Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes :
1°) d'annuler la délibération n°06-05-2019 du 11 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune ... a refusé de procéder aux travaux permettant de remédier aux désordres résultant des travaux publics de voirie réalisés par la commune sur le chemin d'accès au local technique de la mairie, ayant conduit à un rehaussement de voirie qui les prive de l'accès à leur garage ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, à la commune ... de procéder aux travaux permettant de rétablir l'accès à leur garage ;
3°) de condamner la commune ..., à titre principal, sur le fondement de sa responsabilité pour faute, à leur verser une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis et, à titre subsidiaire, sur le fondement de sa responsabilité sans faute, à leur verser une somme de 90 000 euros ;
Par un jugement n° 1904570 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 décembre 2021 et le 6 juin 2022, non communiqué, M. et Mme B... et A... C..., représentés par le cabinet AARPI Arhestia, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 octobre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération n°06-05-2019 du 11 juillet 2019 du conseil municipal ... ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, à la commune ... de procéder aux travaux permettant de rétablir l'accès à leur garage;
4°) de condamner la commune ... à leur verser la somme de 66 406,59 euros en réparation des préjudices subis ;
5°) de mettre à la charge de la commune ... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande d'annulation de la délibération du conseil municipal du 11 juillet 2019 est parfaitement recevable puisqu'il s'agit de la première décision de refus de procéder aux travaux sollicités après l'intervention d'un médiateur chargé de régler le litige et ne saurait constituer ainsi une décision confirmative ; en outre, la demande n'est pas tardive ;
En ce qui concerne la légalité de la délibération du 11 juillet 2019 :
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la convocation adressée aux conseillers municipaux indique de manière incomplète les questions portées à l'ordre du jour en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- elle porte une atteinte directe et grave à leur droit de propriété et au droit de disposer librement de leur bien et méconnaît l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'ils ne peuvent plus circuler librement avec leur véhicule et stationner comme ils le souhaitent au sein de la partie de leur construction originellement prévue à cet effet et qui est désormais enclavée ;
- le refus de la commune de rétablir l'accès à leur garage est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle se fonde, à tort, sur le fait que le garage n'était pas accessible avant les travaux alors qu'il y a bien eu la pose d'un nouvel enrobé en bitume entre 2015 et 2018 et qu'ils n'ont jamais procédé au décaissement de la pente menant au garage ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune ... :
- la responsabilité de la commune est engagée pour faute en raison de l'impossibilité de pouvoir accéder à leur garage qui fait suite aux travaux de voirie que la commune a effectués sur le chemin d'accès de ce garage ;
- elle est également engagée pour faute présumée dès lors qu'ils ont la qualité d'usagers par rapport aux travaux publics effectués sur la voie d'accès ;
- elle est, enfin engagée et à titre subsidiaire, sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'ils ont subi un préjudice anormal et spécial ;
En ce qui concerne les préjudices :
- ils ont subi un préjudice matériel résultant du changement de la porte de garage et de l'endommagement de leurs véhicules pour les essais d'accès au garage se montant respectivement aux sommes de 566,59 euros et 7 000 euros ;
- ils ont subi un préjudice financier tenant aux coûts de l'expertise, aux frais d'avocat, et aux pertes de salaire pour se rendre aux réunions, estimé pour un montant total de 8 840 euros ;
- ils ont subi des troubles de jouissance de leur bien et des troubles occasionnés dans l'exercice de l'activité d'assistance maternelle par Mme C... à hauteur de 10 000 euros ;
- la perte vénale de leur maison est estimée à 20 000 euros ;
- ils ont subi un préjudice moral qui peut être chiffré à hauteur de 20 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, la commune ..., représentée par la SELARL LEXCAP, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de
M. et Mme C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ayant introduit un recours indemnitaire, les moyens de légalité externe sont inopérants alors que, de plus, ils ne sont pas fondés ;
- les moyens de légalité interne ne sont également pas fondés ;
- la demande indemnitaire sera rejetée en l'absence de faute commise par la commune ;
- les travaux réalisés en 2016 étant sans lien avec la difficulté d'accès au garage des requérants, ces derniers ne sauraient engager la responsabilité de la commune pour faute présumée ;
