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23/02/2024 | FRANCE | N°21NT03651

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 février 2024, 21NT03651


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Isoroy a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a prescrit la réalisation d'études et de diagnostics portant sur la pollution des terrains sur lesquels elle a exploité une activité de production de panneaux de particules brutes.



Par un jugement n° 1902548 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.


> Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 décembre 2021 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Isoroy a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a prescrit la réalisation d'études et de diagnostics portant sur la pollution des terrains sur lesquels elle a exploité une activité de production de panneaux de particules brutes.

Par un jugement n° 1902548 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 décembre 2021 et 6 septembre 2022, la société par actions simplifiée Isoroy, représentée par Me Fenni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2019 du préfet du Calvados ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de base légale sans en informer préalablement les parties ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière faute que lui aient été communiqués les rapports ayant fondé la décision querellée, que lui ait été accordé un temps suffisant pour présenter ses observations et que le directeur de l'agence régionale de santé ait été consulté ; cet acte doit en réalité être regardé comme étant constitutif d'un arrêté de mise en demeure dont les formalités d'édiction n'ont pas été respectées par le préfet ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un détournement de procédure ;

- il est entaché d'un défaut de base légale, l'article R. 512-39-4 du code de l'environnement ne s'appliquant pas à sa situation ;

- il fait une mauvaise application du principe de précaution ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- les pollutions en bore et solvants chlorés sont imputables à la société Cibem ;

- la société Cibem est le débiteur légal des obligations de remise en état du site ;

- les prescriptions qui lui sont imposées ne sont pas nécessaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'arrêté contesté pouvait être pris sur le fondement des dispositions de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

- et les observations de Me Carré, pour la société Isoroy.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 janvier 1957 du préfet du Calvados, la société G. Leroy a été autorisée à exploiter une scierie de bois du pays, une fabrique de boîtes à fromages et de caisses d'emballages, ainsi qu'une fabrique de panneaux de particules bruts à Saint-Pierre-sur-Dives. Les deux activités ayant été séparées en 1986, la société Isoroy a repris l'activité de fabrication de panneaux de particules bruts, conformément à un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter du 27 avril 1995, et la société Cibem a repris l'activité de fabrication de boîtes à fromage. La société Isoroy a cessé son activité en 2002. Des analyses environnementales ont alors mis en évidence, sur le site d'exploitation, une pollution des sols et des eaux souterraines, notamment en bore et au chlore. Par arrêté du 6 septembre 2019, le préfet du Calvados a prescrit à la société Isoroy la réalisation d'études et de diagnostics portant sur la pollution des sols et des eaux souterraines du site. Cette société a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des énonciations mêmes du jugement attaqué que, pour écarter, par un motif qui n'est pas surabondant, le moyen soulevé par la société Isoroy, tiré de ce que la pollution des sols au solvants chlorés ne lui était pas imputable, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur un document, intitulé " Guide sur le comportement des polluants dans les sols et les nappes ", produit par le bureau des recherches géologiques et minières (BRGM). Ce document n'a pas été communiqué à la société Isoroy de sorte qu'elle s'est trouvée privée de la possibilité de débattre contradictoirement du contenu de ce rapport. Par suite, les premiers juges ont méconnu les exigences inhérentes au caractère contradictoire de la procédure et ont, pour ce motif, entaché leur jugement d'irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens contestant la régularité de ce jugement.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Isoroy devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 septembre 2019 du préfet du Calvados :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, par un arrêté du 16 novembre 2016 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Calvados, M. Stéphane Guyon, secrétaire général de la préfecture du Calvados, a reçu délégation du préfet du Calvados à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, relevant des attributions de l'Etat dans le département du Calvados ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figure pas l'arrêté contesté. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cet arrêté de délégation de signature au secrétaire général de la préfecture, qui ne comporte aucune ambiguïté, est suffisamment précis, et ne subordonne pas cette délégation de signature à l'absence ou à l'empêchement du préfet. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 181-45 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires du préfet, après avoir procédé, lorsqu'elles sont nécessaires, à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32./ Le projet d'arrêté est communiqué par le préfet à l'exploitant, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit. (...) ".

