Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 27 juillet 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Klorane Fallone Madeleine Bayang Um un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial.
Par un jugement n°s 2100504 et 2100758 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 août et 10 décembre 2021, Mme B... C..., représentée par Me Zouaoui, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé.
Elle soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est entachée d'erreur dans l'appréciation de son lien de filiation avec l'enfant pour lequel le visa est demandé ;
- elle a été prise en violation des dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au regroupement familial ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à ses écritures en défense de première instance et soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 27 juillet 2020 de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer à l'enfant Klorane Fallone Madeleine Bayang Um un visa de long séjour demandé au titre du regroupement familial. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 novembre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
2. La commission de recours a fondé la décision contestée sur la circonstance qu'en réponse à une demande de levée d'acte, les autorités camerounaises compétentes ont indiqué que l'acte de naissance produit correspond à une tierce personne et que la production d'un tel document relève d'une intention frauduleuse et ne permet pas d'établir l'identité de la demanderesse et son lien familial allégué avec la personne à rejoindre en France.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits.
4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
6. A l'appui de la demande de visa présentée pour l'enfant Klorane Fallone Bayang Um, a été produit un acte de naissance n° 278/2007 dressé le 15 septembre 2007 au centre d'état civil de Yaoundé Ier. L'autorité consulaire française a adressé aux services de l'état civil camerounais une demande d'authentification de cet acte, laquelle a révélé que l'acte de naissance produit concernait une tierce personne. Toutefois, la requérante a produit au cours de l'instance d'appel un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 25 janvier 2021 par le tribunal de grande instance de Mfoundi ainsi que l'acte de naissance dressé le 12 novembre 2021 en transcription de ce jugement supplétif. Dans ses écritures en défense, le ministre de l'intérieur qui se réfère à ses écritures de première instance, n'apporte aucun élément de nature à établir que le jugement du 25 janvier 2021 aurait un caractère frauduleux. Dès lors, en refusant la délivrance du visa demandé au motif que le lien de filiation allégué n'était pas établi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation sur lequel le présent arrêt est fondé, son exécution implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Klorane Fallone Madeleine Bayang Um. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2021 et la décision du 18 novembre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Klorane Fallone Madeleine Bayang Um un visa de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02388