Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé de l'admettre au séjour et a enjoint au préfet de lui délivrer un certificat de résidence algérien de dix ans.
Par un jugement n° 2102689 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer à M. B... A... un certificat de résidence algérien valable dix ans.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2023 et 22 août 2023, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 avril 2023.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait dès lors que l'arrêté litigieux refuse le renouvellement d'un certificat de résidence algérien d'un an et non de dix ans ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien en estimant que la présence de l'intéressé en France constituait une menace avérée et actuelle pour l'ordre public.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 août et 4 septembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Le Blanc, conclut au rejet de la requête et demande en outre à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- Les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 412-5 du CESEDA et des articles 6 et 7 bis de l'accord franco Algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-634 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lellouch a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité algérienne, né le 27 janvier 1966, qui déclare être entré en France en 1979, a bénéficié de certificats de résidence valables dix ans du
15 avril 1991 au 14 avril 2001, puis du 15 avril 2001 au 14 avril 2011. Il s'est vu ensuite délivrer des certificats de résidence algériens temporaires d'un an à compter du 3 octobre 2014, régulièrement renouvelés jusqu'au 24 janvier 2021. Il a signé le 23 février 2021 une demande de renouvellement de titre de séjour et a obtenu le récépissé correspondant le même jour. Par l'arrêté litigieux du 30 septembre 2021, le préfet du Calvados a refusé de renouveler le certificat de résidence algérien d'une durée d'un an dont il était titulaire. Le préfet du Calvados relève appel du jugement du 3 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 30 septembre 2021 et a enjoint au préfet de délivrer à M. B... A... un certificat de résidence algérien valable dix ans.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (..) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
3. Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance ou le renouvellement du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, sous réserve que l'atteinte ainsi portée à la vie privée et familiale n'excède pas ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France depuis 1979 et qu'il a été en situation régulière entre 1991 et 2021. S'il a fait l'objet de multiples condamnations pénales pour des faits de vols par effraction, violences par conjoint ou concubin, ou de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, la plupart de ces condamnations sont très anciennes et ont été prononcées entre 1984 et 2011, en dehors de la dernière prononcée le 21 janvier 2021 pour des faits de vol en récidive qui lui ont valu une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis probatoire. Si le préfet fait valoir que M. A... a été condamné pour de multiples cambriolages à une peine de douze mois d'emprisonnement avec maintien en détention commis entre octobre 2022 et janvier 2023, ces faits sont postérieurs à la décision litigieuse et ne peuvent être pris en considération pour apprécier la légalité du refus de titre contesté, qui s'apprécie à la date à laquelle ce refus est intervenu. Enfin, si M. A... est célibataire et sans emploi, il a un fils de nationalité française, âgé de vingt-huit ans, qui n'est pas à sa charge mais avec lequel il demeure en lien. Ses parents sont décédés en France et ses deux frères ont la nationalité française. Dans ces conditions, et à la date de l'arrêté litigieux, la menace à l'ordre public que constituait la présence de M. A... en France n'était pas suffisamment importante pour justifier un refus de renouvellement du certificat de résidence d'un an " vie privée et familiale " qui lui a été opposé sans porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'arrêté litigieux méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord-franco-algérien.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'arrêté litigieux, mais antérieurement au jugement attaqué, M. A... a été de nouveau condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt pour de multiples vols par effraction commis dans des locaux d'habitation en octobre 2022, novembre 2022 et janvier 2023. Au regard de ces éléments nouveaux, mis en perspective avec les nombreuses infractions déjà commises entre
1984 et 2011 puis en 2021, et eu égard au principe rappelé au point 3, l'annulation de l'arrêté litigieux n'impliquait pas nécessairement la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans mais impliquait seulement un réexamen de la situation de M. A... au regard de la situation de droit et de fait existant à la date de son réexamen.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen lui a enjoint de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien valable dix ans. Il y a donc lieu d'annuler dans cette seule mesure le jugement attaqué.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 3 avril 2023 est annulé en tant qu'il a enjoint au préfet du Calvados de délivrer à M. A... un certificat de residence algérien valable dix ans.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Une copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Lellouch, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.
La rapporteure,
J. Lellouch
Le président,
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01151