Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la commission nationale instituée pour l'application de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 a confirmé la décision du 16 février 2018 de la commission régionale des Pays de la Loire refusant de l'autoriser à demander son inscription sur le tableau de l'ordre des experts-comptables.
Par un jugement n° 1904484 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 19 février 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2022 ;
2°) d'annuler cette décision du 19 février 2019.
Il soutient que :
- le premier juge a méconnu son office dès lors que les moyens relatifs à la composition des organes rendant des décisions administratives ne sont pas d'ordre public ; le moyen tiré par le tribunal de la méconnaissance des règles de majorité prévue par le décret du 30 mars 2012 est inopérant ; le tribunal aurait dû examiner le moyen tiré de l'appréciation des mérites de l'intéressée ;
- la commission nationale était régulièrement composée dès lors que le quorum était atteint et le nom de ses membres mentionné ;
- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise quant à l'appréciation des mérites de Mme B... au regard des compétences attendues d'un expert-comptable.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Salquain, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation de la décision prise par la commission nationale instituée par l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 le 27 février 2019 ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à cette commission d'autoriser son inscription à l'ordre des experts-comptables dans un délai de 15 jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen invoqué par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
- le décret n° 2012-432 du 30 mars 2012
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brisson,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui exerce la profession de comptable et de conseillère de gestion, a sollicité de la commission régionale des Pays de la Loire l'autorisation de demander son inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables, en application des dispositions de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945. Sa demande a été rejetée par une décision du 16 février 2018 de la commission régionale des Pays de la Loire. Mme B... a saisi la commission nationale d'un recours contre cette décision. Par une décision du 19 février 2019, la commission nationale a confirmé cette décision et décidé de ne pas autoriser Mme B... à demander son inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables. Aux termes du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée portant institution de l'Ordre des experts-comptables : " Les personnes ayant exercé une activité comportant l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité, et qui ont acquis de ce fait une expérience comparable à celle d'un expert-comptable particulièrement qualifié, pourront être autorisées à demander leur inscription au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable ". Aux termes l'article 84 du décret du 30 mars 2012 visé ci-dessus : " Les personnes mentionnées à l'article 7 bis peuvent demander l'autorisation de s'inscrire au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable lorsqu'elles justifient de quinze ans d'activité dans l'exécution de travaux d'organisation ou de révision de comptabilité, dont cinq ans au moins dans des fonctions ou missions comportant l'exercice de responsabilités importantes d'ordre administration, financier et comptable ". Aux termes de l'article 85 dudit décret : " (...) La demande est soumise pour décision à une commission instituée dans le ressort de chaque conseil régional dans le délai maximum de six mois à la date du récépissé ". En vertu de l'article 88 dudit décret du 30 mars 1992 : " Les décisions de la commission régionale peuvent, dans le mois qui suit la réception de la notification mentionnée à l'article précédent, faire l'objet d'un appel devant une commission nationale composée : a) Du commissaire du Gouvernement près le Conseil supérieur de l'ordre, président ; b) De deux représentants du ministre chargé de l'éducation ; c) De deux représentants du ministre chargé de l'économie ; d) De trois experts-comptables désignés par le Conseil supérieur de l'ordre ; e) De trois salariés exerçant des fonctions comptables et appartenant aux cadres supérieurs d'entreprises industrielles ou commerciales nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie. / Hormis le président, chacun des membres titulaires peut être remplacé par un ou plusieurs membres suppléants désignés dans les mêmes conditions. / Le recours mentionné au premier alinéa peut être formé par le candidat, le président du conseil régional de l'ordre et le commissaire du Gouvernement près ce conseil. Dans ces deux derniers cas, le recours est communiqué au candidat, qui est mis à même de présenter utilement ses observations. / Les décisions de la commission nationale sont motivées ". Aux termes de l'article 91 de ce même décret, la commission nationale délibère valablement " lorsque sept de ses membres sont présents ". Aux termes de l'article 92 dudit décret : " Les admissions au bénéfice de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée sont décidées par la commission à la majorité des membres qui la composent et non des seuls membres présents. / Si cette majorité n'est pas atteinte et si la moitié au moins des membres présents se sont prononcés en faveur de l'admission, il est procédé immédiatement à une nouvelle délibération. / La commission statue alors à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, la demande est considérée comme rejetée ".
3. Il résulte de ces dispositions que les décisions d'admission rendues par la commission nationale d'admission au bénéfice de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945 sont prises à la majorité des membres qui la composent et non des seuls membres présents et ce n'est que si cette majorité n'est pas atteinte et si la moitié au moins des membres présents se sont prononcés favorablement qu'une nouvelle délibération doit avoir lieu permettant alors à la commission de statuer à la majorité des membres présents.
4. Mme B... allègue, en se fondant sur les dispositions citées ci-dessus, que le résultat du vote n'a pas été précisé dans la décision en litige de sorte que ce défaut d'information entache la régularité du vote de la commission nationale.
5. Toutefois, la décision contestée par l'intéressée constitue, non pas une décision d'autorisation d'inscription sur la liste nationale des experts-comptables mais une décision de rejet de la demande d'autorisation présentée en ce sens. Dans ces conditions et alors que la requérante n'assortit son moyen d'aucun élément de preuve de nature à en établir le bien-fondé, la décision de rejet contestée doit être regardée comme ayant en l'espèce été prise, implicitement mais nécessairement, à la majorité des 9 membres présents.
6. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de la commission nationale du 27 février 2019.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... tant devant le tribunal qu'en appel.
Sur l'autre moyen invoqué par Mme B... :
8. En application des dispositions précitées peuvent être autorisées à être inscrites au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable les personnes qui, n'étant pas comptables agréés, justifient qu'au cours de la période d'au moins quinze ans où elles ont exécuté des travaux de comptabilité, elles ont exercé pendant cinq ans au moins des responsabilités importantes d'ordre administratif, financier et comptable, leur ayant permis d'acquérir une expérience comparable à celle d'un expert-comptable particulièrement qualifié.
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, s'il est constant que l'intéressée justifie d'une expérience de plus de quinze ans en qualité de comptable, elle a exercé ses fonctions entre 1981 et 2008 au sein d'une association de gestion et de comptabilité agréée chargée de la gestion de la comptabilité d'une centaine d'agriculteurs pour le compte de qui elle effectuait des tâches administratives, financières et comptables et est devenue, en 1990, responsable d'un bureau comprenant de 2 à 7 salariés. Elle a, entre 2009 et 2012, été recrutée par un cabinet comptable dans lequel elle était responsable d'un portefeuille de 150 petites et moyennes entreprises et a été pendant une durée de trois ans, chargée de clientèle et encadrait 3 salariés. Enfin, en 2012, Mme B... a créé sa propre entreprise de prestations administratives et de conseil aux entreprises qui emploie deux salariés.
10. Ainsi, en dépit de la diversité du parcours professionnel de Mme B... et des tâches qu'elle a pu être amenée à effectuer, il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'intéressée, ne pouvait être regardée comme ayant exercé des responsabilités comparables à celles d'un expert-comptable, la commission nationale ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal a annulé la décision prise par la commission nationale instituée pour l'application de l'article 7 bis de l'ordonnance du 19 septembre 1945. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... tant devant le tribunal que devant la cour, par la voie de l'appel incident, tendant à être autorisée à être inscrite sur le tableau de l'ordre des experts-comptables doivent être rejetées.
12. Enfin les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904484 du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.
La rapporteure,
C. BRISSON
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT04065 2