Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juin 2023 et le 30 janvier 2024, l'Association de Défense de l'Environnement et des Habitants du Bocage Est Choletais (ADEHBEC), M. BV... E... et Mme CE... E..., Mme BM... AH..., M. G... N... et Mme BN... N..., M. BY... AS..., M. B... O... et Mme BR... O..., M. Z... BI..., M. S... P... et Mme BT... P..., M. AK... CD... Mme AI... CD..., M. AD... AU... et Mme AY... BA..., la SCEA Elevage Peguignon, M. A... BO... et Mme L... BO..., Mme BE... BK..., Mme AB... BK..., M. AP... AV... et Mme BB... AV..., M. AK... AX... et Mme BJ... AX..., Mme CF... CG..., M. BL... W... et Mme CC... W..., M. AJ... X... et Mme H... D..., M. AA... BP... et Mme BW... BP..., M. C... Y... et Mme BC... Y..., M. J... Y... et Mme CB... Y..., M. F... BQ... et Mme BH... AW..., M. V... AL... et Mme K... AL..., M. BS... AO... et Mme Q... AO..., M. U... BD... et Mme CE... BD..., M. BG... AE... et Mme AN... AE..., la SCI BX..., la SARL Mecano-Soudure BX..., M. R... BX... et Mme AM... BX..., M. BY... BX... et Mme AC... BX..., M. T... BF... et Mme AT... BF..., M. AF... AG... et Mme I... AG..., M. J... AG... et Mme CA... AG..., M. AP... AQ... et Mme AR... M..., la SARL BT Peinture Deco, représentés par Me Echezar, demandent à la cour :
1°) d'annuler la décision implicite née le 2 mai 2023 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a refusé de mettre en demeure la société Parc éolien du Bocage de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, en ce qui concerne le parc éolien situé sur le territoire des communes d'Yzernay, de Somloire et des Cerqueux ;
2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et Loire de suspendre l'autorisation d'exploiter accordée à la société Parc Eolien du Bocage et de mettre en demeure cette dernière de déposer un tel dossier de demande de dérogation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- ils justifient d'un intérêt à agir contre la décision contestée ;
- le pétitionnaire était tenu de déposer une demande de dérogation de destruction d'espèces protégées, compte tenu du risque caractérisé de destruction d'individus et habitat d'espèces d'oiseaux et de chiroptères présents sur la zone du projet et vulnérables à l'éolien ;
- l'arrêté du 10 août 2016 ne contient que des mesures de compensation ; aucune mesure de bridage n'est envisagée ; ces mesures ne permettent pas de faire regarder le risque comme n'étant pas suffisamment caractérisé.
Par un mémoire, enregistrés le 22 novembre 2023, la société Parc Eolien du Bocage, représentée par Me Guiheux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- leur seule qualité de riverains du projet ou de propriétaires ne donne pas intérêt aux personnes physiques requérantes à demander l'annulation de la décision attaquée ; au demeurant plusieurs d'entre eux ne sont pas riverains du projet ;
- l'association ADEBHEC ne justifie pas d'un intérêt pour agir ; elle ne s'est pas donné pour objet social la protection des espèces protégées et de leurs habitats ;
- les sociétés requérantes ne justifient d'aucun intérêt leur donnant qualité à contester l'acte attaqué ;
- l'acte attaqué ne fait pas grief ;
- aucune disposition législative ni réglementaire ne permet au préfet de mettre en demeure le titulaire d'une autorisation d'exploiter un parc éolien de former une demande de dérogation à la réglementation relative aux espèces protégées dès lors que ledit parc n'est pas encore mis en service ;
- aucune dérogation n'était requise ; l'impact résiduel estimé sur l'avifaune est insignifiant selon l'étude d'impact ; l'impact résiduel sur les chiroptères est nul à faible ; le risque n'est pas suffisamment caractérisé.
Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2024, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre la décision attaquée ;
- leur demande présente un caractère tardif pour ce qui concerne l'exploitation des éoliennes E4, E5, E6, E7 et E9 qui ont été autorisées par arrêté du 10 août 2016, dont la légalité a été validée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel ;
- désormais, les requérants peuvent seulement contester la légalité du refus tacite concernant l'éolienne E8 pour laquelle une mesure de régularisation était en cours à la date de la demande ;
- le nouvel emplacement de l'éolienne E8, autorisé par l'arrêté préfectoral complémentaire du 17 novembre 2023, ne présente pas un risque caractérisé de destruction d'espèces protégées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dias,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me Echezar, pour l'Association de Défense de l'Environnement et des Habitants du Bocage Est Choletais (ADEHBEC) et autres, et de Me Aubourg, pour la société Parc Eolien du Bocage.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 février 2023, l'Association de Défense de l'Environnement et des Habitants du Bocage Est Choletais (ADEHBEC) et autres ont demandé au préfet de Maine-et-Loire d'enjoindre à la société Parc Eolien du Bocage, bénéficiaire d'une autorisation environnementale, délivrée le 10 août 2016 et complétée le 17 novembre 2023, pour l'exploitation, sur le territoire des communes d'Yzernay, Somloire et Les Cerqueux, d'un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison, de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et, dans l'attente, de suspendre l'autorisation environnementale délivrée. Le silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet de Maine-et-Loire sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. L'association ADEHBEC et autres demandent à la cour d'annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I. - (...) lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation (...) requis en application du présent code, (...)l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...). Aux termes de l'article L. 171-8 du même code : " I. (...) en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ".
4. En vertu du I de l'article L. 181-2 de ce code, " L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations (...)lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 (...) ". L'article L. 181-3 de ce code prévoit notamment que " l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 181-12 du même code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. (...). ". Aux termes de l'article L. 181-14 de ce code : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. (...) L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ".
5. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
6. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
7. Pour déterminer, enfin, si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l'ensemble des aspects mentionnés au point 4, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d'évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire, et de l'état de conservation des espèces concernées.
En ce qui concerne les oiseaux protégés :
8. Il résulte de l'instruction qu'à l'appui de leur demande adressée le 28 février 2023 au préfet de Maine-et-Loire ainsi que de la présente requête, l'association ADEHBEC et autres se sont prévalus de la présence, sur le site du projet contesté, du Vanneau huppé, de l'Œdicnème criard, du Busard Saint-Martin, du Busard cendré, de la Chevêche d'Athena, du Milan noir, du Pluvier doré, de la Tourterelle des bois, du Pouillot siffleur et du Bruant proyer.
9. En premier lieu, le Vanneau huppé, le Pluvier doré et la Tourterelle des bois ne figurent pas sur l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de protection. Par suite, aucune dérogation n'était requise au titre de ces trois espèces.
10. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction et notamment de l'étude avifaunistique annexée à l'étude d'impact que la Chevêche d'Athena et le Milan noir ont été " contactés ", en période de reproduction, à proximité de la zone 3, aucune éolienne n'est prévue dans cette zone, en raison des forts enjeux avifaunistiques qui la caractérisent. Le risque que le projet comporte pour ces deux espèces protégées n'est dès lors pas suffisamment caractérisé.
11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'étude avifaunistique annexée à l'étude d'impact qu'au moins 3 couples d'Oedicnèmes criards nichent sur la zone 2, et que deux autres couples nichent respectivement sur la zone 1 ainsi qu'à proximité de la zone 4. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de la hauteur maximale de vol de cette espèce, celle-ci serait exposée au risque de collision avec les pales des éoliennes. En outre, si le risque de dégradation ou de perte de territoire apparait substantiel dans les zones 1 et 4 où subsistent encore des haies bien conservées, il résulte de l'instruction qu'au titre des mesures d'évitement, l'étude d'impact prévoit l'implantation des éoliennes à une distance de 200 mètres des haies et des bosquets afin de limiter l'impact sur les oiseaux sensibles. L'étude d'impact prévoit également, au titre des mesures d'évitement, que les travaux de terrassement, de fouille, d'excavation et de voiries seront réalisés hors période de reproduction. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le risque que le projet comporte pour l'Oedicnème criard serait suffisamment caractérisé.
