Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office et lui a interdit le retour en France pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2200918 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022, M. E... A... B..., représenté par Me Gonultas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 7 février 2022 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de retour en France sont contraires à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la durée de l'interdiction de retour en France de trois ans est excessive.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A... B..., de nationalité tunisienne, né le 26 avril 2018, est entré en France en 2017 sous couvert d'un visa de court séjour au-delà de la durée de validité duquel il s'est maintenu en situation irrégulière. Par arrêté du 7 février 2022, le préfet d'Eure-et-Loir l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office, et lui a interdit le retour en France pour une durée de trois ans. M. A... B... relève appel du jugement du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. M. A... B... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas de la motivation de l'arrêté litigieux, que le préfet d'Eure-et-Loir n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
4. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dispose que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est entré en France le 23 août 2017 et qu'il s'y est maintenu irrégulièrement à compter du 9 octobre 2017, date d'expiration du visa de court séjour qui lui avait été délivré. Par arrêté du 24 novembre 2020, le préfet d'Eure-et-Loir lui a refusé le séjour en France et a assorti ce refus d'une première mesure d'obligation de quitter le territoire français. Il est constant qu'il est séparé de la ressortissante française avec laquelle il est marié et qu'il est en instance de divorce. S'il fait valoir sa relation de couple avec une autre ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant de nationalité française né en 2021, le second qu'il n'a pas déclaré étant né quelques jours après l'intervention de l'arrêté en litige, les éléments qu'il produit, à savoir quelques photographies, des attestations de sa belle-mère et de la mère de ses enfants, ainsi qu'une attestation d'une sage-femme selon laquelle il aurait accompagné la mère de son enfant à une consultation de suivi de grossesse le 5 août 2020, sont insuffisantes pour justifier qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française depuis sa naissance. Dans le cadre de son audition par les services de police le 7 février 2022, il a d'ailleurs déclaré vivre dans sa voiture depuis qu'il l'avait acquise deux semaines auparavant et être domicilié chez un ami depuis septembre 2021. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents et sa sœur. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Enfin, pour les mêmes motifs, cette mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; "
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les éléments produits par M. A... B... ne suffisent pas à établir qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant français né en 2021. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) "
9. Il est constant que M. A... B... était en France depuis août 2017, soit depuis moins de cinq ans à la date de la décision contestée et qu'il avait déjà fait l'objet d'une première mesure d'éloignement en novembre 2020 qu'il n'a pas exécutée. M. A... B... ne conteste pas les motifs de l'arrêté en litige selon lesquels il est défavorablement connu des services de police pour de multiples infractions en 2020 et 2021, et si M. A... B... a indiqué dans le cadre de son audition par les services de police qu'il n'a jamais été condamné en France, il a déclaré avoir fait de la prison en Tunisie et a été interpelé en février 2022 à l'occasion d'une infraction routière. En outre, s'il justifie avoir des liens avec son enfant de nationalité française, il n'établit pas contribuer effectivement à son éducation et à son entretien. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en décidant de lui interdire le retour en France pour la durée maximale de trois ans, le préfet d'Eure-et-Loir n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande qu'il a présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
La rapporteure,
J. C...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02866