6. La décision attaquée a pour objet d'imposer, à la société Isoroy, la réalisation d'études en vue de protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il résulte de l'instruction qu'un délai de 15 jours lui a été accordé, conformément aux dispositions de l'article R. 181-45 du code de l'environnement, pour répondre au projet d'arrêté préfectoral lui imposant de réaliser ces études. Il résulte par ailleurs, de l'instruction et n'est pas contesté qu'un précédent projet d'arrêté, préparé en 2017, ayant le même objet que l'arrêté attaqué, reposant sur les mêmes éléments de fait résultant, notamment, de rapports et de diagnostics de pollution des sols réalisés au cours de la période comprise entre 2003 à 2005 et des campagnes de mesures des eaux souterraines effectuées entre 2004 et 2015, lui avait été adressé et que la société avait elle-même informé l'administration, par un courrier électronique du 16 janvier 2019, de ce que les études prescrites avaient commencé d'être diligentées. Par suite, les moyens tirés par la requérante de ce qu'elle n'aurait pas disposé d'un délai suffisant pour répondre au projet d'arrêté et qu'auraient été méconnues les " exigences procédurales afférentes aux mises en demeure ", notamment, les dispositions des articles L. 171-6 et L. 514-5 du code de l'environnement, à les supposer applicables, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 181-18 du code de l'environnement : " Le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, ou le ministre chargé de la santé lorsque le projet est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine au-delà du territoire d'une seule région, qui dispose de quarante-cinq jours à compter de la réception du dossier pour émettre son avis ".

8. Il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté attaqué, dont l'objet est de prescrire la réalisation d'études, serait susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine qui auraient rendu nécessaire la consultation du directeur général de l'Agence régionale de santé. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que l'Agence régionale de santé avait été consultée sur le projet d'arrêté mentionné au point 6, qui avait le même objet que l'arrêté contesté. Le moyen tiré de ce que cette autorité n'a pas été consultée ne peut dès lors qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police (...) ".

10. L'arrêté attaqué vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il fait notamment état de l'ancienne exploitation du site par la société Isoroy, des pollutions mises en évidence lors de la cessation de son activité et de la persistance d'une pollution résiduelle au bore et aux solvants chlorés dans les sols et les eaux souterraines, du lien entre l'activité de la société et ces pollutions et de ce qu'elles sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en se référant à plusieurs rapports d'inspection. Si la société Isoroy soutient que le préfet du Calvados n'a pas ainsi apporté la preuve du lien entre l'activité de la société et ces pollutions, elle conteste ainsi le bien-fondé de cette motivation et non sa régularité. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Le préfet du Calvados a fondé son arrêté du 6 septembre 2019 sur les dispositions de l'article R. 512-39-4 du code de l'environnement, qui n'est pas applicable aux exploitants des installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005. Il est constant que la société Isoroy a cessé son activité au cours de l'année 2002. Par suite, l'arrêté du préfet du Calvados du 6 septembre 2019 est fondé sur une base légale erronée.

12. Toutefois, lorsque le juge administratif constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée et sur lequel s'est fondée l'autorité administrative, il peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder soit à la demande des parties soit de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce dernier cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

13. Aux termes de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation ". Ces dispositions peuvent être substituées, comme l'ont demandé tant le préfet devant le tribunal administratif que le ministre en appel, à celles de l'article R. 512-39-4 du même code sur lesquelles l'autorité administrative a fondé initialement sa décision, dès lors qu'elles ont le même objet, que l'autorité administrative dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions et que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la société Isoroy d'aucune garantie. Le moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêté attaqué doit donc être écarté.

14. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté attaqué, qui a pour objet d'imposer à la société Isoroy la réalisation d'études destinées à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

15. L'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais, en tenant compte, le cas échéant, d'exploitations ultérieures sur le même site par d'autres personnes.

16. Ainsi qu'il a été dit, la société Isoroy, qui a été autorisée par arrêté préfectoral du 27 avril 1995 à exploiter l'activité de fabrication de panneaux de particules brutes précédemment exercée par la société G. Leroy pour l'exploitation de cette même activité, s'est substituée à cette dernière en qualité d'exploitant de sorte qu'il lui incombe de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de cette exploitation. Contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, la société Cibem, qui exploite sur le même site l'activité de fabrication de boîtes à fromage distincte de celle de la fabrication de panneaux de particules brutes, ne peut être regardée comme s'étant substituée à la société G. Leroy en qualité d'exploitant.

17. Si l'arrêté préfectoral du 6 septembre 2019 comporte une erreur factuelle, en ce qu'il mentionne que la société Isoroy a exploité, entre 1982 et 2003, des installations de fabrication de boîtes à fromages et de panneaux de particules, alors que la société Isoroy n'a repris une partie de l'exploitation de la société G. Leroy qu'en 1986, la société Cibem reprenant, pour sa part, l'activité de fabrication de boîtes à fromage, il ne résulte pas de l'instruction que cette erreur a eu une incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur le lien entre les pollutions constatées et l'activité de la société Isoroy, dès lors qu'il a estimé que ces pollutions étaient liées à l'activité de fabrication de panneaux de particules brutes, qui est celle reprise par la société Isoroy en 1986.

