Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 7 février 2020 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours formé le 7 octobre 2019 contre la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le préfet de la Loire a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.
Par un jugement no 2001920 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 décembre 2021, M. C..., représenté par la SELARL Ad Justitiam, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours formé le 7 octobre 2019 contre la décision du 17 juillet 2019 par laquelle le préfet de la Loire a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 10 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 17 juillet 2019, le préfet de la Loire a déclaré irrecevable la demande de naturalisation formée par M. C..., ressortissant arménien né le 11 janvier 1951. Le recours formé le 7 octobre 2019 devant le ministre de l'intérieur contre cette décision a été implicitement rejeté le 7 février 2020. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annuler cette décision du ministre de l'intérieur.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / (...). " Aux termes de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques "écouter", "prendre part à une conversation" et "s'exprimer oralement en continu" du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008. (...) ". Aux termes de l'article 37-1 de ce décret : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : / (...) 9° Un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 37 et délivré dans les conditions définies par cet article ou, à défaut, une attestation délivrée dans les mêmes conditions justifiant d'un niveau inférieur. Sont toutefois dispensées de la production de ce diplôme ou de cette attestation les personnes titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français. Bénéficient également de cette dispense les personnes souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgées d'au moins soixante ans ". Aux termes de l'article 41 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige : " Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande. / Lors d'un entretien individuel, l'agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37. (...) / L'entretien individuel prévu au deuxième alinéa permet de vérifier que maîtrisent un niveau de langue correspondant au niveau exigé en vertu de l'article 37 : / (...) / b) Les demandeurs souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans. / (...) ".
3. Si les dispositions citées au point précédent n'exonèrent pas, en principe, le postulant à la nationalité française âgé d'au moins soixante ans ou atteint d'un handicap de justifier d'une connaissance de la langue française dans les conditions qu'elles édictent, l'autorité administrative ne peut légalement déclarer irrecevable une demande de naturalisation en se fondant sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisante connaissance de la langue française lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.
4. Il ressort des écritures en défense produites par le ministre de l'intérieur en première instance que, pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de M. C..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que son niveau de connaissance de la langue française, inférieur au niveau B1 oral requis par les dispositions de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993, était insuffisant.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de soixante-huit ans à la date de la décision contestée, a été dispensé de produire le diplôme ou l'attestation prévue à l'article 37-1 du décret mais a subi un entretien individuel en vue d'évaluer notamment son niveau de langue, en application de l'article 41 du même décret. Il ressort du compte-rendu de cet entretien que M. C... a su répondre à quelques énoncés relatifs à l'invitation à s'asseoir et à présenter son titre de séjour ainsi qu'à indiquer son état civil, mais n'a pas été en mesure de répondre à des questions ouvertes portant sur sa vie sociale et professionnelle ni de communiquer sur des sujets en relation avec ses intérêts personnels.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., présent en France depuis 2005, n'a commencé qu'en septembre 2008 une formation linguistique dans le cadre de son " contrat d'accueil et d'intégration ", qu'il a dû interrompre dès décembre 2008 en raison de son état de santé. Postérieurement à l'ajournement, le 2 juin 2010, de sa première demande de naturalisation, et à la reconnaissance de sa qualité d'adulte handicapé en avril 2010, M. C... a de nouveau suivi des cours de français à compter du 6 janvier 2011 à raison de 2 heures par semaine, durant lesquels il s'est montré, selon une attestation versée au dossier, " impliqué " et " actif dans son apprentissage ", conduisant à des progrès " réels ". Enfin, alors que son épouse et ses enfants majeurs ont acquis la nationalité française, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux versés au dossier, que les handicaps physiques et psychiques dont souffrait M. C... à la date de la décision contestée, notamment du fait d'une " personnalité évitante avec un mode général d'inhibition sociale " et " d'hypersensibilité au jugement d'autrui ", le rendaient incapable d'acquérir le niveau de langue requis par les dispositions mentionnées au point 2 du présent arrêt. Ainsi, le ministre de l'intérieur a pu légalement constater l'irrecevabilité de la demande de naturalisation de M. C... en se fondant sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne justifiait pas d'un niveau suffisant de maîtrise de la langue française, cette insuffisance ne résultant pas directement de ses handicaps.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. C... soutient qu'il réside en France depuis 2005 et que son épouse et ses deux enfants, de nationalité française, résident en France, de même que ses petits-enfants, la déclaration d'irrecevabilité de sa demande de naturalisation n'est, par nature, pas susceptible de porter par elle-même à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2022.
Le rapporteur,
F.-X. A...La présidente,
C. Buffet
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT03571