- les requérants n'ont subi aucune rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- les préjudices allégués ainsi que le lien de causalité ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. L'hirondel,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Beguin, représentant M. et Mme C... et D..., représentant la commune ....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont propriétaires, depuis le 12 décembre 1999, d'un immeuble à usage d'habitation situé .... Cet immeuble comporte, en façade nord-ouest, un garage avec accès sur une voie desservant des parcelles appartenant au domaine privé de la commune. Par un courrier du 31 mars 2017, ils se sont plaints auprès de la commune de ne plus pouvoir accéder à leur garage avec leurs véhicules depuis la réalisation de travaux sur la voie donnant accès à ce garage du fait d'un rehaussement de la chaussée. Ils lui ont alors demandé de procéder au rétablissement de l'accès dans les meilleurs délais. Sans réponse de la commune, M. et Mme C... ont saisi le médiateur de la République, dont l'un de ses représentants a organisé une visite sur place le 24 mai 2019, en présence du maire, de son premier adjoint et de deux conseillers municipaux. A la suite de cette réunion, et après avoir sollicité deux devis, le conseil municipal ...a refusé, lors de sa séance du 11 juillet 2019, que la commune prenne en charge les travaux de nature à remédier aux difficultés invoquées par les requérants au motif que le désordre dénoncé était antérieur à la réalisation de la route. La demande indemnitaire préalable présentée par les intéressés le 10 septembre 2019 a été implicitement rejetée par la commune .... M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du conseil municipal ... du 11 juillet 2019 et de condamner la commune à leur verser, à titre principal, au titre de sa responsabilité pour faute, une somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis ou, à titre subsidiaire, au titre de sa responsabilité sans faute pour rupture d'égalité devant les charges publiques, une somme de 90 000 euros.
M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
3. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux
4. En l'espèce, la demande de M. et Mme C... tend à obtenir la réparation des dommages résultant de l'impossibilité de pouvoir utiliser le garage de leur habitation dont ils imputent la cause à des travaux de voirie effectués par la commune .... Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la délibération du 11 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal ... a refusé de procéder aux travaux préconisés par les requérants pour mettre fin à ce désordre a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de leur demande qui, en formulant les conclusions analysées au point 1, a donné à l'ensemble de leur requête le caractère d'un recours de plein contentieux.
Sur la responsabilité de la commune ... :
5. M. et Mme C... entendent engager la responsabilité de la commune ..., d'une part, pour faute présumée en leur qualité d'usagers de la voie publique du fait des travaux engagés par la collectivité territoriale en 2017 lors de la construction d'un atelier communal et pour avoir refusé de remédier aux désordres qu'ils subissent, et d'autre part, sans faute, en raison de ces mêmes travaux pour rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'ils estiment avoir subi un préjudice grave et spécial. Il leur appartient toutefois, dans l'un comme dans l'autre cas, de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et les travaux entrepris sous maîtrise d'ouvrage de la commune.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des attestations produites par M. et Mme C..., que les intéressés pouvaient, au moins jusqu'en 2015, accéder à leur garage au volant de leurs véhicules. Les requérants soutiennent qu'à la suite de travaux entrepris en 2017 par la commune ... lors de la construction de l'atelier communal, un rehaussement de la voirie est intervenu au droit de leur garage, ce qui a rendu son accès impossible pour leurs véhicules dont l'avant frotte désormais sur le sol à l'entrée du garage. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, lors des travaux réalisés en 2017, une nouvelle couche de bitume, qui aurait été de nature à modifier les conditions d'accès au garage, aurait été déposée sur la descente de garage à la demande ou pour le compte de la commune .... Au surplus, et contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., il ne résulte également pas de la même instruction qu'un rehaussement de la chaussée aurait été effectué à l'occasion de ces travaux. En particulier, les photographies produites mettent clairement en évidence qu'entre 2015 et 2021, le niveau du sol constaté à partir des parpaings bordant la propriété des requérants est resté identique. De même, il résulte de ces photographies, alors même que l'aménagement du parking en face de leur propriété a nécessité d'être légèrement surélevé, que la chaussée longeant leur garage n'a subi aucune modification entre 2015 et 2018. Enfin, il résulte du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) relatif à la construction de l'atelier communal (lot 1) et du décompte général et définitif présenté par le maître d'œuvre, que les travaux ne portaient pas sur la voirie, ce document mentionnant que " la voirie communale existante [est] conservée en l'état ". Il suit de là que les requérants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du lien de causalité entre l'impossibilité d'utiliser leur garage pour stationner leurs voitures et les travaux réalisés en 2017 par la commune ... lors de la construction de l'atelier communal, ni que le désordre allégué provient de l'existence même de l'ouvrage public. Par suite, ils ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute ou sans faute de la commune ....
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune ..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune ... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront à la commune ... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et A... C... et à la commune ....
Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.
Le rapporteur
M. LHIRONDEL
Le président
D. SALVI
La greffière
A. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03503