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26/05/2023 | FRANCE | N°22NT00211

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 mai 2023, 22NT00211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 juillet 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 mars 2019 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à M. B... C... un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.

Par un jugement n°2012929 du 14 juin 2021, le tribunal ad

ministratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 juillet 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 mars 2019 de l'autorité consulaire française à Bamako (Mali) refusant de délivrer à M. B... C... un visa de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.

Par un jugement n°2012929 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, M. D... C... et M. B... C..., représentés par Me Magdelaine, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 31 juillet 2019 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient :

- à titre principal, que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, que les anomalies entachant l'acte de décès de la mère du demandeur de visa permettent de douter du décès de cette dernière, laquelle aurait dès lors dû consentir la délégation de l'autorité parentale au profit de M. D... C....

Par ordonnance du 14 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 avril 2023.

Un mémoire présenté pour M. D... C... et M. B... C... a été enregistré le 3 mai 2023, postérieurement à la clôture et n'a pas été communiqué.

M. C... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet

- et les observations de Me Le Floch, substituant Me Magdelaine, pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant malien, né le 18 mai 2001, a présenté une demande de visa de long séjour auprès des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) en qualité d'enfant de M. D... C..., ressortissant français. Par une décision du 4 mars 2019, ces autorités ont refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision du 31 juillet 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... C... et de M. D... C... tendant à l'annulation de cette décision de la commission de recours. M. B... C... et M. D... C... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par le jeune B... C..., la commission de recours s'est fondée sur ce que l'acte de naissance produit comporte des anomalies lui ôtant tout caractère authentique.

5. Pour justifier de l'identité du jeune B... C... et de son lien de filiation avec M. D... C..., sont produits le volet n°3 de l' acte de naissance n°38/RegI, dressé par un officier d'état civil de la commune III de Bamako, qui mentionne que l'enfant est né, le 18 mai 2001, de Mme A... E... et de M. D... C..., la copie littérale de l'acte de naissance, certifiée conforme à l'original n°38/RegI de l'année 2001 par le centre d'état civil de la commune III de Bamako, mentionnant M. D... C... comme ayant déclaré, le 31 mai 2001, soit dans le délai légal de 30 jours, l'enfant B... comme son fils et l'extrait de cet acte de naissance délivré le 13 octobre 2016 par un officier d'état civil du centre secondaire de Bamako portant les mêmes mentions de filiation. Il n'est pas contesté que le jeune B... C... est né hors mariage. Le ministre ne peut utilement soutenir que l'acte de reconnaissance de l'intéressé par M. D... C... ne serait pas mentionné en marge de l'acte de naissance, en méconnaissance de l'article 72 de la loi 87-27 du 16 mars 1987 de la loi malienne relative à l'état-civil, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, M. D... C... a déclaré, le 31 mai 2001, soit dans le délai légal de 30 jours, l'enfant B... comme son fils de sorte que cette reconnaissance résulte de l'acte de naissance lui-même, conformément à l'article 36 du code malien de la parenté et à l'article 80 de la loi malienne du 16 mars 1987. Par ailleurs, les circonstances que le volet n° 3 de l'extrait d'acte de naissance, remis au déclarant, qui est revêtu de la signature de l'officier d'état-civil, précédée de ses nom et prénom, et du tampon du centre principal de la commune III du district de Bamako, ne comporte pas la signature de M. D... C..., en méconnaissance de l'article 44 malienne n° 87-27 et que la date de déclaration de la naissance a été inscrite en chiffres et non en toutes lettres, en méconnaissance de l'article 43 de cette même loi, ne suffisent pas à priver l'acte de naissance de valeur probante. Enfin, le ministre ne peut utilement soutenir que l'acte de naissance produit ne comporte pas le numéro " NINA ", celui ayant été institué par la loi malienne n° 06-040 du 11 août 2006, postérieurement à la date d'établissement de cet acte. Il résulte de ce qui précède que c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer le visa sollicité au motif que l'identité et le lien familial du jeune B... C... à l'égard de M. D... C... n'étaient pas établis.

6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance communiqué aux requérants, un autre motif tiré de ce qu'aucun document ne permettant d'établir que la mère du jeune B... C... était décédée, celle-ci devait autoriser son fils à rejoindre son père en France. Les requérants ont toutefois versé au dossier la copie littérale, certifiée conforme le 4 juillet 2017 par l'officier d'état-civil du centre principal de Kirané, de l'acte de décès n° 006 de Mme A... E..., dont le décès est survenu le 15 février 2004. Ni la circonstance que la copie littérale de cet acte n'est pas revêtue de la signature du déclarant du décès, cette signature n'étant pas requise par l'article 63 de la loi malienne du 16 mars 1987, ni celle que la date de déclaration du décès de Mme A... E... est inscrite en chiffres et non en toutes lettres, en méconnaissance de l'article 43 de cette même loi ne sont de nature à établir que l'acte de décès ne serait pas authentique. Par suite, le motif invoqué par le ministre de l'intérieur n'est pas de nature à fonder légalement la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. La demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut donc être accueillie.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa d'entrée et de long séjour soit délivré au jeune B... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. M. D... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Magdelaine dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 31 juillet 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... C... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Magdelaine une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

Aline LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00211
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-26;22nt00211 ?
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