Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2008241 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, M. A..., représenté par Me Danet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 23 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une présence en France depuis plus de dix ans ; elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il invoque la circulaire du 28 novembre 2012 ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Guilbaud, substituant Me Danet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 6 août 1974 à Dakar (Sénégal), déclare être entré en France à la fin de l'année 2005. Il a sollicité le 18 janvier 2018 son admission exceptionnelle au séjour. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille. S'il fait valoir qu'il réside en France depuis 2005, il ne justifie pas d'une résidence habituelle sur le territoire par la participation à divers concerts et prestations musicales sur la période de 2010 à 2020. Il n'en justifie pas davantage par la production de documents éparses composés de quelques factures, de justificatifs de domiciliation postale auprès de divers organismes pour les années 2013 à 2021 ou de quelques courriers reçus sur cette période. Sa participation depuis 2014 aux activités du groupement d'accueil service promotion du travailleur immigré à Nantes en animant, ainsi que le précise une attestation du 11 novembre 2019, des permanences d'accueil, sans plus de précision sur la régularité d'une telle activité, ou en participant à des animations musicales en 2018, n'atteste pas davantage d'une résidence habituelle en France. L'ensemble des documents produits, et notamment les diverses attestations rédigées en juin et juillet 2021 attestent seulement d'une présence habituelle en France de l'intéressé depuis 2018. En outre, l'intéressé ne démontre pas une intégration particulière à la société française au-delà d'une implication associative et de quelques dates de concerts auxquels il a participé et ne justifie notamment d'aucun lien personnel en France. Il ne justifie pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, alors qu'il est d'ailleurs constant que M. A... était sur cette période titulaire d'un passeport en cours de validité qu'il a pu renouveler auprès des autorités consulaires sénégalaises en France en 2015 en utilisant son adresse de domiciliation postale et qui lui permettait ainsi de retourner dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ".
4. En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.
5. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) ".
7. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code.
8. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
9. Les éléments de la vie personnelle du requérant, tels que décrits au point 2 du présent arrêt, ne caractérisent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, M. A... ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions de cet article. Par suite, le préfet n'a pas manifestement méconnu les dispositions de cet article.
10. En troisième lieu, le requérant ne saurait davantage utilement se prévaloir des orientations générales, que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, résultant de la circulaire du 28 novembre 2012, dès lors qu'il ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation.
11. En quatrième lieu, le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le requérant, il n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir un titre de séjour en application des dispositions de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'établit pas non plus, à la date de la décision attaquée, l'existence d'une résidence habituelle en France depuis dix ans, ainsi qu'il a été dit précédemment. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire-Atlantique était tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour doit être écarté.
12. En cinquième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de cette annulation, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Danet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.
La rapporteure,
L. B...
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT01525