Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Guipavas (Finistère) à leur verser une somme de 150 000 euros en réparation des préjudices résultant des nuisances liées au fonctionnement du " city-stade ".
Par un jugement n° 2104931 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande pour irrecevabilité.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2023 et le 7 décembre 2023,
M. et Mme C..., représentés par Me Garet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 janvier 2023 ;
2°) de condamner la commune de Guipavas à leur verser une somme de 150 000 euros ;
3°) d'enjoindre au maire de Guipavas de faire cesser le trouble anormal au vu des préconisations des experts dans un délai de deux mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Guipavas une somme de 4 280 euros au titre des frais d'expertise et les frais divers engagés dans le cadre de la procédure outre celle de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur la recevabilité :
- le protocole transactionnel n'a pas été respecté, dès lors que la concession de la commune consistant en la réalisation d'un merlon végétalisé n'a pas permis d'éviter les nuisances sonores résultant du city stade ; en proposant une concession qui s'est révélée inefficace, la commune les a trompés ; la transaction est donc entachée de nullité ;
- pour les mêmes motifs, le protocole transactionnel n'a pas été conclu de bonne foi par la commune, en méconnaissance de l'article 1 044 du code civil ;
- le protocole transactionnel est entaché de nullité dès lors qu'elle a été signée par le maire de la commune avant que ce dernier n'y ait été autorisé par le conseil municipal ;
- leurs demandes ne sont pas irrecevables dès lors qu'elles sont fondées sur de nouveaux préjudices survenus après la signature du protocole résultant des changements de circonstances intervenus dans les conditions d'accès au city stade ;
- les concessions réciproques sont totalement déséquilibrées et plus encore trompeuses et léonines compte tenu de l'inefficacité totale du talus pour remédier aux nuisances sonores ;
Sur le fond :
- les nuisances sonores importantes résultant du city stade constituent un dommage d'ouvrage public qui engage la responsabilité sans faute de la commune de Guipavas à leur égard ;
- le maire a commis une faute en laissant le city stade et son aire sur-fréquentés tant en journée sur une amplitude horaire très large qu'en dehors de cette amplitude ;
- cette faute est aggravée par le dol résultant du fait que le maire savait que le talus serait inefficace ;
- ils ont subi un préjudice grave et spécial eu égard à l'importance des nuisances et ont droit à être indemnisés à hauteur de :
o 24 000 euros au titre des nuisances endurées ;
o 6 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
o 130 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur bien.
- les frais divers exposés dans le cadre de cette procédure s'élevant à la somme totale de 4 280 euros doivent leur être remboursés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, la commune de Guipavas, représentée par Me Bonnat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des époux C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellouch,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Geoffroy, représentant la commune de Guipavas.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section AV n° 168, située sur le territoire de la commune de Guipavas et sur laquelle se trouve leur maison d'habitation. Un espace extérieur multisports, dénommé " City-stade ", a été implanté par la commune en 2013 à proximité de leur maison. Estimant que leur propriété subit des désordres résultant du fonctionnement de l'espace extérieur multisports, M. et Mme C... ont obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Rennes la désignation d'un expert par une ordonnance n° 1405226. Après remise du rapport d'expertise, M. et Mme C... ont signé un protocole transactionnel avec la commune de Guipavas le 21 février 2019. Toutefois, le 2 juin 2021, ils ont à nouveau saisi la commune d'une demande préalable afin d'être indemnisés des préjudices résultant des nuisances liées au " city stade " et afin que la commune fasse cesser les nuisances. Cette demande a fait l'objet d'un rejet implicite. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme C... :
2. Aux termes de l'article 2044 du code civil: " La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ". En vertu de l'article 2052 du même code, un tel contrat a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. L'article 6 du code civil interdit de déroger par convention aux lois qui intéressent l'ordre public. Il résulte de ces dispositions que l'administration peut, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le protocole transactionnel a été signé par le maire au nom de la commune le 21 février 2019. Le 3 avril suivant, le conseil municipal a adopté une délibération par laquelle il a approuvé le protocole d'accord et les travaux à réaliser et a autorisé le maire à signer tout document à intervenir. Dès lors, le conseil municipal doit ainsi être regardé comme ayant donné son accord a posteriori à la conclusion du protocole transactionnel en litige. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, l'absence d'autorisation préalable donnée par l'assemblée délibérante à la signature du contrat par le maire, ne saurait, compte tenu du consentement donné par le conseil municipal, être regardée comme un vice d'une gravité telle que le protocole transactionnel doive être regardé comme entaché de nullité et être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le protocole transactionnel conclu le 21 février 2019 serait entaché d'un vice d'une particulière gravité, touchant notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, susceptible de le faire regarder comme entaché de nullité.
5. En troisième lieu, le protocole transactionnel prévoit l'engagement de la commune de Guipavas à " faire réaliser un merlon végétalisé de 2,50 m de haut maximum, avec des plantations d'essence locales, afin de faire un écran visuel et phonique et éviter la gêne sonore provenant du City stade " en contrepartie de la renonciation des époux C... " à toute réclamation, instance ou action à l'encontre de la commune de Guipavas ayant pour cause directe ou indirecte les faits exposés au préambule du protocole ". Ce préambule rappelle que la commune de Guipavas a décidé, en mars 2013, de faire construire un espace multisports dénommé " City-stade ", que les époux C... se sont plaints, en qualité de voisins de l'ouvrage, de nuisances sonores résultant du fonctionnement du " City-stade ", que ceux-ci ont adressé à la commune, le 26 février 2018, une demande préalable tendant à obtenir la réalisation d'un merlon végétalisé en vue de diminuer les nuisances, d'une part, ainsi que le remboursement des frais engagés, d'autre part, et, enfin, que la commune et les époux C... se sont " rapprochés aux fins de mettre un terme au litige, moyennant concessions réciproques ". L'expertise a formulé plusieurs propositions pour atténuer les nuisances en précisant les caractéristiques de chacune d'elle, leur coût et leur efficacité. Compte tenu de l'intérêt qui s'attache, pour les deux parties, au règlement du différend qui les oppose et eu égard, d'une part, à la contestation élevée par M. et Mme C... relative à l'existence et au fonctionnement du City stade et, d'autre part, au droit à réparation des préjudices susceptibles de découler à leur égard de cet ouvrage public, ce protocole comporte des concessions réciproques qui n'apparaissent pas manifestement déséquilibrées au détriment de l'une ou l'autre partie.
6. En quatrième lieu, les circonstances que des discussions ultérieures ont eu lieu entre la commune et les requérants au sujet des horaires d'ouverture de l'équipement et que les modalités d'accès au City stade ont été modifiées par le maire sont sans incidence sur la portée et les effets du protocole, qui ne comportait à cet égard aucune clause particulière, et elles ne constituent, en tout état de cause, pas des changements des circonstances de fait et de droit créant de nouveaux préjudices.
7. Il en résulte que le protocole transactionnel du 21 février 2019 a bien le même objet que les demandes des époux C... tendant, d'une part, à l'indemnisation des préjudices résultant de l'ouvrage public dénommé City stade et d'autre part, à la réalisation de travaux susceptibles d'y mettre fin, sans qu'y fasse obstacle la circonstance selon laquelle les concessions de la commune prévues à ce protocole n'ont pas permis de mettre fin aux nuisances dénoncées par les intéressés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes comme irrecevables.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. et Mme C... soient mises à la charge de la commune de Guipavas, qui n'est pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C... la somme que demande la commune de Guipavas au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Guipavas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... C... et à la commune de Guipavas.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.
La rapporteure,
J. LELLOUCH
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00697