Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 novembre 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui fixer un rendez-vous pour présenter une demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2000307 du 31 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Gourlaouen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cette décision du 27 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine d'enregistrer et d'examiner sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'acte contesté constitue bien une décision défavorable susceptible de recours ;
- en l'absence de signature, de nom, prénom et qualité de son auteur, la décision contestée, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- cette décision doit être regardée comme étant entachée d'une incompétence de son auteur ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée le 1er juillet 2021 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante du Sri Lanka née le 20 septembre 2001, est entrée en France le 11 juin 2017, sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 13 juillet 2017. Elle relève appel du jugement du 31 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande, analysée par le tribunal comme tendant à l'annulation d'une décision du 27 novembre 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine refusant de lui fixer un rendez-vous pour présenter une demande de titre de séjour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable, disposent que " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " et que " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a sollicité un rendez-vous auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 25 septembre 2019 en vue de présenter une demande de carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " et a rempli à cet effet un formulaire en ligne, envoyé à une adresse électronique créée par la préfecture pour la transmission dématérialisée des premières demandes de titre de séjour. Par courriel du 22 novembre 2019, un agent du bureau du séjour de la préfecture a demandé à l'intéressée, pour compléter sa demande de titre de séjour, d'envoyer une copie de son visa d'entrée en France puis, Mme C... ayant transmis, par courriel du 27 novembre 2019 à 14 h 44, une copie de son visa d'entrée en France, l'agent instructeur, par courriel du 27 novembre 2019 à 15 h 10, lui a demandé de présenter un visa de long séjour et non un visa de court séjour comme celui transmis. Le 29 novembre 2019, le conseil de Mme C... a alors adressé à plusieurs agents de la préfecture un courriel comportant en pièce jointe un courrier adressé à la préfète d'Ille-et-Vilaine et exposant que la situation de l'intéressée justifiait qu'un visa de long séjour ne soit pas exigé, afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité en France et d'y passer les épreuves du baccalauréat. Ce courrier est resté sans réponse.
4. A la suite de la demande de titre de séjour adressée par Mme C... aux services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine dans les conditions rappelées ci-dessus, le préfet qui, en l'espèce, n'a pas entendu se prononcer expressément sur une telle demande en se limitant à demander à l'intéressée la communication d'un visa de long séjour, a, en gardant le silence pendant un délai de quatre mois, fait naître une décision implicite de rejet. Dès lors, Mme C... devait être regardée comme demandant l'annulation de cette décision implicite. Il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal, qui s'est mépris sur la portée de sa demande, a irrégulièrement rejeté sa demande comme manifestement irrecevable. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité de la décision implicite du préfet d'Ille-et-Vilaine :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " (...) la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes du I de l'article L. 313-7 de ce code : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) ". Aux termes de l'article R. 313-10 du même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-1 : 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., lycéenne, ne se prévaut ni d'avoir suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuivre des études supérieures, ni d'avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire.
8. Dans ces conditions, elle ne justifie pas qu'elle pourrait bénéficier de l'une des exemptions à l'obligation de justifier d'un visa de long séjour prévues par les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La seule perspective de sa présentation à l'examen du baccalauréat en fin d'année scolaire 2019-2020, ne permet pas de caractériser un état de nécessité lié au déroulement des études au sens du I de l'article L. 313-7 et du 1° de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui aurait été susceptible de l'exempter de l'obligation de présenter un visa de long séjour à l'appui de sa demande de titre de séjour. Par suite, Mme C... qui n'est pas en possession d'un visa de long séjour, comme l'exige les articles L 313-2 et L 313-7, n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions citées au point 6.
9. En deuxième lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir d'un vice d'incompétence, d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation au soutien de conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet en litige. Elle ne peut pas davantage se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet l'aurait examinée à ce titre.
10. En troisième et dernier lieu, si Mme C... se prévaut de la présence en France de sa mère et de sa grand-mère, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dernières y seraient détentrices d'un titre de séjour. La circonstance que l'intéressée aurait noué en France des relations amicales à la faveur de sa scolarisation ne peut suffire, eu égard à l'objet et à la portée de la décision en litige, à retenir que le préfet aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté implicitement sa demande de titre de séjour.
Sur le surplus des conclusions :
12. Le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au bénéfice du conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 2000307 du 31 janvier 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023 , à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT017722