Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Labale, M. F... A..., M. E... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 septembre 2018 par laquelle le maire de Lisieux a retiré le permis de construire qui leur avait été délivré par un arrêté du 8 février 2018 ainsi que la décision du 16 janvier 2019 par laquelle il a rejeté leur recours gracieux contre ce retrait.
Par un jugement n° 1900524 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2020 et le 29 janvier 2021, la commune de Lisieux, représentée par Me Sabattier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Labale, MM. A..., C... et B... devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge des intimés la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est recevable, quand bien même elle n'a pas fait l'objet des mesures de notification prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle se fonde sur l'erreur qu'a commise le tribunal en analysant, à tort, la décision contestée comme un retrait de permis de construire ;
- la demande de première instance était irrecevable : la décision contestée ne présente pas le caractère d'une décision faisant grief dès lors qu'elle n'emporte aucune modification de l'ordonnancement juridique et constitue, tout au plus, un acte préparatoire à l'édiction d'un arrêté de police administrative pris sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; elle doit, en effet, s'analyser comme une simple mise en garde de la société bénéficiaire du permis de construire sur les risques administratif et pénal auxquels elle s'expose, et s'attachant au non-respect du périmètre de protection rapprochée du captage d'eau potable des " sources de Grais " ;
- la décision contestée ne saurait être regardée, pour les mêmes raisons, comme une décision procédant au retrait du permis de construire délivré à la SCI Laballe, M. A..., M. C... et M. B..., puis transféré à la société Audincourt 47, aux droits de laquelle est venue la société Coréal ;
- aucun des moyens soulevés en première instance n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 octobre 2020 et le 11 février 2021, la SCI Labale, M. F... A..., M. E... C... et M. D... B..., représentés par Me Huglo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Lisieux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne leur a pas été notifiée dans les conditions prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- la demande de première instance était recevable : la décision contestée doit, en effet, s'analyser comme une décision leur faisant grief dès lors qu'en conditionnant le commencement des travaux autorisés par le permis de construire à des conditions nouvelles, à savoir la réalisation d'une étude hydrogéologique chargée de déterminer si le projet commercial autorisé est compatible avec la protection des sources de Grais, et validée par l'agence régionale de santé, le maire de Lisieux a entendu, en réalité, procéder au retrait de ce permis ;
- la décision contestée est intervenue après l'expiration du délai de retrait de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, les nouvelles conditions énoncées dans la décision contestée ne sont pas légalement justifiées : le projet de construction ne méconnaît pas, à raison de sa nature commerciale ou de sa localisation dans une zone dite d'activités, les dispositions de l'article 10.2 de l'arrêté préfectoral du 10 juillet 2008, modifié ; le maire de Lisieux ne pouvait pas, en l'absence de disposition en ce sens, conditionner le commencement d'exécution des travaux à la production d'une étude hydrogéologique, ni à l'avis ou l'accord préalable du directeur général de l'agence régionale de santé ; l'analyse faite par les services de l'Etat de la conclusion de cette étude hydrogéologique est, en tout état de cause, erronée ; la commune de Lisieux ne pouvait pas, sans méconnaître le principe général du droit interdisant aux collectivités territoriales de consentir des libéralités et le droit de propriété, décider de prendre en charge financièrement la réalisation d'une étude hydrogéologique sur un terrain dont elle n'est plus propriétaire, et ce même au titre des pouvoirs de police générale du maire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... ;
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Jablonski, substituant Me Sabattier, représentant la commune de Lisieux.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 février 2018, le maire de Lisieux a délivré à MM. A..., C... et B... un permis de construire, valant autorisant d'exploitation commerciale, en vue de la construction d'un bâtiment commercial, d'une surface de plancher de 2 000 mètres carrés, et de l'aménagement d'un parc de stationnement, composé de quarante-quatre places, sur un terrain situé rue Augustin Fresnel à Lisieux. Par un courrier du 21 septembre 2018, le maire de Lisieux a indiqué à la SCI Laballe, propriétaire du terrain d'assiette du projet, et dont M. A... est gérant et MM. C... et B... sont membres, qu'elle ne pouvait pas engager les travaux autorisés par le permis de construire accordé à ses membres. La SCI Laballe a formé un recours gracieux contre cette décision. Par un courrier du 16 janvier 2019, le maire de Lisieux a rejeté ce recours. La commune de Lisieux relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision contestée et la décision de rejet du recours gracieux.
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 8 février 2018 du maire de Lisieux est assorti d'une prescription spéciale relative au captage d'eau potable des sources de Grais existant à proximité de ce terrain, et rappelant que " toutes les mesures devront être prises pour garantir la préservation de cette ressource en eau ". Par un courrier du 21 septembre 2018, le maire de Lisieux a indiqué à la SCI Laballe qu'elle ne pouvait pas engager les travaux autorisés par ce permis de construire au motif que, en l'absence d'étude hydrogéologique, il n'était pas établi que les mesures prévues dans le dossier de demande étaient suffisantes pour éviter tout risque d'atteinte à la salubrité publique et que l'agence régionale de santé était, en l'état du dossier, opposée à la réalisation du projet, le terrain d'assiette étant situé à l'intérieur du périmètre de protection rapprochée des sources de Grais institué par l'arrêté du 10 juillet 2008, modifié, du préfet du Calvados. Ce courrier manifeste clairement la volonté du maire de Lisieux d'empêcher le commencement d'exécution des travaux autorisés et de revenir sur sa décision initiale d'accorder le permis de construire en raison de l'existence d'un doute quant à la légalité d'un aspect du projet au regard d'une servitude d'utilité publique. Un tel courrier doit être regardé, eu égard à ses effets pour les bénéficiaires du permis de construire, comme révélant l'existence d'une décision de retrait de permis de construire. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la SCI Labelle, cette décision de retrait, ce qui a eu pour effet de rétablir le permis de construire accordé à MM. A..., C... et B.... Il appartenait, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, à la commune de Lisieux, dont l'appel tend à l'annulation de ce jugement, de notifier sa requête aux bénéficiaires du permis de construire. Il est constant qu'elle n'a pas accompli cette formalité. La requête de la commune de Lisieux est, dès lors, irrecevable et doit, en conséquence, être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Laballe et de MM. A..., C... et B..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la commune de Lisieux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lisieux une somme globale de 1 500 euros à verser à la SCI Labale et à MM. A..., C... et B... au titre de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Lisieux est rejetée.
Article 2 : La commune de Lisieux versera à la SCI Labale et à MM. A..., C... et B... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Laballe, M. F... A..., M. E... C..., M. D... B... et à la commune de Lisieux.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
M. Le Brun, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2022.
Le rapporteur,
Y. G...
Le président,
A. PEREZ
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00641