Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... A... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 5 février 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à N'Djamena (Tchad) refusant de délivrer à Mme C... un visa de long séjour en qualité de membres de la famille d'un réfugié.
Par un jugement n° 2303520 du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de rejet du 5 février 2023 de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France et a enjoint au ministre de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- compte tenu des incohérences dont il est entaché, l'acte de naissance produit ne permet pas d'établir l'identité de Mme C... ;
- il n'est pas justifié d'une délégation de l'autorité parentale au profit de la réunifiante ;
- le lien allégué entre la demandeuse de visa et la réunifiante n'est pas établi par des documents d'état civil ou des éléments de possession d'état probants.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2024, Mme B... A... et Mme C..., représentées par Me Pronost, concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit prononcé une astreinte de 100 euros par jour de retard dans la délivrance du visa sollicité et à ce que soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros hors taxes, à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, à l'une des intimées.
Elles font valoir que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés, que le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration et qu'il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle.
Mme B... A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2024.
Vu :
- la requête n° 24NT00772 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé l'annulation du jugement n° 2303520 du 15 janvier 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gaspon,
- et les observations de Me Pronost, représentant Mme B... A... et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante soudanaise, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision du 17 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Une demande visa de long séjour a été présentée au titre de la réunification familiale en faveur de Mme C..., qu'elle présente comme sa fille, auprès de l'autorité consulaire française à N'Djamena (Tchad), laquelle a rejeté sa demande. Par un jugement du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 5 décembre 2022 contre cette décision consulaire de rejet et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui a par ailleurs sollicité l'annulation de ce jugement, demande à la cour, par la présente requête, de surseoir à son exécution.
2. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. "
3. Aucun des moyens invoqués par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce dernier. La requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement doit, par suite, être rejetée.
4. Par ailleurs il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de modifier l'injonction déjà prononcée par le tribunal administratif.
5. Mme B... A..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle en première instance, a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 1 200 euros à Me Pronost dans les conditions fixées à cet article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Pronost la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme E... B... A... et à Mme D....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.
Le président-rapporteur,
Olivier GASPON La greffière,
Christine VILLEROT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT007732