18. Il résulte du rapport de l'inspecteur des installations classées du 29 octobre 2007 que les études de sol réalisées entre 2002 et 2004 par la société Isoroy ont révélé une contamination du sol au bore dans plusieurs zones, et que les piézomètres localisés dans la partie nord-est du site, où sont concentrés les sols contaminés par du bore, présentent les plus fortes concentrations. Pour imputer à l'activité de fabrication de panneaux de particules brutes, exploitée par la société Isoroy, la pollution au bore du site où elle était installée, le préfet du Calvados se fonde notamment sur un courrier du 20 septembre 1982 de la société G. Leroy faisant état de poussières de ponçage contenant de l'acide borique, émises dans le cadre de l'activité de production de panneaux de contreplaqué. Il résulte de ce qui a été dit au point 16 du présent arrêt que la seule circonstance que la société Isoroy n'était pas alors titulaire de l'autorisation d'exploiter cette installation est sans incidence sur son obligation de remise en état du site. En outre, il résulte de l'instruction que la société Isoroy disposait d'un atelier de ponçage pour la fabrication des panneaux de particules et il n'est pas allégué qu'un changement de méthodes de production serait ultérieurement intervenu et aurait évité la production de poussières de ponçage par la société Isoroy. Par ailleurs, une mise en demeure de cesser le brûlage à l'air libre de poussières de bois du 21 octobre 1991 atteste d'une telle pratique à cette date par la société Isoroy. Enfin, la société Isoroy a indiqué, dans son dossier d'autorisation d'exploiter de 1992, utiliser, dans la fabrication de sa colle, des adjuvants comportant, pour la fabrication de certains panneaux spéciaux, des produits de conservation du bois tels qu'ignifugeants, insecticides, fongicides et hydrofuge, produits dont il n'est pas sérieusement contesté qu'ils contiennent de l'acide borique afin de rendre les matériaux ignifuges et de servir de fongicide et d'insecticide. Dans ces conditions, le préfet du Calvados a pu estimer que la pollution des sols et des eaux souterraines au bore résultait de l'exploitation de la société Isoroy, alors même que la société Cibem, exploitant une autre activité sur le même site, utilisait également des colles contenant de l'acide borique et qu'une mise en demeure adressée à cette société le 21 janvier 2011 a relevé des manquements de cette société dans le traitement des effluents des encolleuses, pouvant contenir du bore.

19. Il résulte, également, du rapport de l'inspecteur des installations classées du 29 octobre 2007 que les différentes campagnes d'analyses du site ont mis en évidence des quantités excessives de solvants chlorés dans les eaux souterraines au niveau des installations de la société Isoroy. Ainsi que le fait valoir le préfet du Calvados, le dossier de cessation des activités de la société Isoroy mentionne un stock de solvants antérieurs à 1970. Il n'est pas contesté que des solvants chlorés étaient couramment utilisés dans l'industrie pour le dégraissage de pièces métalliques et comme additif à des peintures et des vernis, jusque dans les années 1970. Ainsi, à supposer même que la société Isoroy n'aurait pas fait elle-même usage de tels solvants, l'usage de ces produits chimiques pour l'activité de production de panneaux de particules brutes par la société G. Leroy est établi. Ainsi qu'il a été dit au point 16 ci-dessus, la seule circonstance que la société Isoroy n'était pas alors titulaire de l'autorisation d'exploiter cette installation est sans incidence sur l'obligation de remise en état du site qui lui incombe.

20. Il résulte des développements qui précèdent que les moyens tirés par la société Isoroy de ce qu'elle ne serait pas débitrice de l'obligation de remise en état du site et de ce que les pollutions constatées en bore et solvants chlorés ne lui seraient pas imputables de sorte que le préfet du préfet du Calvados ne pouvait lui imposer, par l'arrêté du 6 septembre 2019 attaqué, la réalisation d'études et de diagnostics portant sur la pollution des sols et des eaux souterraines du site doivent être écartés.

21. Enfin, les analyses réalisées par Suez Remédiation France en janvier 2019 révèlent la présence de bore sous forme dissoute dans la nappe phréatique, avec des teneurs globalement stables depuis le début des mesures en 2003. Si ces teneurs sont inférieures aux valeurs réglementaires pour l'eau potable au niveau des piézomètres Pz2, Pz4 et Pz6 et du puits Cibem, elles sont toutefois quatre fois supérieures à la valeur réglementaire au niveau du Pz1, alors que la concentration en bore des eaux en amont du site respecte les valeurs réglementaires. Le moyen invoqué par la société Isoroy et tiré de ce que " les résultats les plus récents ne justifient aucunement les mesures préconisées par la préfecture dans son arrêté du 6 septembre 2019 " doit donc être écarté.

22. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci ne se fonde pas sur le principe de précaution. Le moyen tiré de ce qu'il aurait été fait une inexacte application de ce principe ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Isoroy n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2019 du préfet du Calvados.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Isoroy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 20 octobre 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Isoroy devant le tribunal administratif de Caen et les conclusions d'appel présentées par cette société sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Isoroy et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 6 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03651
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : BAUM & CIE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;21nt03651 ?
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