12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de l'étude avifaunistique annexée à l'étude d'impact, qu'un nid de Busard Saint-Martin a, notamment, été trouvé, le 26 mai 2010, dans la zone 4, dans le bois de la Fortière. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'une zone tampon de 200 mètres a été respectée autour du bois de la Fortière et que les éoliennes E8 et E9, présentes dans la zone 4, seront implantées respectivement à 220 et 200 mètres de l'habitat de ce rapace. Ces mesures d'évitement sont de nature à permettre de diminuer le risque pour le Busard Saint-Martin de sorte que ce risque ne peut être regardé comme suffisamment caractérisé.
13. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'étude avifaunistique, un couple de Busards cendrés a été observé, en chasse, sur les zones 2 et 3, durant la période de reproduction, sans qu'il soit possible toutefois de localiser le nid. D'une part, cette espèce est considérée comme moyennement sensible à l'éolien, selon le rapport de décembre 2010, de la DREAL Pays de la Loire intitulé " Avifaune, Chiroptères et projets éoliens en Pays de la Loire " et, d'autre part, l'étude d'impact du projet, dont le contenu n'est pas contesté sur ce point, qualifie de faible le risque de dégradation ou de perte de territoire, dans les zones 2 et 3, de plaine, où le milieu est déjà fortement banalisé et où la plupart des haies sont dégradées. Si l'étude avifaunistique relève que cette espèce est très sensible au dérangement, elle souligne aussi que cet impact peut être facilement évité en s'abstenant de réaliser les travaux pendant la période de reproduction de l'espèce. L'étude d'impact qualifie de nul à faible le risque de dérangement de l'avifaune nicheuse, en phase travaux comme en phase d'exploitation du parc, et prévoit, au titre des mesures d'évitement, que les travaux de terrassement, de fouille, d'excavation et de voiries seront réalisés hors période de reproduction. Au regard des mesures d'évitement ainsi envisagées, dont le caractère suffisant n'est pas contesté, le risque que le projet comporte pour le Busard cendré n'est pas suffisamment caractérisé.
14. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que le bois du Marchais, où niche le Pouillot siffleur, se trouve à plus de 2 kilomètres à l'ouest de la zone 1. Il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de la localisation de son habitat, l'implantation des éoliennes dans la zone 1 aurait un impact sur cet oiseau protégé. Le risque que le projet comporte pour cette espèce protégée n'est donc pas suffisamment caractérisé.
15. En septième lieu, si le Bruant proyer a été aperçu en 2009 dans la zone 2, rien ne permet d'établir qu'il y nidifierait, alors que l'étude avifaunistique relève que, dans les Mauges, cet oiseau niche exclusivement sur les prairies humides des bords de Loire, que le milieu de la zone 2, est fortement banalisé et que la plupart des haies sont dégradées. Le risque que le projet comporte pour cet oiseau n'est donc pas suffisamment caractérisé.
En ce qui concerne les chiroptères :
16. Il résulte de l'instruction qu'à l'appui de leur demande adressée le 28 février 2023 au préfet de Maine-et-Loire, ainsi que de la présente requête, l'association ADEHBEC et autres se sont prévalus de la présence, sur le site du projet contesté du Murin de Daubenton, de la Pipistrelle commune, de la pipistrelle de Kuhl, du Murin de Natterer, de la Sérotine commune, de la Noctule commune, ainsi que la Barbastelle d'Europe.
17. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude chiroptérologique réalisée en 2016 par le CPIE Loire Anjou que ces sept espèces protégées ont été " contactées " sur le site du projet, lui-même localisé dans une zone d'incidence modérée pour les chiroptères, selon le schéma régional éolien de la région des Pays de la Loire. Confirmant les hypothèses de l'étude précédemment réalisée en novembre 2011 selon laquelle le site présentait un enjeu faible à modéré en raison d'un bocage dégradé et alors que le bocage périphérique, nettement plus riche et préservé n'incitait pas les chauves-souris à utiliser ce secteur comme terrain de chasse, l'étude réalisée en 2016 conclut aussi que l'enjeu est faible sur la zone d'étude, en raison d'un bocage dégradé et d'une migration diffuse. Si l'étude de 2016 a " contacté " une importante colonie de Murins à oreilles échancrées à 5 kilomètres du site, les constats réalisés sur le site en 2011, indiquant qu'aucune colonie de reproduction n'avait été relevée sur le site et que les colonies les plus proches, détectées à 1,5 kilomètre, ne comptaient que quelques individus, n'ont pas évolué.
