffre d'affaires déclaré et le montant de la statistique de caisse, de l'incohérences entre achats et ventes et en matière de stocks et de produits revendus et de la progression des minorations de recettes, soit 14% pour l'exercice clos en 2012, 16% en 2013 et 19% en 2014. Le service apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré du manquement pour éluder l'impôt.
12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Villa d'Or n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Villa d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Villa d'Or et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.
Le rapporteur
J.-E. A...
La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT03728