Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 24 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante.
Par un jugement n° 2114836 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le refus de visa n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la demandeuse de visa ne justifie pas de la cohérence de son projet d'étude ni de l'intérêt réel pour elle de suivre ses études en France ;
- il existe des motifs sérieux permettant d'établir que la demandeuse de visa séjournerait en France à d'autres fins que celles pour lesquelles elle a demandé un visa pour études.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Bella Etoundi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 28 janvier 2001, a demandé la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante à l'autorité consulaire française à Yaoundé, laquelle a rejeté sa demande. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé à l'encontre de la décision consulaire. Par un jugement du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par (...) les étudiants dans les meilleurs délais (...) ".
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
5. Le point 2.1 de l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études ", indique notamment : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France. ". Cette même instruction, en son point 2.4 intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. ". Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études. Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
6. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur que la décision de refus de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le motif tiré de l'absence de caractère sérieux et cohérent des études envisagées par Mme A... et dès lors de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu, en septembre 2020 au Cameroun, son baccalauréat série D " Mathématiques et Sciences de la vie et de la terre ", Mme A... a été admise, en juillet 2021, à suivre en France, au titre des années scolaires 2021/2022 et 2022/2023, une préparation en deux ans au diplôme de BTS " services et prestations dans les secteurs sanitaires et social " dispensée par l'établissement Estya University. Elle a indiqué, lors de l'entretien conduit par un conseiller de Campus France, que ce projet d'étude s'inscrivait dans son souhait d'évoluer professionnellement dans le secteur du service sanitaire, dans un premier temps comme assistante médicale, puis comme gestionnaire d'une structure sanitaire après préparation d'une licence et d'un master en management des structures sanitaires et sociales. Si le ministre soutient que le Cameroun propose des formations dans cette spécialité, Mme A... fait valoir, sans être contredite, qu'elles ont trait à l'administration et à la gestion des entreprises et non des établissements sanitaires et sociaux. Par ailleurs, la circonstance invoquée par le ministre que la formation choisie est dispensée par un établissement de droit privé soumettant l'inscription au paiement de droits d'inscription conséquents est sans incidence sur le caractère sérieux des études envisagée par l'intéressée. Enfin, s'il est constant que celle-ci a participé, au Cameroun, dans les mois qui ont suivi l'obtention de son baccalauréat, à des cours en langue allemande, d'octobre 2020 à janvier 2021 puis en langue anglaise, de janvier à mars 2021, le ministre ne saurait en déduire que le projet d'études de Mme A... ne serait pas cohérent, eu égard à la courte durée de ces formations, et alors que l'intéressée soutient les avoir suivies dans l'attente des résultats de sélection de l'établissement Estya University sollicité dans le cursus envisagé. Il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier, et alors même que le conseiller de Campus France et le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade ont émis un avis défavorable, que le projet d'études au titre duquel le visa a été demandé serait dépourvu de tout caractère sérieux et cohérent. Dans ces conditions, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, qui serait de nature à révéler que Mme A... aurait sollicité ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de rejet de la commission de recours et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bella Etoundi de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Bella Etoundi une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02376