Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C..., Mme K... F... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 janvier 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry du 18 octobre 2017 rejetant les demandes de visas de long séjour de Mme K... F..., de Mme B... C... et de M. I... C... en qualité de membres de famille de réfugié.
Par un jugement n° 1802510 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 janvier 2022 et 9 février 2023, lequel n'a pas été communiqué, M. G... C..., Mme K... C... et Mme B... C..., représentés par Me Renard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 24 janvier 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) du 18 octobre 2017 rejetant les demandes de visas de long séjour de Mme K... F..., de Mme B... C... et de M. I... C... présentées en qualité de membres de famille de réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer les demandes de visa dans les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'identité des demandeurs de visa et leurs liens avec M. C... étant établis par les pièces produites le motif opposé par la commission ne pouvait fonder légalement la décision ;
- la décision est intervenue en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... C..., ressortissant guinéen né le 1er avril 1978, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 7 juillet 2009 par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. Mme F..., ressortissante guinéenne née le 9 mars 1978 présentée comme son épouse, ainsi que Mme B... C..., née le 2 novembre 1998 et M. I... C..., né le 1er janvier 2006, présentés comme leurs enfants, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. Par une décision du 18 octobre 2017, les autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) ont rejeté leurs demandes. Par une décision du 24 janvier 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Par un jugement du 6 avril 2021, dont M. C..., Mme F... et Mme C... relèvent appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le jugement attaqué rejette le recours présenté notamment par Mme F... au motif que sa demande de visa relève d'une intention frauduleuse, les pièces du dossier n'établissant pas son identité et son lien matrimonial avec M. C.... Les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des demandeurs, rejettent ensuite les demandes de visa présentées par Mme B... et M. I... C... dès lors que ni leur identité ni leur lien de filiation ne peuvent, par voie de conséquence, être regardés comme établis. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / (...) Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.
5. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
7. La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours formé par M. C... contre la décision des autorités consulaires françaises à Conakry est fondé sur le fait que l'identité des demandeurs de visas, présentés comme l'épouse de M. C... et leurs deux enfants, n'est pas établie par les documents produits, lesquels révèlent une intention frauduleuse.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'afin d'établir son identité et sa qualité d'épouse de M. C..., Mme F... a produit divers documents dont un jugement supplétif d'acte de naissance établi à sa demande le 12 janvier 2015 par le tribunal de 1ère instance de Boké (Guinée), un acte de naissance transcrivant ce jugement dans les registres d'état-civil de la commune de Fria établi le lendemain ainsi qu'un passeport guinéen établi le 31 décembre 2014. Toutefois, en l'espèce, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit un courriel des services consulaires à Conakry, accompagné de deux photographies non ambiguës, établissant que la personne se présentant désormais comme Mme F... avait déjà présenté une demande de visa en 2014 sous l'identité de Mme H... E..., mariée à M. A... J... C... et mère de trois enfants. Par ailleurs, il résulte des documents précités que la demandeuse de visa se présentant comme Mme F... a produit un jugement supplétif de naissance postérieur à la demande de visa de 2014 et un passeport établi avant même ce jugement supplétif et comportant des anomalies. Ce dernier mentionne ainsi un numéro d'identification national unique guinéen correspondant à celui d'un homme et, alors qu'il est censé avoir été établi par référence au numéro figurant sur un acte de naissance validé par les autorités guinéennes en charge de la délivrance des passeports, ce numéro est sans lien avec l'acte de naissance établi postérieurement, sans qu'il soit expliqué d'où provient ce numéro qui ne correspond pas à celui de la demandeuse de visa. La circonstance que M. C... a été constant dans ces déclarations précédentes sur le nom de sa conjointe et la composition de sa famille est ici sans incidence alors que c'est l'identité de la demandeuse de visa qui n'est pas établie. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer établi que la demande de visa présentée au nom de Mme F... l'a été par une personne dont l'identité ne peut être établie au terme de manœuvres frauduleuses.
9. En conséquence de ce qui précède l'identité de Mme B... C..., née le 2 novembre 1998 et celle de M. I... C..., né le 1er janvier 2006, ne peuvent être établies par les pièces du dossier alors que leurs demandes de visa ont été présentées en même temps que celle de la demandeuse de visa à l'identité non établie qu'ils présentent comme leur mère.
10. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, s'agissant du jeune I... C..., doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., Mme F... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... C..., de Mme K... F... et de Mme B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme K... F..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- M. Frank, premier conseiller,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. D...
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
A. FRANK
La greffière,
H. EL HAMIANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00287