18. Il résulte de l'instruction et notamment des écoutes réalisées dans le cadre de l'étude effectuée en 2016 que l'activité globale des chiroptères est faible, voire très faible, sur le site et que l'activité en hauteur est également faible, avec une moyenne de 10,6 contacts par nuit, " nombre significativement peu élevé ". En particulier, l'activité en hauteur de la Pipistrelle commune, de la Pipistrelle de Kuhl, et de la Noctule, espèces fortement sensibles à l'éolien, a été qualifiée de faible. L'activité au sol de la Pipistrelle commune a été évaluée " faible à modérée " et celle de la Pipistrelle de Kuhl et de la Noctule commune a été estimée faible. L'activité au sol et en hauteur de la Sérotine commune, espèce modérément sensible à l'éolien, a été qualifiée de faible. L'activité au sol de la Barbastelle d'Europe, modérément sensible à l'éolien, a été évaluée de " faible à modérée ". Enfin, l'activité au sol du Murin de Daubenton et du Murin de Natterer, faiblement sensibles à l'éolien, a été qualifiée de " très faible ". Au regard du caractère très réduit de l'activité observée sur le site, l'étude de 2016, qui n'est pas contestée sur ce point, a estimé que l'impact du projet était faible, confirmant les conclusions de l'étude de 2011, qui qualifiait de faibles les impacts bruts du projet en matière de perte des habitats de chasse, de gîtes, de terrains de chasse, ou de couloirs de vol. L'étude de novembre 2011 évaluait par ailleurs à " faible à modéré " le risque de collision avec les pales. Enfin, selon cette même étude, si les Pipistrelles sont principalement concernées par ce risque, le nombre d'individus en chasse sur le site n'est pas révélateur d'un risque important.
19. Il est vrai que la zone 4, où se trouve le Bois de la Fortière, terrain de chasse des chiroptères et où ont été contactés la Noctule commune, la Pipistrelle commune et le Murin de Natterer est la plus concernée par des risques associés aux mouvements " transitoires ". Toutefois, il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'étude d'impact du projet qu'il a été décidé d'éloigner les éoliennes de 200 mètres par rapport aux éléments arborés. A cet égard, l'implantation de l'éolienne E8, initialement prévue à 96 mètres à l'ouest du Bois de la Fortière, a été modifiée, par arrêté modificatif du 17 novembre 2023, pour être portée à 220 mètres de ce bois. Si cette distance est mesurée à partir du mât de l'éolienne et ne correspond pas à la distance oblique entre l'extrémité de la pâle des éoliennes et le houppier du boisement, elle demeure largement supérieure à la distance de 50 mètres environ, à partir de laquelle la proximité de l'éolienne est de nature à menacer les chiroptères présents. Par ailleurs, si les requérants soutiennent qu'aucune mesure de bridage n'a été prévue, les auteurs de l'étude de 2016 ont estimé qu'en l'état actuel du site et au regard de la faible activité qui y est observée, cette mesure n'était pas justifiée. Les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause cette affirmation. Dans ces conditions, au regard des mesures d'évitement adoptées, le risque que le projet comporte pour les chiroptères présents sur le site n'est pas suffisamment caractérisé.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire, en n'enjoignant pas à la société pétitionnaire de déposer une demande de dérogation " espèces protégées " au titre des chiroptères présents sur le site, ainsi que des espèces d'oiseaux précédemment analysées n'a pas entaché sa décision d'illégalité.
21. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Parc Eolien du Bocage et par le préfet de Maine-et-Loire, l'association ADEHBEC et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a implicitement rejeté leur demande tendant à ce que la société Parc Eolien du Bocage soit mise en demeure de déposer une demande de dérogation " espèces protégées ".
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de l'association ADEHBEC et autres, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les requérants doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association ADEHBEC et autres une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Parc éolien du Bocage et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association ADEHBEC et autres est rejetée.
Article 2 : L'association ADEHBEC et autres verseront à la société Parc éolien du Bocage une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association ADEHBE représentant unique désigné par Me Echezar, mandataire, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc éolien du Bocage.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Dias, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01997